La Révolution Nationale

 

Le 10 mai 1940, les divisions nazies de l’Allemagne se ruèrent sur la France, à travers les frontières belges et luxembourgeoises. Ce fut une période cruciale pour notre nation : notre république, vieille de près de soixante-dix ans, s’effondra.

L’Armistice, signé le 24 juin, devint exécutoire le 25 juin à 1 heure 35 du matin. À sa suite, les Français apprenaient des mots insolites : zone occupée, zone libre, ligne de démarcation.

Des décombres surgissait un nouvel ordre avec un nouveau chef : Pétain. C’était un maréchal de 84 ans. À compter du 11 juillet 1940, il disposait de pouvoirs illimités et il tentait d’imposer une doctrine politique : c’était la « Révolution nationale ».

Pétain mettait aussitôt en place un système pyramidal autoritaire. Il n’y avait plus de représentativité politique. Il lui était substitué le principe exclusif de la distribution de l’autorité par le chef de l’État.

Les instances départementales étaient éliminées, les pouvoirs étaient exercés par préfets et sous-préfets.

Les conseils municipaux étaient remplacés par des délégations spéciales avec un maire nommé. Chaque membre était soigneusement sélectionné, il correspondait aux critères conformes aux idéaux du moment et devait montrer, en particulier, un dévouement aveugle « au vénéré maréchal »1.

 

 

Les exclus du nouveau régime

Dans un premier temps, les communistes et les juifs furent exclus du régime, puis vinrent ensuite tous les démocrates.

Pour les premiers, leur élimination politique et physique avait commencé dès avant la défaite. L’année 1939 avait été dramatique pour les adhérents, la signature du pacte germano-soviétique leur avait rendu l’opinion publique majoritairement hostile. Bon nombre de partisans du parti communiste avaient remis leurs cartes. Le 26 septembre, le parti fut interdit, ses élus furent destitués, nombre de militants arrêtés et jetés en prison2. L’anti-France, c’étaient les Juifs, mais également les métèques, les apatrides. L’équipe de Vichy, au nom de la pureté raciale, s’associait idéologiquement au Reich nazi. Pétain adoptait en toute hâte des lois, des statuts, des décrets et des arrêtés qui formaient une masse considérable de textes répressifs qui allaient conduire les détenteurs de l’autorité aux pires forfaits.

 

Sorgues

Le 11 décembre 1940, le conseil municipal de notre commune avec pour maire Aimé Pêtre, normalement élu, fut suspendu par un décret signé Philippe Pétain. Il était institué à sa place une délégation spéciale avec, à sa tête, M… L…, ancien cadre de la SNCF, au conservatisme primaire, antisémite virulent. À Jean Leppien, antifasciste allemand et Suzanne Ney, juive hongroise, tous deux réfugiés à la ferme des « Confines », qui lui firent part du désir de se marier, il répondit : « Jamais ! » Finalement, après de multiples démarches, ce fut grâce à l’intervention du préfet qu’ils le purent, le 16 août 1941. Lors de la célébration nuptiale, M… L… enleva ostensiblement son écharpe tricolore ; à peine audible, il lut le texte légal, sans se lever de sa chaise. Il remit son écharpe lorsque monsieur et madame Leppien quittèrent la salle. Quant aux nouveaux époux, ils se demandaient s’ils étaient réellement mariés3. Madame Noémie Gavaudan, belle-fille du futur maire progressiste de Sorgues, était un des témoins du mariage.

Comme ses semblables, M… L… décida, par arrêté du 18 juillet 1941, « que tous les juifs, quel que soit leur âge, résidant dans la commune, seraient astreints à remplir, avant le 31 juillet, délai de rigueur, un formulaire de présence sur le territoire. Le défaut de déclaration serait puni d’une peine d’un mois à un an de prison ferme assortie d’une amende de 100 à 10.000 francs ». En cela, il « manifestait son plus complet dévouement… au guide vénéré »4 qui imposait au maire de prendre un arrêté astreignant tous les juifs de sa circonscription à être recensés.

Dès le 1er juillet, en serviteur actif et complaisant du régime, il avait dressé une liste des juifs demeurant dans la commune5. Ce document servit utilement pour les futures déportations. Nous étions en zone dite « libre » et les rafles n’avaient pas encore commencé.

En 1942, Vichy décida d’une assignation à résidence aggravée par l’obligation pour les personnes de confession juive de déclarer au commissaire de police ou, à défaut, au maire, leur changement de séjour pour une absence de plus de trente jours. Une démarche identique leur était imposée dans leur nouveau lieu d’habitation6.

 

1 - La résistance passive

 

1.1 - L’ÉTAT D’ESPRIT GÉNÉRAL DES SORGUAIS

Le nouveau pouvoir tentait de transformer la société en pyramide d’obéissance aveugle. Malgré la rapidité avec laquelle il s’incrusta, « la population restait attachée à ses convictions d’avant guerre. ».7 À sa manière, elle faisait de la Résistance. Ainsi, Louis Paul SIMON, cantonnier communal, n’était pas présent à son service le dimanche 11 mai 1941 alors qu’il avait été commandé par le maire de travailler, de 7 heures à 9 heures et demie, pour la fête de Jeanne d’Arc devenue fête nationale. Il fut dénoncé par le commissaire de police qui l’avait vu au pont de l’Ouvèze vers les dix heures du matin. Pour sa défense, il déclara : « Je suis allé soigner mes vignes et de plus je souffre de coliques » .

Il montra un certificat médical qui appuyait ses dires. : « Cette absence est la conséquence d’une mauvaise volonté manifeste de servir à l’occasion de la fête nationale » jugea le maire qui le révoqua le 12 mai. À la suite, le pouvoir municipal déclara que la fête de Jeanne d’Arc avait été un succès. Elle s’était célébrée dans un esprit d’unanimité nationale. Le salut aux couleurs avait été effectué sur la place de la mairie, en présence des autorités civiles et militaires, des membres de la légion, des élèves des écoles, des groupements de jeunesse. Le commissaire notait dans son rapport mensuel que le public était peu nombreux8.


D’autres personnes étaient notoirement anti-Pétain, la propagande antisémite ne les avait pas influencées. Les exemples fourmillaient : la famille du pharmacien Bouissou, la famille du Docteur Gavaudan9. Le 1er février 1946, le comité militaire national des Francs Tireurs et Partisans Français décerna à madame Renée Bouissou, pour l’aide qu’elle apporta au péril de sa vie, un diplôme de reconnaissance de la Patrie.

 
En exemples aussi : monsieur Dussaud, directeur de l’usine du Glucol, quartier la Peyrarde, qui n’hésita pas à intervenir par écrit auprès de l’autorité allemande pour sauvegarder ses employés de confession juive10, la famille Gil, d’origine espagnole, ouvriers agricoles au quartier des Confines qui aidaient les Leppien dans leur vie quotidienne, monsieur et madame René Bataillé qui se « dévouèrent » pour mesdames Drogoczyner et Szyszczycka Féla, deux soeurs d’origine polonaise.

Un autre de nos concitoyens se mit à la disposition des deux réfugiées, Simon Dumas. En reconnaissance de ce passé tragique, le fils, monsieur Léon Drogoczyner, usa à son égard de l’appellation de parrain11. C’est un fait à signaler particulièrement car Simon Dumas avait été nommé, le 2 juillet 1942, conseiller municipal de Sorgues et le resta jusqu’au 25 août 1944.

 

1.2 - LA VIE QUOTIDIENNE

 

Les Sorguais connaissaient les privations alimentaires, le rationnement. Ils étaient passés en trois mois de l’abondance alimentaire à une situation de disette12. Vichy établissait la carte d’alimentation. Chaque mois, les consommateurs défilaient à la mairie pour retirer leurs feuilles de tickets. Le pain, la viande, le sucre, le lait, le fromage, les diverses matières grasses, le café, le chocolat étaient strictement rationnés. Plus tard, les autorités instituèrent la carte de pommes de terre. Les ménagères découvraient de nouveaux légumes, rutabagas, topinambours, jusqu’ici cultivés pour la nourriture du bétail, qu’elles utilisaient dans leurs menus.

Si l’on ne possédait pas de terres, faire la queue devant les boutiques, courir la campagne à la recherche d’un chou-fleur, avoir un peu de fenouil en échange d’une paire de chaussettes, de quelques cigarettes ou d’une bouteille de vin devenaient les soucis journaliers de tout un chacun. Les quatre paquets mensuels de Gauloises, les quatre litres de vin étaient de précieuses valeurs d’échange. Il y avait bien la mansuétude de certains, comme cette famille de minotiers, mais ils ne pouvaient pas nourrir tous les Sorguais.

Le désir et le besoin de manger poussaient certains à marauder. Ils grappillaient volontiers. Ils n’avaient aucun scrupule à voler des légumes et des fruits dans les potagers et les vergers, ni à couper un arbre la nuit, ou bien à pénétrer dans une basse cour et y faire main basse sur des volailles et des lapins. Egalement, sans problème de conscience, ils prenaient dans les jardins d’autrui tout ou partie des récoltes pour les revendre sous le manteau à des prix très élevés. Pour lutter contre ces activités punissables, le maire nomma, au moyen de quatre arrêtés différents, des gardes champêtres auxiliaires, qui n’étaient pas, bien entendu, juifs, et qui avaient souscrit la déclaration certifiant qu’ils n’appartenaient pas à une association secrète .Ils prêtaient serment devant le juge de Paix. Cette fonction était bénévole ; sous le terme générique de cultivateurs étaient nommées différentes personnes peu liées à l’agriculture, notamment cet officier supérieur de l’armée française aux opinions politiques favorables à l’Allemagne nazie13.

La dictature moralisatrice de Pétain développait chez certains de nos concitoyens un ignoble esprit de délation. Aimé BERNARD, qui exerçait le métier de transporteur, place de la Mairie, fit l’objet d’une enquête de gendarmerie, à la suite d’une dénonciation anonyme.

« J’ai l’honneur de vous informer de certains faits qui se passent chez nous. Un nommé Bernard qui était tourneur à la Poudrerie et qui est maintenant camionneur à Sorgues a l’air de se moquer des travailleurs français qui partent pour travailler en Allemagne pour la seule raison que lui ne part pas. On vous serait très reconnaissant, monsieur le Préfet, de bien vouloir donner des ordres pour que cet état de chose cesse, car il y a beaucoup de parents des ouvriers qui sont partis qui en sont écoeurés. En vous remerciant à l’avance, veuillez agréer, monsieur le Préfet, l’expression de mon plus profond respect…..Signé illisible14 » L’enquête diligentée par le gendarme Vial, sur ordre du Préfet, ne donna aucun résultat. Les nombreuses personnes interrogées « n’avaient pas voulu prendre la responsabilité de faire une déclaration écrite…. Comme la plus grande majorité de ses concitoyens, Aimé BERNARD, n’éprouvait aucune sympathie pour la collaboration, en général, et pour la relève en particulier15 ».

 

Monsieur et Madame René BATAILLE qui aidèrent courageusement deux juives, mesdames Drogoczyner et Szyszczycka

 

Les lettres transitant par la poste étaient examinées par une commission de contrôle. Le sondage du 19 décembre 1940 révélait que 806 lettres avaient été expédiées, 520 lues, 24 contenaient des allusions défavorables à Vichy, deux accordaient leur confiance au gouvernement16. À titre d’exemple, voici ce qu’était pour la censure « une allusion défavorable » : Le 13 mai 1941, un Courthézonnais adressait ces mots à son ami, l’écrivain lyonnais, Marcel E. GRANCHER17 : « Extrait : ...Comme tu as raison de te garer à la campagne. Les paysans sont rois. Ils font la loi. Cet hiver, ils nous feront crever de faim, sois-en sûr… »

Après avoir été un temps anglophile, à compter du 17 septembre 1941, la population commença à s’intéresser au front de l’est, « se réjouissait de la résistance opposée par l’URSS aux armées du reich. La politique de collaboration avait de moins en moins d’adeptes18 ».

Après la défaite de la bataille de Stalingrad par l’armée nazie, l’opinion fut entièrement acquise à l’URSS19. La rentrée des classes de l’année 1941, si elle s’effectua normalement, fut un casse-tête pour nombre de parents par manque de chaussures. C’est avec soulagement qu’ils apprirent que les bons d’octobre étaient réservés aux enfants dont un certain nombre ne disposaient que de pantoufles pour affronter l’hiver20. Les instituteurs se préoccupaient vivement de la propreté de leurs élèves devant les gros dangers que faisait courir le pullulement des parasites. Certains parents se montraient vexés de voir leur enfant épouillé en compagnie21. A compter du deux juin mil neuf cent quarante-trois, les Allemands réquisitionnèrent l’école de garçons (école Jean Jaurès à l’heure actuelle). La rentrée suivante s’effectua pour eux à l’école des filles. La mixité étant impensable, les garçons allaient en classe deux semaines le matin, l’après-midi était réservé aux filles, les deux semaines suivantes l’inverse se produisait. Jusqu’à la fin de l’année scolaire, les élèves eurent une demi-scolarité.22

 

1.3 - L’OCCUPATION ITALIENNE

 

L’occupation italienne était assez discrète. On voyait bien quelques militaires qui passaient avec leur éternel fusil en bandoulière et une plume au chapeau. Les Provençaux les considéraient avec ironie. Il faut dire que depuis leur campagne en Bosnie Herzégovine où ils avaient subi de gros revers devant les partisans communistes de Tito, ils avaient ouvert les yeux. Mussolini ne réussissait plus à galvaniser leur énergie. Ces Toscans, Calabrais, Romains et autres pensaient plus à la fumée de leur toit qu’aux revendications territoriales. La Corse, la Tunisie, Nice et la rive gauche du Rhône étaient pour eux des fariboles. Nos compatriotes, comprenant mal ce manque de conviction, les tournaient en dérision avec cette histoire un peu lourde : Au moment d’un assaut, le commandant d’une escouade italienne s’écriait « Avanti à la baïonnette ! » Et tous, feignant de mal saisir le sens de l’ordre, entendaient « Avanti à la camionnette », reprenaient leurs véhicules automobiles et repartaient dans la direction d’où ils étaient venus sans demander leur reste.

Comme toutes les armées d’occupation du monde, elle savait se montrer, à l’occasion, brutale et indisciplinée. Selon la convention d’armistice, les autorités italiennes devaient prendre en charge les frais d’entretien de leurs troupes. Après leur départ, la commune fit ses comptes : 2250 francs de factures impayées, les factures de téléphone et d’électricité également dues, deux bancs cassés réparés pour la somme de 1073 francs23. Le 21 décembre 1942 au soir, un fait marquant se déroula en gare de Sorgues : la soldatesque transalpine se livrait au pillage d’un wagon contenant du vin de Châteauneuf-du-Pape, le préjudice que subit la SNCF s’éleva à 70 000 francs.24

Mais, parfois, elle a pu également se montrer redoutable. À Mirabeau, un autochtone avait été frappé, tondu et purgé par les militaires à la suite d’une répartie malheureuse, mais involontaire, qu’il avait eue dans un café rempli de soldats italiens.25

 

1.4 - L’OCCUPATION ALLEMANDE

 

Fin novembre 1942, avec l’hiver, d’un coup c’est la ronde infernale de camions hérissés de fusils, bosselés de casques sous lesquels on devine des yeux aux aguets et des torses verdâtres bardés de grenades. Les Allemands ! Les représentants de la race des seigneurs sont partout chez eux.26 Ils sont estimés à un millier.27 Réquisitions ! « Le 22 novembre, ils s’installent place de la gare. Après viendront châteaux, immeubles bourgeois. L’école publique de garçons, place de la Mairie, sera saisie le 2 juin 1943 pour le cantonnement de 100 hommes.28 » Elle servira également de prison temporaire aux patriotes et aux juifs arrêtés. Des colonnes d’opération s’arrêtent place de la mairie, on ne voit guère le visage des soldats car le casque leur descend jusqu’aux oreilles. Parmi eux, un homme lance ce mot « Singen ! » (Chantez !) et ils chantent instantanément avec une énergie farouche. On les sent gonflés à bloc.

Panem et circenses – Du pain, ces hommes en avaient à satiété, et du beurre et de la confiture, les Sorguais, le visage amaigri, regardaient. Circenses ? C’était organisé, le « Relais de Châteauneuf », à la sortie Nord du bourg, était un bordel réservé aux seuls officiers.

 

2 - La vie quotidienne des juifs, des communistes, des francs-maçons et des vietnamiens

 

2.1 - LA VIE QUOTIDIENNE DES JUIFS

 

Avec l’occupation nazie, l’existence quotidienne des juifs devint très difficile malgré «l’amabilité de la population29 ». Ils étaient assignés à résidence, la mention de juif fut apposée sur leur carte d’identité30. Monsieur G…, maire nommé, et Justin Baudière, secrétaire général de mairie, se muant en missionnaires nazis leur imposaient « d’incroyables tracasseries31 ». Dans leur joie de collaborer, ils ne manquaient pas une occasion de « les injurier d’horrible façon32 ». Si nous ne connaissons pas la teneur des paroles, nous pouvons nous former une opinion avec celles exprimées à Avignon par J. L. Lhomme au cours d’une réunion du PPF33, le 29 mars 1944.

Comme la plupart de ses collègues, il souhaitait « que la masse des juifs soit fusillée ».34 Ou bien à travers les écrits de Louis Ferdinand Céline qui s’interrogeait : « Je me demande toujours ce qu’est le plus dégueulasse, une merde de juif bien aplatie ou un bourgeois français tout debout... lequel qu’est infect davantage ? Je peux vraiment décider... »35

Malgré cela, la solidarité s’organisait. Émile Soliman, d’origine turque « de race juive », âgé de 58 ans,36 était interné au camp de Gurs (Basses-Pyrénées). Après avoir tenu pendant 20 ans un commerce d’antiquités à Wiesbaden (Allemagne), il se réfugia en Belgique en 1933, avec sa famille. En 1940, il rejoignit la France où il fut incarcéré. Depuis mai 1940, sa femme et ses deux filles habitaient Sorgues. Elles entreprirent de nombreuses démarches auprès des autorités afin que leur époux et père fût rapatrié à leur domicile. Elles étaient aidées par Aimé Pêtre, « ancien maire déchu »37 qui s’engagea par contrat de travail d’un an à employer Émile Soliman.


« C’est un certificat de complaisance, écrit J… G…, l’adjoint délégué,38 son exploitation agricole n’est pas d’une importance telle qu’elle exige la présence constante d’un ouvrier complémentaire. Par ailleurs, M. Soliman, âgé de 58 ans, n’ayant employé son activité physique qu’à des travaux très peu pénibles, n’est pas indiqué pour se livrer à l’agriculture »39

Le docteur Gavaudan attestait de l’état de santé fragile de madame Soliman qui requérait la présence de son époux40. Madame veuve Ponson, d’une écriture malhabile, irrégulière, pleine de ratures, d’une personne peu habituée à prendre le porteplume, « s’engageait à héberger en sa maison située route d’Orange le nommé Soliman… »41. Émile Soliman a été libéré à Sorgues le 16 février 1943, avec interdiction de travailler42. D’assurer à la communauté juive un secours, cela nécessitait du courage. A soixante ans de distance, on en mesure mal l’importance. À titre d’exemple : Paul Fabre, de Morières-lès-Avignon, fut arrêté par la police allemande, au cours de la deuxième quinzaine du mois de septembre 1943, pour avoir vendu une couronne mortuaire destinée à la tombe d’un pilote américain43.

 

L’opinion des chrétiens vauclusiens face à l’antisémitisme

 

Les lettres du cardinal Gerlier, Archevêque de Lyon, de l’Archevêque de Toulouse et de l’Evêque de Montauban qui protestaient avec une certaine véhémence contre les mesures prises à l’égard des juifs étrangers ne furent pas lues en chaire par les prêtres du diocèse d’Avignon et n’étaient connues que de quelques personnalités religieuses et catholiques. Bien que n’approuvant pas leurs déportations, le clergé du département observait une attitude réservée et n’extériorisait pas son opinion à ce sujet.

L’Église vauclusienne était favorable, dans son ensemble, au gouvernement. Elle suivait en cela les directives données par Mgr de LLOBET, archevêque d’Avignon44. Presque tous les membres du clergé approuvaient officiellement la politique du gouvernement. Certains prêtres, au cours de leurs sermons en chaire, prononçaient même quelques paroles en faveur de PETAIN, invitant les fidèles à suivre le chef de l’état.45

 

L’opinion du parti communiste face à l’antisémitisme

Au début de l’année 1943, le parti communiste distribuait un tract qui donnait l’opinion officielle de ce parti face à ce qu’il savait de l’extermination des juifs.

Il était intitulé « Appel à la conscience chrétienne ».

Il commençait par cette phrase : « Les hommes de Vichy projettent de nouvelles persécutions contre les Juifs. ...Après avoir livré les juifs étrangers, ils vont livrer les juifs français. ...Français, nous savons que l’antisémitisme est pour les nazis le plus sûr moyen de faire perdre son âme à un peuple, de l’asservir et d’obtenir de lui toutes les abdications...CHRETIENS, nous savons qu’ils dissimulent l’attaque la plus perfide mais la plus directe contre les valeurs essentielles de notre foi. Pour rallier à leur cause les catholiques hésitants, dans le tract les communistes se faisaient tous chrétiens et ils citèrent la parole de Pie XI (1857-1939), prononcée en 1937 : « Spirituellement, nous sommes tous des sémites. » Ils continuaient de la façon suivante : « Un nouveau crime des boches ! Tenus en échec sur le front de l’Est où l’héroïque armée rouge leur porte, sous le commandement de Staline, des coups terribles et répétés, les nazis se préparent à commettre de nouveaux crimes... »

L’information des massacres au gaz commençait à filtrer. La petite feuille continuait par ce paragraphe : « ILS PREPARENT LA GUERRE DES GAZ – Et pour expérimenter la nocivité des gaz qu’ils fabriquent dans leurs usines chimiques, les boches ont commis un crime affreux qui soulèvera l’indignation de tous les civilisés. Nous apprenons en effet, de source sûre, que parmi les juifs déportés de la zone occupée et parmi ceux de la zone non occupée que Laval et Pétain leur ont livrés, les boches ont pris 11 000 hommes, femmes, vieillards et enfants sur qui ils ont essayé leurs gaz toxiques et ces malheureux sont tous morts. ...L’ASSASSINAT EN MASSE PAR LES GAZ QUE PRATIQUENT LES BOCHES DOIT ETRE DÉNONCÉ. ...Mort à Hitler et aux traîtres qui le servent. ...LE PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS. »46

 

2.2 - LA VIE QUOTIDIENNE DES COMMUNISTES

 

Avant de parler de la situation des communistes, il est nécessaire d’opérer un retour en arrière. Le 12 mars 1938, Hitler occupa l’Autriche, c’était l’Anschluss (l’annexion). Le 30 septembre 1938, le français Daladier, le britannique Chamberlain et l’italien Mussolini signèrent avec Hitler les accords de Munich. La Tchécoslovaquie était ainsi abandonnée aux nazis. Dès le lendemain, l’armée allemande pénétra en Tchécoslovaquie, pays ami de la France avec lequel un traité d’assistance militaire mutuel avait été signé. À la Chambre où siégeait une majorité de gauche, les accords furent approuvés par 537 voix, s’y opposèrent les 75 députés communistes, le député socialiste Jean Bouhey et un ancien héros de la première guerre mondiale, le député de droite Henri de Kérillis (en 1940, il rejoindra Londres). Churchill déclara à cette occasion : « Ils ont accepté le déshonneur pour avoir la paix. Ils auront le déshonneur et la guerre. » Ces accords sont devenus non sans raison le symbole de la lâcheté politique.

Le 23 août 1939, le monde apprend avec stupéfaction la signature au Kremlin, à Moscou, d’un pacte germano-soviétique. L’URSS soupçonnait les occidentaux de vouloir détourner vers l’Est les appétits de conquête d’Hitler, le temps lui donna raison. Le gouvernement dirigé par Staline voyait dans l’abandon de la Tchécoslovaquie la confirmation de ses craintes. Cette opinion était partagée par le Général de Gaulle.Pour lui, certains milieux voulaient bien voir l’ennemi plutôt dans Staline que dans Hitler. Ils se souciaient des moyens de frapper la Russie, soit en aidant la Finlande, soit en bombardant Bakou, soit en débarquant à Stamboul, beaucoup plus que de la façon de venir à bout du Reich47. Il n’en demeure pas moins que l’annonce de cette signature retentissait comme un coup de tonnerre, la presse française hurlait à la trahison. Ce brusque changement de tactique jeta le désarroi parmi les communistes français qui, pendant des années, avaient dénoncé le nazisme. Le parti, dans les derniers jours d’août, essaya d’expliquer que le pacte visait à sauvegarder la paix car « l’URSS était le rempart de la Paix ».

C’est ainsi que le 26 septembre 1939, prenant prétexte du pacte germano-soviétique qui assurait à l’Allemagne la neutralité de l’URSS, les organisations communistes furent dissoutes. Cette sanction répondait également à une demande du ministre des affaires étrangères nazi Ribbentrop à Georges Bonnet, ministre des affaires étrangères qui, le 1er juillet 1939, sollicitait la mise à la raison des communistes48.

Le parti communiste, avant la capitulation, fut donc un parti clandestin. Le 19 mars 1940, le ministre Albert Sarraut répliqua en ces termes aux accusations selon lesquelles la chasse aux communistes n’était pas assez rapide et ferme : « 61 parlementaires, 300 conseils municipaux, 2 500 conseillers se sont vu retirer leurs mandats, 159 journaux et publications communistes, 620 syndicats professionnels et 675 groupements politiques dissous et interdits, 3 400 militants arrêtés, et 11 000 perquisitions effectuées ».49

 

La chasse aux communistes à Sorgues


 

L’exclusion des communistes commença dès 1938. L’assemblée dirigeante de la Société de Secours Mutuel des Employés et Ouvriers de la Poudrerie Nationale, élue en 1938, était privée de son activité.

Son président, Marcel Reyne, « un agitateur communiste, était déplacé par mesure disciplinaire. »

Le bureau fut remplacé par de nouveaux membres n’ayant plus d’attache avec le parti communiste. Le nouveau président, B…D…, était jugé par le commissaire spécial d’Avignon comme ne faisant pas de politique, d’une moralité et d’une probité irréprochables50. C’était un jugement étonnant : B…D… manifestait un goût exclusif pour les hommes, à une époque où l’homophobie était unanimement partagée.

Sur une simple instruction, en date du 6 novembre 1939, vingt communistes qui travaillaient à la Poudrerie furent radiés par mesure disciplinaire, parmi lesquels :

- Pierre ALLEGRE,
- Jean EYNAUD,
- Jules VACHE,
- Aimé Eugène CHAZAL.

Pierre ALLEGRE était noté : « militant communiste notoire, ex-vendeur de Rouge-Midi. » Vichy poursuivit la politique entreprise sous la Troisième République. Le 17 février 1940, les élus municipaux, membres du parti communiste, furent démis. Une lettre du commissariat de police d’Avignon du 6 juillet 1941 se réjouit de l’arrestation, le 1er mai 1941, d’une grande partie de l’organisation communiste de Vaucluse51: « Sa désorganisation était totale, les membres qui n’étaient pas mobilisés ou arrêtés faisaient le dos rond et attendaient pour agir ».

Ce nouveau gouvernement vivait dans la crainte hystérique d’actions publiques du parti communiste. Cette paranoïa atteignait toutes les administrations. La police et la gendarmerie établissaient autour des communistes et de leurs familles une surveillance attentive52. Leur courrier était ouvert, ils étaient écoutés, leurs voisins étaient discrètement interrogés : Célestin VEYRUN, âgé de 66 ans, Jean Grangeon âgé de 61 ans qui mourra le 11 décembre 1942, et Paul Roussenq 67 ans ; ce dernier n’était pas sorguais, mais il était assigné à résidence dans notre ville.53 Tous les trois figuraient dans les dossiers de la police comme communistes dangereux en cas de troubles54.

À l’approche des dates commémoratives du 14 juillet ou du 11 novembre, c’était l’affolement.

 

 

Célestin VEYRUN, 66 ans, il était considéré communiste dangereux d’après la police de Vichy. A Sorgues en 1922, il fut un des créateurs du Parti Communiste. Après la première guerre mondiale, il était cheminot, employé au P.L.M. de Valence (Paris,Lyon, Marseille). Lors des grandes grèves de 1920, il déroba une locomotive et il était descendu à Avignon pour inciter ses collègues avignonnais à se mettre en grève.(D’après les souvenirs de Marcel REYNE).

 

L’alerte était donnée aux personnels de la police et de la gendarmerie, ils étaient invités à « recueillir d’urgence tous renseignements utiles sur projet (sic) envisagé par les dirigeants de l’ex-parti dissous ».55 Le 1er novembre 1941, le commissaire de police rassura son Préfet sur « l’attitude des dirigeants et des membres de l’ex-parti communiste. »56

Pour le 11 novembre 1943, dix gendarmes furent requis pour assurer le maintien de l’ordre57. En décembre 1940, PETAIN fit une halte d’une heure ou deux en gare d’Avignon. Il allait à Nice en train. Ce fut pour le préfet l’occasion de donner l’ordre « de perquisitionner, dans les principaux centres du département, au domicile d’anciens membres de l’ex-parti communiste ou des sympathisants ». Des arrestations furent opérées58.

En l’honneur de ce bref passage, Achille Rey, directeur des Tablettes du Soir, composa cette poésie de mirliton59:

 

LA LEÇON
Le Maréchal arrive au Pays de PROVENCE
Précédant le soleil avare en ce moment.
Il faut, avant le jour, que sa tâche commence,
Car il veut apaiser du pays le tourment.
Après deux jours où vibre un coeur nouveau de France,
Il va rentrer prendre un repos de quelques instants.
Il est minuit, en Avignon, mais sa vaillance
Lui permet d’accueillir encore le serment.
Empiéter sur le soir et dompter le sommeil,
Galvaniser son âme et sonner le réveil,
Tel est le noble effort et la leçon du sage.
Pour servir son pays, Français, il n’est pas d’âge.
Mais sache qu’on ne peut s’endormir volontiers
Qu’en méditant des lendemains forts de lauriers !

 

 

Lorsque PETAIN vint à Avignon, en novembre 1942, le délire vichyssois atteignit son comble, on arrêta toutes les personnes suspectées d’avoir des sympathies ou d’appartenir à « l’ex parti déchu ». Ainsi le capitaine Bognel, commandant la 15ème légion de compagnie de Vaucluse de la gendarmerie, proposait, en ces termes, l’arrestation de José GARCIA qui demeurait rue Ducrès : « Suite à la remise que je vous ai faite ce jour d’une vingtaine de papillons écrits à la main, semblant être d’origine communiste et gaulliste qui ont été trouvés ce matin 8 octobre 1942 à Sorgues, devant la mairie, j’ai l’honneur de vous proposer l’arrestation immédiate de l’ex-Espagnol GARCIA José né le 17 novembre 1912 à Carthagène (Espagne), domicilié à Sorgues, naturalisé français le 12 février 1933, inscrit à la liste S et qui représente l’élément le plus dangereux des communistes de cette localité. L’orthographe de certains mots tracés sur ces papillons laisse supposer qu’ils sont l’oeuvre d’Espagnols. »60


José GARCIA, communiste naturalisé français en 1933. Vichy lui trouva une nouvelle nationalité : « ex-Espagnol ».
Il semble que « l’ex-Espagnol » soit demeuré emprisonné le temps de la visite de Pétain. Le commissaire MONGE écrivait au préfet que la suppression « des permis de chasse aux ex-communistes et extrémistes notoires, connus comme tels, n’avait suscité aucune agitation ostensible. »

 

2.3 - LA VIE QUOTIDIENNE DES FRANCS-MAÇONS

 

Les francs-maçons, considérés comme membres d’une institution juive dans ses croyances les plus fondamentales, étaient traqués et destitués de leur emploi ou fonction. Le journal officiel du 19 août 1941 releva de ses responsabilités Denis Soulier, Domaine de Saint Maurice à Sorgues, membre du conseil fédéral du Grand-Orient de France. Il avait fait l’objet d’une enquête, il était désigné « Conseiller général, maire figurant dans l’aréopage de « l’Esprit humain », chapitre : L’encyclopédie. Le contrat social-(député). Monsieur Denis SOULIER, ancien conseiller général et maire de Sorgues, était décédé au cours de l’année 1940 et il n’avait jamais été député !61

 

2.4 - LES VIETNAMIENS AU CAMP DES BÉCASSIÈRES

 

Pendant tout le conflit, quelque quatre mille travailleurs appartenant à l’organisation paramilitaire de la main d’oeuvre indigène coloniale de la France (M.O.I.) ont été cantonnés au camp des Bécassières. Ils étaient tous originaires de l’ancienne Indochine française. En 1939, le plus grand nombre avaient été recrutés de force, il fallait s’exécuter et obéir aux ordres. Ils ignoraient tout de la France à l’exception des drapeaux tricolores qui flottaient sur les bâtiments publics dans leur pays. Ces malheureux, à l’exception de quelques lettrés, ne parlaient pas français, ils ignoraient tout de l’Allemagne et d’Hitler, cette guerre n’était pas la leur. Ils venaient suppléer le manque de main-d’oeuvre, ils étaient employés soit à la Poudrerie nationale, soit dans des exploitations agricoles.

 

A la Poudrerie, le travail, pour ces hommes d’origine paysanne, était l’enfer. Ils acceptaient très mal d’être rivés face aux bancs de poudre jaune toxique ainsi que le rythme de travail dit des trois huit.

Monsieur DO VAN LUONG,père d’Anne-Marie.

 

 

Ils étaient logés dans de petits bâtiments de briques construits rapidement, aux toitures à deux pans couvertes de tuiles plates, qui faisaient ressembler ces endroits à des cités ouvrières.62 Le colonel de la Pommeraie exerçait le commandement. Il avait fait dresser un mat pour hisser le drapeau tricolore et construire une prison, ce lieu de supplice inventé par les tyrans.63 Peinte en blanc, elle trônait au milieu du camp,menaçante. Il régnait un relent de régime colonialiste, l’abus de pouvoir et l’oppression édifiés en système d’administration étaient le fruit des expériences du colonel durant son long séjour en Indochine. Il avait été non seulement le fondateur de la puissante chambre de commerce de Saigon, mais également administrateur d’une banque. Il possédait tout près du camp le château de Générat. La police interne était dirigée par un adjudant nommé Georges, surnommé Hitler, à cause non seulement de la petite moustache qui ornait sa lèvre supérieure mais surtout de sa dureté. Il dirigeait une escouade de trente policiers. À la Libération, il reçut une volée qui le laissa sans connaissance et qui l’obligea à une hospitalisation de deux semaines. Il n’a jamais osé porter plainte.64

Monsieur le comte d’AULAN était chargé du ravitaillement. Les Indochinois s’occupaient eux-mêmes de leur cuisine.65 Industrieux, ils fabriquaient du savon, de la vannerie et des meubles et objets en bambou. Le bois de bambou venait des bords du Gardon (région d’Anduze), de Montfaucon (Gard) ainsi que du château de Fontgaillarde à Sorgues66. On pouvait les voir balayant bénévolement les rues d’Avignon les pieds nus (témoignage de monsieur LÊ THO). L’hiver, dans ce pays où ils étaient indigènes selon la formule de l’époque, ils allaient les mains et les pieds bleuis, sans vêtements chauds pour se défendre du froid. Le commandant en second, Cao Van, se fit un devoir de diligenter un rapport circonstancié au ministère des colonies, sans en informer le colonel, sur la situation précaire de ses compatriotes. Il obtint gain de cause pour leur confort.67

Au cours de l’année 1942, l’alimentation devint rare, ce fut la pénurie. Les topinambours, les carottes, les navets, un peu de riz, et 300 grammes de pain par jour formaient l’ordinaire. La nourriture devenait leur obsession, les Sorguais les accusaient de fricasser les chats - pendant le siège de Paris, en 1871, les Parisiens mangeaient des rats écorchés que les bouchers mettaient en vente sur leur étal - mais, dans cette assertion sans contrôle, on peut penser que le racisme tenait une place. « L’Annamite était sournois et faux et l’on avait eu à déplorer jusqu’à ces derniers temps des assassinats mystérieux et même des tentatives d’empoisonnements collectifs... »68 apprenait-on aux étudiants de classe de première.

Nos compatriotes, qui les surnommaient les « Nanaï » ou les « nyakoués », ajoutaient : « Ils s’appellent tous N’Guyen Van quelque chose... allez donc vous y reconnaître... »69. Ils les craignaient et les tenaient à distance70. Dans ces conditions, se nourrir était pour eux bien difficile.

La guerre finie, ces hommes, qui avait quitté leur pays en 1939 et qui, depuis 1941, n’avaient plus de nouvelles de leur famille par suite de l’occupation japonaise, n’avaient qu’un désir : rentrer chez eux71.

 

Mais, très rapidement, ils allaient se trouver victimes de la politique coloniale du gouvernement français. Un conflit venait d’éclater au Vietnam entre les forces militaires françaises et le nouveau gouvernement formé par HO CHI MINH. Il freina leur rapatriement, les problèmes engendrés dépassaient le camp de Sorgues.

Chaque compagnie qui composait le camp avait son délégué élu. Ces représentants furent accusés d’être membres du parti Communiste Français et de prendre parti pour les Vietnamiens.

En tout cas, ils étaient remarquablement bien organisés, ils recevaient des journaux parisiens ou régionaux. (Les rapports citaient : L’Humanité, Franc-Tireur, Combat, La Marseillaise, Rouge Midi).

En mars 1947, le gouvernement français assura la vie quotidienne des travailleurs en leur versant une indemnité de chômage de dix francs par jour et une prime d’alimentation de soixante-dix francs. Plus tôt, le 22 février, il distribua à chacun d’eux une paire de chaussures et un costume. Les incidents se multipliaient. Le 19 novembre 1946, pour demander leur rapatriement, ils furent 800 à défiler devant la préfecture, accompagnés d’un représentant de la CGT et du parti Communiste. Le 19 octobre 1949, les renseignements généraux indiquèrent que le drapeau du Viet Minh flottait sur le camp. Même si ce drapeau était peu visible de l’extérieur, il donnait la preuve, toujours selon les renseignements généraux, du mauvais esprit dont étaient animés les travailleurs du camp de Sorgues. Le conflit, à propos du drapeau devenu le symbole de la libération face au colonialisme français, était ainsi à la fois infime et essentiel. Dans un premier temps, les autorités françaises cherchèrent à se débarrasser des éléments indésirables en dispersant les meneurs mais, au cours de l’année 1948, les Vietnamiens furent rapatriés de force. Le 15 juillet, le camp fut cerné par les CRS, 35 vietnamiens étaient emmenés à Privas, puis acheminés vers le Vietnam. Le 18 août 1948, les travailleurs indochinois réunis en assemblée générale demandèrent leur rapatriement qu’ils obtinrent au point que le camp fut supprimé au cours du mois d’août 1949.

Quelques-uns sont demeurés en Vaucluse où ils s’établirent après s’être mariés avec des Européennes.72

 

3 - La rafle

 

Le 21 mars 1944 était une belle journée d’un printemps qui s’annonçait. Un bruit presque oublié sillonnait les rues, celui d’un moteur à essence d’une voiture automobile. Au volant, un homme en uniforme allemand, à ses côtés des hommes en civils. Dès 9 heures du matin, ils entamèrent leur hideuse quête, une rafle « par mesure de sûreté concernant les juifs »73

Ce fut d’abord vers la ferme des Confines qu’ils se dirigèrent.. La voiture s’arrêta, les hommes en descendirent, ils allaient chez A… G…, cet homme savait informer. Avec un sourire, il leur montra le haut de l’escalier : « C’est là ! » Ils venaient arrêter madame Leppien. Elle travaillait dans les vignes de Paul Avril à Châteauneuf-du-Pape. Ils allèrent la chercher, cela faisait plus de trois ans qu’elle redoutait ce moment.

A onze heures trente du matin, les mêmes hommes, accompagnés de miliciens, s’arrêtèrent rue des Cigales, devant le domicile de madame Drogoczyner. C’était le moment de la journée où elle préparait le repas. Le couvert était disposé sur la table pour elle-même et sa Soeur Féla. Toutfut laissé en l’état, elles furent emmenées.

Entre une heure et demie et deux heures de l’après-midi, comme à l’accoutumée, Pierre Franck quitta le « Café Restaurant de la Gare » où il déjeunait. Il se rendait à pied à son travail, route de Vedène, à un kilomètre de là, à l’entreprise Barbier Chauvin. Bien renseignée, la Gestapo avait visité son domicile, place de la Mairie, qu’elle avait trouvé vide de son occupant. Elle était repartie aussitôt et s’était rendue au restaurant du « Café de la Gare ».

Se méprenant sur la personne, elle arrêta Louis Métrat. Après contrôle de son identité, elle le relâcha. Lequel, comprenant ce qui allait avoir lieu, partit à pied prévenir le malheureux Pierre Franck. Il ne fut pas assez rapide.74

Le soir, cinq malheureux étaient internés pour vingt-quatre heures, sans boire ni manger, à l’École de garçons (École Jean Jaurès à l’heure actuelle), place de la Mairie. C’étaient : Madame Golda DROGOCZYNER née à Sosvonice (Pologne) en 1910 et sa soeur Féla ZSZYSCZYCKA née le 23 septembre 1912 à Sosvonice (Pologne), Monsieur Frédéric MANDL né le 19 juin 1893 à Val Mezvuci (Tchécoslovaquie), domicilié route d’Orange, ingénieur chimiste,

Monsieur Pierre Émile FRANCK, Madame LEPPIEN Suzanne.

Ensuite, ils furent conduits à la prison des Beaumettes avant d’être transférés à Drancy.

 

Frédéric MANDL

 

Voici un exemple de la barbarie nazie : la famille de Frédéric MANDL a été anéantie en Tchécoslovaquie. Pour l’heure, nous ne disposons d’aucun témoignage sur sa parenté et lui.75

 

Pierre Emile FRANCK


 

Pierre Émile Franck était né, par accident, à Gouvieux dans l’Oise le 28 décembre 1914. Reims était temporairement occupé par les troupes du Kaiser. Il était le dernier enfant d’une lignée de Juifs installée en Alsace depuis le 17e siècle.

Ses parents, monsieur Lucien Franck et madame Hélène Lévy, étaient des industriels rémois spécialisés dans le retraitement des huiles industrielles. En 1942, ils eurent la douleur de perdre leur fille qui se suicida. Le 11 novembre 1943, ils subirent les effets de « l’aryanisation économique ». Un certain René Maget, administrateur provisoire de biens de juifs, en vertu des pouvoirs qui lui avaient été délégués par l’autorité allemande, vendit à leur place des terres leur appartenant sises à Jouy-lès-Reims et à Cauroy-lès-Hermonville.

Pierre Frank fut mobilisé, à la seconde guerre mondiale, avec le grade de sergent qu’il avait obtenu en 1939, ce dont il se montrait fier.

Après sa démobilisation, on le retrouva à Sorgues où il travaillait en qualité de comptable dans une entreprise de teinturerie, route de Vedène, les établissements Barbier Chauvin. C’était un bon employé apprécié de sa direction.

Il fit partie du convoi 73 qui quitta Drancy le 15 mai 1944.

Monsieur Lucien Franck et madame Hélène Lévy, ses père et mère, parlaient toujours de leur fils comme s’il allait revenir un jour de sa captivité chez les soviets.

 


 

Monsieur Lucien Franck entretenait une fable selon laquelle « Pierre aurait été arrêté dans la vallée du Rhône, en possession d’une arme. Il aurait été interné au Fort Saint Nicolas à Marseille en attente de son sort. Il serait parti en déportation comme résistant ; il serait passé au travers des mailles du filet à cause de sa profession de radio électricien, utilisé par les Allemands pour ses compétences, puis récupéré par les Russes pour les mêmes raisons. Ils ne l’auraient pas rendu pour les mêmes raisons… Un camarade de captivité l’aurait vu partir avec un convoi de soldats russes. »

 

Madame Hélène Franck était cardiaque, elle n’aurait jamais supporté la vérité. Lucien Franck préserva son épouse de cette façon. A son décès, il entreprit de faire reconnaître la mort de son fils par jugement du Tribunal Civil d’Avignon en date du 30 novembre 1955. Pierre Franck fut déclaré « mort pour la France » en 1965. Monsieur Lucien Franck s’était opposé à toute manifestation du vivant de son épouse. Le nom de son fils ne figure ni sur la stèle de la synagogue de Reims érigée en 1949, ni sur le monument dédié en 1954 par la ville de Reims « Aux victimes de la répression nazie ».

Une plaque avait été cependant prévue à sa mémoire et devait être posée sur la maison de ses parents, 227 avenue de Laon à Reims. Le texte en avait été rédigé de cette façon :

Ici demeurait
Pierre FRANCK
Déporté de la communauté israélite
Mort en Allemagne
(1914-1944).

Sur le marché passé en février 1947 entre la ville de Reims et le marbrier Léon Baudin, le prix de la plaque avait été fixé à 2753 francs, mais elle n’a jamais été posée76.

 

 

 

Suzanne NEY

 

Suzanne Ney était arrivée en France en 1933. Elle habitait Paris et y exerçait le métier de photographe. Le 12 juin 1940, elle fit partie de ces Parisiens pris de panique qui, pour ne pas tomber entre les mains des hordes barbares, affluèrent vers le Sud par colonnes interminables. Elle se retrouva à Sorgues, avec une masse de réfugiés affolés, mal soignés, installés dans certainement le local qui est devenu le « garage Curi », route d’Orange. Les malades étaient secourus bénévolement par madame Calment, sage-femme, sa comptable et une jeune pharmacienne, Renée Bouissou.

 

Les deux femmes se lièrent d’amitié. Suzanne Ney fit ainsi connaissance avec la soeur, Noémie Bouissou, devenue madame Gavaudan, qui lui mit gratuitement à disposition un logement à la ferme des Confines77. À la venue de Jean Leppien, ils louèrent, 200 francs par an, un terrain d’un demi-hectare78.

Elle travaillait, en qualité d’ouvrière agricole, chez Paul Avril à Châteauneuf-du-Pape. En 1943, elle y avait fait les vendanges comme coupeur pour un salaire de 1088 francs plus le vin79.

 

3.1 – DRANCY

 

Dans la ville de Drancy, sise dans la proche banlieue parisienne, un camp a fonctionné comme une vaste prison. Entre le 20 août 1941 et le 22 août 1944, 76 000 hommes, femmes, enfants, vieillards ont été arrêtés et y ont demeuré quelque temps avant leur déportation du seul fait qu’ils étaient juifs…

Certains y sont nés, d’autres y sont morts, comme le poète Max Jacob, quelques rares ont été libérés, les autres ont été déportés, presque tous à Auschwitz, par convois d’environ 1 000 personnes. Seuls quatre ont été dirigés vers Maidanek ou Sobibor, un autre, le tout dernier, vers Buchenwald. Le convoi 72, qui était parti le 29 avril 1944 vers Auschwitz, emmenait Suzanne Ney.

Le convoi 73 quitta le camp le 15 mai, avec Frédéric Mandl et Pierre Franck et 878 hommes avec eux. Il alla à Kaunas (Lituanie) et Tallin (Estonie)80. Le convoi 80 avait quitté le camp avec madame Drogoczyner les 2 & 3 mai 1944 vers Bergen-Belsen.

 

3.2 - LE CONVOI 73

 

Le convoi partit de Paris-Bobigny emmenant Frédéric Mandl et Pierre Franck car il n’y avait pas de gare à Drancy. Il était composé exclusivement d’hommes, dont douze adolescents de 12 à 17 ans, les autres étaient dans la force de l’âge. L’absence de femmes, de vieillards et d’enfants donnait à cette déportation son caractère particulier. Les déportés furent dirigés sur la Lituanie, sur le neuvième fort de Kaunas qui était un lieu d’extermination. Ils arrivèrent à Kaunas ; après 3 jours, il y avait déjà des morts. Ils y restèrent une nuit, 400-450 furent dirigés sur Kaunas, les autres sur Tallin.81

Peu après leur arrivée, les Allemands les transférèrent dans un camp de concentration à l’extérieur de la ville de Kaunas : le camp de Pravieniskès, situé dans une forêt profonde. Les juifs français faisaient un travail très dur : ils devaient extraire la tourbe dans les marécages et couper des arbres pour en faire du bois de chauffage. Ils travaillaient dans des conditions scandaleuses. La faim et les coups étaient leur régime quotidien. Les gardes du camp, les Lituaniens du Service de Sécurité, les insultaient. C’est peut-être là que sont morts Frédéric Mandl et Pierre Franck.82

 

Madame DROGOCZYNER et mademoiselle SZYSZCZYCKA

 

Ces deux soeurs, nées à Sosvonice (Pologne), avaient fui leur pays avec la montée du nazisme pour se réfugier à Paris. Elles habitaient rue des Amandiers où elles exerçaient le métier de couturière.

L’aînée, Golda, avait épousé monsieur Nute Drogoczyner, tailleur, qui fut mobilisé dans les rangs des volontaires étrangers. Il fut fait prisonnier et envoyé en Allemagne et détenu dans un stalag près de Nuremberg.

En juin 1940, elles fuirent la capitale. Elles étaient dominées par la peur et, après une longue errance, elles échouèrent à Sorgues.

Elles finirent par venir habiter rue des Cigales où elles étaient non seulement aidées et protégées dans leur vie quotidienne par monsieur et madame Bataillé mais également par monsieur Simon Dumas qui ,ensemble, tâchaient de leur apporter du réconfort et un peu de nourriture..

Après leur arrestation et le passage à la prison des Beaumettes à Marseille, elles furent transférées au camp de Drancy où elles arrivèrent le 8 avril. De ce camp, Féla adressa une brève missive à monsieur Chapon, gendarme à Sorgues : « Je suis autorisée à recevoir un colis vestimentaire avec les objets suivants : mes robes, corsages, souliers et linge de corps, 1 brosse à dents, dentifrice. Ce colis devra porter l’adresse suivante : U. G.I. F.83 120 bd Belleville Paris pour être remis à Mlle Paulette Szyszczycka Camp de Drancy – Je me porte bien, merci, amitié. Féla » Il lui répondit le 26 avril en lui faisant connaître que le nécessaire serait fait dès l’ouverture du logement. Elles quittèrent ce camp séparément, l’une par le convoi 72, l’autre par le convoi 80.


 

  3.3 - LE CONVOI 72

 

Le 29 avril, Fela Szyszczycka partit avec le convoi 72 pour le camp d’Auschwitz où elle fut gazée au mois de juillet suivant. Ce convoi avait emporté 1 004 Juifs, dont 398 hommes et 606 femmes. Parmi eux, 174 enfants de moins de 18 ans. Le poète Itzat Katznelson figurait parmi les déportés, ainsi que beaucoup de Polonais, internés comme lui à Vittel, après avoir été transférés de Pologne. En 1945, 37 martyrs survivront, dont 25 femmes.84

3.4 - LE CONVOI 80

 

Madame Drogoczyner, en sa qualité de femme de prisonnier de guerre, avait été envoyée avec le convoi 80 à Bergen Belsen. Ce convoi de mai et juillet 1944 comprenait des épouses de prisonniers de guerre avec leurs enfants. Elles connurent un sort relativement favorable par rapport aux convois dirigés vers les camps d’extermination. Pour les Allemands, ces femmes et leurs enfants constituaient des otages, une sorte de monnaie d’échange éventuellement. Ces familles furent décimées par la maladie et par l’évacuation forcée. Une lettre, datée du 8 août 1944, adressée vraisemblablement à un Sorguais, provenant de l’U.G.I.F, accompagnait une lettre de madame Drogoczyner. Si nous ne connaissons rien de la seconde dépêche, la première n’indiquait d’une manière précise que la façon dont la correspondance devait être échangée. Voici en résumé le recueil des prescriptions : deux lettres, obligatoirement écrites en allemand, pouvaient être acheminées par mois. Elles étaient adressées sous enveloppe ouverte ou étaient remises sans enveloppe, seules étaient autorisées les nouvelles d’ordre familial. C’était signé Dr. Kurt Schendel UGIF 4 rue Pigalle Paris (9ème).85

Madame Drogoczyner a été libérée au printemps 1945 où, après une période de quarantaine à cause du typhus, elle avait été rapatriée en France sous les auspices de la Croix-Rouge. Elle était logée à l’hôtel Lutetia à Paris.

Quant à monsieur Drogoczyner, il avait été également libéré en 1945 et retourna à Sorgues, dernier domicile connu de son épouse. Il y fut démobilisé.

 

Jean LEPPIEN

 

Au douloureux épisode ci-dessus relaté, il faut rattacher la période sorguaise de la vie de Jean Leppien, époux de Suzanne Ney. Il était né à Lunebourg (Allemagne) en 1910.


En 1929, il était étudiant au Bauhaus, il suivait entre autres les cours de peinture de Kandinsky. Il fut l’un des anciens élèves de cette école qui, par la suite, se fit connaître en tant que peintre dans le monde. Après la guerre, les expositions consacrées à sa production n’ont pas manqué. Certaines ont été importantes, permettant de faire redécouvrir son oeuvre (Antibes, SaintÉtienne, Paris, la fondation MAEGHT à Saint Paul de Vence). Le dernier hommage qui lui ait été rendu a été à Strasbourg par le musée d’Art Moderne qui a présenté, en 1999, une exposition intitulée « Abstraction en France et en Italie autour de Jean Leppien. ». Lors de l’arrivée au pouvoir d’Hitler, en 1933, il avait fui l’Allemagne ; son oeuvre fut détruite par les nazis comme représentant une expression dégénérée de l’art. Après mille péripéties, il vint s’installer à Paris. Il y exerça divers métiers : décorateur, affichiste, photographe, artiste peintre. Il y fit connaissance de Suzanne Ney, elle-même photographe. De cette rencontre, une idylle naquit. A la déclaration de guerre, plutôt que d’être interné dans un camp de concentration, il s’engagea dans la légion. A sa démobilisation, il rejoignit à Sorgues sa compagne avec laquelle il se maria le 16 avril 1941.

Les époux Leppien vivaient en semi-clandestinité, dans une aile de la ferme des Confines, au premier étage.

 

Le logement et le terrain d’un demi-hectare étaient fournis gratuitement par la famille Gavaudan.86 L’appartement n’était pas grand et l’ameublement précaire. Un petit poêle en fonte trônait dans la cuisine. Un pot de chambre émaillé blanc, qui coupait le souffle aux visiteurs, était utilisé comme ustensile de cuisine. Il avait été acheté sans ticket de ferrugineux, c’était le seul récipient qui était vendu librement par le commerçant. De plus, la vendeuse avait ajouté un splendide couvercle rouge. Souvent la soupe y mijotait !87

Jean Leppien et son épouse, après la célébration de leur mariage, allèrent fêter l’évènement chez les Bouissou. Pierre Gavaudan « ...sortit toutes les bouteilles, il y avait un fond de marc, de cognac, ou de Fernet-Branca. Il y avait même des petits fours dans une boîte. – Vive la mariée, vive les Novi ! ». Puis ils rentrèrent pour arroser les champs et cultiver leur jardin d’après les conseils du Père Gil. Ils lisaient énormément pour tromper la faim, pour passer le temps. Les livres leur étaient prêtés par les Gavaudan et les Bouissou avec qui ils étaient très liés et souvent, en vélo, ensemble, ils allaient randonner jusqu’au Barroux ou jusqu’aux Baux de Provence.88

Après l’arrestation de Suzanne Ney, son mari effectua des recherches auprès de l’autorité allemande afin de connaître le sort qui lui était réservé. Ainsi, il se fit arrêter par la Feldgendarmerie le 25 mars 1944.89 Il fut interrogé par le « Sturm fürher Klut » qui le frappait dans les dents, dans le ventre, avec système et joie.90 La peur le dominait. Il se retrouva dans une cellule de la prison sainte Anne, ses lèvres lui faisaient mal, son visage était tuméfié. Il fut pris en pitié par ses codétenus mais, lorsqu’ils apprirent qu’il était de nationalité allemande, la suspicion s’installa et il fut mis en quarantaine.

 

 

Par la suite, tous les jours, pendant une semaine, il fut interrogé par un nommé Fritz. De temps en temps, un homme frappait à la porte, lui faisant signe de sortir. Jean Leppien entendait des coups, des cris, des hurlements de la chambre à côté. Puis, quand le tortionnaire revenait, il se lavait les mains et disait : « C’est dégueulasse ! Mais il y a des mecs, c’est le seul langage qu’ils comprennent. »91 Les Allemands ne battaient pas comme auraient pu le faire les autres hommes. Il s’agissait pour celui qui frappait de tirer de l’opération le maximum de jouissance.92

Pour sauver sa peau, sur les conseils d’un avocat allemand, il rédigea un recours en grâce : « Je soussigné... ai l’honneur de solliciter une mesure de grâce. Pour prouver mon repentir, je suis prêt à servir ma patrie bien-aimée dans n’importe quelle arme, à l’endroit qui me sera désigné, pour laver dans le sang la grande faute que j’ai commise... ». Et patati et patata ! Il attendait son sort dans le couloir des condamnés à mort.

Un jour, on vint le chercher. Il avait froid. Il était en sueur. Il faisait grand jour. Un sous officier lui signifia : « Voilà, le commandant de Paris a confirmé votre condamnation à quinze ans de réclusion. Vous serez transféré en forteresse ». Il se retrouva dans un fort employé comme prison d’État, proche de Nuremberg. Il fut libéré par un officier français le 25 avril 1945. Il fut rapatrié à Paris, pensionnaire de l’hôtel Lutetia où il retrouva Suzanne NEY, quelques jours plus tard, miraculeusement sortie vivante du camp d’Auschwitz. Tous deux vinrent reprendre des forces dans le Vaucluse au sein d’un établissement destiné à cet effet dans les Dentelles de Montmirail.

Jean Leppien offrit à madame Renée Bouissou deux de ses œuvres picturales : une peinture sur verre non signée et une huile signée.

Les époux Leppien se retirèrent à Roquebrune Cap Martin où ils créèrent un commerce d’objets insolites dénommé « la Boutique de Roquebrune village ». L’affichette publicitaire conçue par Jean Leppien indiquait notamment : « artisanats régionaux, céramiques, objets choisis anciens et modernes ».

Il est décédé à Paris en 1991.


4 - La déportation

 

 

Aux victimes de la déportation ci-dessus relatée, il faut ajouter les cinq patriotes ci-après :

Antoine CAYUELA, né à Sorgues le 13 février 1923, demeurant à Sorgues, requis STO le 12 mars 1943. Il fut arrêté par la gestapo en Allemagne le 26 décembre 1943 pour sabotage, il fut emmené au camp de Sarrebruck puis déporté à Dachau. Il fut libéré le 17 avril 1945 et fut rapatrié le 16 Mai 1945.93

Garcilos CLAVERIA, né en 1888 en Espagne, demeurant à Sorgues, arrêté le 22 mars 1942. Il a été incarcéré au Fort du Has et transféré au camp de Mathausen. Il fut libéré le 5 mai 1945.94

Charles COUDERC, né le 27 octobre 1910, papetier, demeurant à Sorgues, arrêté le 29 mars 1943 pour fait de résistance. Il a été déporté au camp de Buchenwald, il fut libéré le 10 mai 1945.95

 

Camille FOURNIER, né le 28 novembre 1919, agriculteur, demeurant à Sorgues, arrêté à Sorgues le 1er Janvier 1943. Déporté en Allemagne, il fut libéré le 1er Mai 1945.96 Pasquale MARINO, né le 28 Octobre 1914, électricien, demeurant à Sorgues. Il a été arrêté le 13 février 1941 alors qu’il fuyait en Espagne, il a été déporté au camp de Buchenwald et il fut libéré le 11 avril 1945.97

 

4.1 - CHANTIERS DE JEUNESSE 98

 

À partir du 30 juillet 1940, pour tous les jeunes gens de la zone libre, Vichy créa les CHANTIERS DE JEUNESSE. Ces chantiers étaient sous le commandement d’un ancien général d’artillerie, ancien scout, le général de la Porte du Theil. Ils faisaient office de service militaire à partir de janvier 1941 : à l’âge de 20 ans, tous les jeunes gens étaient appelés par classes pour effectuer un stage de 8 à 9 mois sur les chantiers de jeunesse où alternaient travaux forestiers, exercices physiques et cours sur l’ordre social voulu par le régime. Le résultat était médiocre, beaucoup de jeunes gens préféraient entrer dans la clandestinité plutôt que d’être incorporés.

 

4.2 - LES CONDITIONS DE TRAVAIL

 

L’occupant jouait sur le chômage artificiellement créé : en privant les usines des indispensables matières premières, il espérait inciter les ouvriers à aller travailler en Allemagne. Les usines agro-alimentaires et celles de papiers cartons étaient pratiquement fermées. La Poudrerie effectua 200 licenciements et elle proposait 200 francs par semaine (8 heures à 5 francs par jour) à 100 km de la commune. Or, les ouvriers avaient une famille qu’ils ne pouvaient pas faire déménager. Ils avaient tout juste de quoi manger, le pouvoir leur refusait la possibilité d’être inscrits aux caisses de chômage99. Ainsi, la commune pouvait déclarer 22 chômeurs.

 

4.3 - LA DÉPORTATION DU TRAVAIL – S.T.O.

 

En septembre 1942, le gouvernement de Vichy instaura le service national obligatoire pour les hommes de 18 à 50 ans et les femmes de 21 à 35 ans. Ces lois eurent pour conséquence la réquisition de 1 500 000 travailleurs. 800 000 choisirent de s’y soustraire et devinrent des clandestins. Le travail en Allemagne ne trouvait plus de candidats.

Le 10 juillet 1943, Jean GONNIN, charron forgeron, demeurant route d’Orange, âgé de 21 ans, fut poursuivi par la gendarmerie pour absence illégale. Il devint réfractaire.

Les parents, interrogés par deux gendarmes, déclarèrent « que, malgré toute leur bonne volonté, ils étaient dans l’impossibilité d’indiquer le lieu de retraite de leur enfant qu’ils ignoraient totalement ».100 En réalité, il se trouvait dans les Basses-Alpes où il avait trouvé un gîte des plus accueillants grâce à la fermière. Il attendit ainsi la fin des hostilités.101

 

5 - La résistance active

 

Des démonstrations publiques opposées au régime de Vichy sont apparues très tôt. Le dimanche 24 mars 1941, jour de marché, des exemplaires ronéotypés de L’Humanité avaient été distribués. Également, des slogans écrits à la craie avaient été tracés sur les principales artères, dans les urinoirs et sur divers murs. Ils indiquaient : « Pétain, c’est la France dans le pétrin », « A bas Pétain et sa clique d’affameurs, vive l’URSS ».

Le commissaire de police tira de cette série de faits les conclusions qui s’imposaient : « Il y a lieu de noter que cette propagande néfaste se produit, coïncidence peut-être, après les libérations de VEYRUN et GRANGEON. Ma première enquête n’a donné aucun résultat. J’exerce une surveillance toute particulière et j’informerai de tout fait nouveau ».102 C’étaient des patriotes âgés « considérés comme communistes dangereux ».103

 

5.1 - LA CONDAMNATION DE MADAME NEMOZ

 

Le 28 avril 1941, le commissaire constatait que « ...les partisans de De Gaulle semblent avoir obéi aux ordres de la radio anglaise en inscrivant des V (initiale de victoire) à la craie, inscriptions qui, de concert avec monsieur le maire, ont été effacées dans la mesure du possible. Ceux qui ont perdu leur emploi semblent être gaullistes et anglophiles ».104

Au mois de novembre 1942, des perquisitions simultanées avaient été opérées par le commissaire de police et la gendarmerie à la suite de la remise, par le premier adjoint au maire de Sorgues, de tracts gaullistes trouvés dans sa boîte aux lettres. Au cours de ces opérations, il avait été découvert au domicile de madame NEMOZ, avenue Gentilly un certain nombre de tracts d’origines et d’inspirations étrangères105. Madame Laure AIRVAULT, veuve NEMOZ, n’avait jamais fait mystère de ses opinions gaullistes ; le mari était décédé pendant la campagne de France. Parmi les documents, il avait été trouvé cinq exemplaires du numéro 10 d’une feuille intitulée « VERITES », portant dans un article au titre de « Levons une équivoque » la phrase suivante : « Nous ne sommes ni gaullistes ni communistes, mais seulement des Français patriotes qui n’admettent pas et n’admettront jamais la lâche soumission de la France à l’Allemagne d’Hitler ».106 Pour le tribunal correctionnel, un pareil écrit était de nature à nuire à l’intérêt national. Le président Jullian qui menait les débats déclara à l’audience : « Nous vous tenions pour une bonne Française, mais vous professez des idées que nous ne pouvons admettre. Je sais que nous sommes gouvernés par un homme propre et je crois en lui : c’est mon étoile ».107 Le substitut Fourtoul se rangea lui aussi à l’opinion de son président. Madame NEMOZ, qui avait déjà accompli deux mois de prison préventive, fut condamnée le 14 janvier 1942 à quatre-vingts jours de prison.108

 

5.2 - LA DÉFENSE DES ENFANTS JUIFS ET LA LUTTE CONTRE L’ENVAHISSEUR

 

Le 14 octobre 1942, la receveuse des postes remit à la gendarmerie cinq tracts papillons qui, le même jour, avaient été découverts par un jeune facteur intérimaire dans la boîte aux lettres placée dans la façade de la poste, signés « des mouvements de Résistances ».

Sur ces cinq papillons, quatre avaient pour titre « Vous n’aurez pas les enfants », et le cinquième « La désobéissance est le plus sage des devoirs ».

Ils étaient rédigés de la façon suivante :

VOUS N’AUREZ PAS LES ENFANTS.
Sur l’ordre des Allemands, le préfet Angeli exige qu’on lui livre
160 enfants juifs de deux à seize ans. Ces enfants ont été confiés au Cardinal Gerlier par leurs parents que Vichy a déjà livrés à Hitler.
Le cardinal a déclaré au préfet : « Vous n’aurez pas les enfants ». Le conflit est ouvert, le conflit est public.
L’Église de France se dresse contre l’ignoble Tartarin raciste. Français de toutes opinions, de toutes croyances, écoutez l’appel de vos consciences,
ne laissez pas livrer des innocents aux bourreaux.
LES MOUVEMENTS DE RESISTANCES
LA DESOBEISSANCE EST LE PLUS SAGE DES DEVOIRS
Le honteux chantage de la relève a échoué. Laval avait promis pour le 30 SEPTEMBRE 150 000 spécialistes à l’industrie de guerre nazie.
C’est par la force que de nouveaux otages seront livrés à l’ennemi.
La loi du 4 septembre 1942 institue la mobilisation civile au service de l’Allemagne, le travail forcé au profit de l’envahisseur
EMPLOYEURS SALARIES
Vous saboterez l’exécution de la loi allemande par tous les moyens
Vous ralentirez les opérations de recensement par le retard et l’inexactitude de vos déclarations.
Vous invoquerez tous les motifs de santé et de famille pour éviter votre déportation en zone occupée puis en Allemagne.
Vous vous ferez déclasser professionnellement s’il le faut.
Vous vous opposerez jusqu’au bout à la réquisition
par une désobéissance passive absolue.
Contre une désobéissance générale, la police est impuissante.
POUR VAINCRE L’ENNEMI DE LA PATRIE :
DESOBEISSANCE, ENCORE DESOBEISSANCE, TOUJOURS DESOBEISSANCE
LIBERATION
LES MOUVEMENTS DE RESISTANCES

 

 

 

 

 

 

 

Ces cinq papillons agitèrent les milieux favorables à Vichy : pour eux, il s’agissait de débuts de troubles et de sédition. Cette distribution, pourtant réduite, effrayait également la gendarmerie. Elle procéda à une minutieuse enquête, dans le but de démasquer le propagateur et d’identifier son imprimeur éditeur. Le papier paraissant provenir de la seule papeterie existant dans la circonscription, « Les papeteries Chancel Père et Fils » à Vedène. Une vérification fut immédiatement effectuée. Il fut impossible, en l’absence de tout élément, d’aboutir à l’arrestation des « propagandistes subversifs ».

Comme c’était la deuxième fois en une semaine que des tracts avaient été découverts dans la cité, il paraissait opportun au gendarme de signaler à ses supérieurs « que de nombreux israélites ainsi qu’un grand nombre de ressortissants britanniques étaient venus s’installer dans la région » et « qu’il serait bon d’éloigner tous ces individus du chef-lieu du département ».109

 

5.3 - LE MAQUIS VINCENT FAÏTA

 

Les maquis se créèrent, se multiplièrent, s’armèrent en concomitance avec l’hostilité grandissante de l’opinion face à l’envahisseur. À partir du moment où les ouvriers refusèrent « la relève » et que les réfractaires au STO gagnaient les campagnes et se terraient dans les fermes, la résistance armée se développa.

Son action fut capitale au moment du débarquement de Normandie et dans les suites des opérations. Le général Eisenhower reconnut l’aide inappréciable qu’elle avait apportée aux alliés. En Vaucluse, au cours des années 43/44, elle avait réussi à faire régner chez les Allemands et les collaborateurs un climat de crainte. A Sorgues, le groupe de résistance armée prit les noms de Jean ROBERT et Vincent FAÏTA, deux jeunes communistes, résistants, condamnés à mort et guillotinés le 22 avril mil neuf cent quarante-trois dans la cour du palais de justice à Nîmes.110

 

5.4 - L’ARRESTATION D’HUBERT MARION

 

Cette cellule, où l’influence communiste était forte, était commandée par Hubert Marion, cantonnier auxiliaire à la SNCF, demeurant à Sorgues, route d’Orange.

Le groupe FAÏTA, composé de quatre patriotes (et non groupe VIALA-déclaration de WIEZBA interrogé par les gendarmes) était cantonné entre Bollène et Mondragon. Ses membres se sentant traqués, le camp fut dissous le 1er mars 1944.

Ils se disposaient à rejoindre le maquis du Luberon ; pour ce faire, ils avaient volé, le 29 février, sur une route isolée entre Sérignan et Sainte-Cécile les Vignes, une « voiture équipée au gazogène de marque Citroën » appartenant à un Nyonsais.

L’attaque s’était faite à visage découvert.

 


 

Ce fut Hubert Marion, alias Pied de Poule, qui prit le volant. Le cochon entier dépecé qui se trouvait dans la voiture fut partagé « entre les camarades ». Hubert Marion, jeune père de famille, demanda à ses amis de venir à Sorgues pour lui permettre de rendre visite à ses enfants.111

Le 3 mars 1944, la gendarmerie était avisée par une « personne désirant conserver l’anonymat » qu’une « vingtaine de terroristes du maquis »112 avaient trouvé refuge dans une dépendance d’une ferme située à la limite de Sorgues et Bédarrides et « qu’ils devaient commettre un mauvais coup dans la région ».

La capture éventuelle de cette unité « importante de terroristes »113 dépassait les possibilités de la brigade dont l’effectif était, ce jour-là, de cinq militaires. Aussi, afin « d’éviter toute effusion de sang du personnel de l’arme, il en avait été rendu compte au commandant de section ». Cet officier mit sur pied une opération de grande envergure avec un effectif important comprenant 27 gendarmes,encadrés de 6 gradés des brigades d’Avignon, Sorgues, Courthézon, Entraigues et Orange. A la suite d’indices recueillis par la brigade de Sorgues, il ressortait que quelques-uns des « terroristes » pouvaient se trouver au domicile de Gustave Marion, ex-communiste notoire. Les gendarmes investirent les lieux, mais la présence des militaires ayant été éventée, trois jeunes gens s’enfuyaient dans les garrigues. L’un d’eux était plaqué au sol : WIERZBA, alias Wadmar Etienne, et il était arrêté. Un quatrième, sorti par une porte donnant sur les dépendances derrière la maison, était blessé au ventre d’une balle de mousqueton (Hubert Marion). Le docteur PUJOL, requis à la demande du maire pour l’examiner et lui donner les premiers soins, prescrivit son évacuation d’urgence à l’hôpital Sainte Marthe où il fut mis au secret jusqu’à la libération d’Avignon.114

 

5.5 - L’ORGANISATION DU MAQUIS FAÏTA OU VIALA

 

Après l’arrestation d’Hubert Marion le groupe passa sous les ordres du lieutenant Paul Brunier. En général le mot « maquis » désignait un endroit peu accessible où se réfugiaient les résistants à l’occupation allemande. À Sorgues, il s’agissait d’un groupe urbain qui avait été formé au cours de l’été 1943.115 Le chef régional était Raymond CASTAN, alias Donald parce que le son de sa voix rappelait le héros de Walt Disney.

 

Les opérations de résistance étaient très diverses :

- distributions de tracts anti-occupants et anti-vichystes ; par ce moyen, les Sorguais savaient qu’il existait un groupe de résistance.

- substitutions d’armes et de munitions aux Allemands, surveillance des troupes allemandes, sabotages de voies ferrés et de lignes électriques et téléphoniques.116

 

Paul BRUNIER, le futur lieutenant, naquit à Sorgues le 18 mai 1916. Pendant la seconde guerre mondiale, il avait combattu en Picardie, avec le grade de maréchal des logis. Le 17 juin 1940, l’ennemi le fit prisonnier. Il fut incarcéré au camp du « Frontstalag » d’où il s’évada le 30 novembre suivant. À partir du 1er mars 1944, il servit dans les Forces Françaises Libres (FFI) avec le grade de lieutenant. Il fut démobilisé le 11 novembre 1945.117

 

6 - Les Vichystes et collaborateurs

 

Il existait à Sorgues quatre officines de propagande vichyste : l’Amicale de France, le Parti populaire français (PPF) fondé en 1935 par M… D… qui, pendant la guerre, s’était éloigné du mouvement, la Légion française des combattants et le PSF fondé par J… R…. Il faut ajouter certains de nos compatriotes d’origine italienne ouvertement fascistes.

 

6.1 - LA LÉGION FRANÇAISE DES COMBATTANTS

 

Dans l’esprit du nouveau régime, la Légion devait assurer la pérennité des valeurs nationales, jouer le rôle de courroie de transmission entre la base et le sommet. Elle était les yeux et les oreilles du maréchal.118 À sa création, dans notre commune, « la Légion des combattants se montrait très active. À plusieurs reprises, elle avait organisé, la nuit, un service de surveillance constitué par des patrouilles de 2 membres, avec mission de découvrir les auteurs éventuels de menées ou d’inscriptions antinationales ».

Un rapport du commissariat central d’Avignon chiffrait 390 légionnaires et 120 volontaires de la Révolution nationale pour 6 500 habitants.119 Il semble que le rédacteur ait donné des proportions plus grandes qu’elles n’étaient réellement.

 

6.2 - L’AMICALE DE FRANCE 120

 

C’était une officine antimaçonnique et antisémite dont le siège social était à Avignon, brasserie de l’Horloge, Place Clémenceau. Pour en être membre, il fallait être de parents non juifs, n’ayant appartenu ni à la franc-maçonnerie ni à une société secrète parce que « la Francmaçonnerie était une INSTITUTION JUIVE dont les mots d’ordre et les explications étaient juifs du commencement à la fin. L’esprit de la franc-maçonnerie, c’est l’esprit du judaïsme dans ses croyances les plus fondamentales. »121

C’était une organisation légale, destinée à élaborer la doctrine de la révolution nationale suivant les principes « du maréchal Pétain ». Plusieurs Sorguais en étaient membres, notamment l’un des employeurs de Pierre Emile FRANCK et le Commandant J… G…, chef de bataillon en retraite.

Ce groupuscule menait « une vigoureuse action contre les communistes» et contre les ennemis forcenés de la « REVOLUTION NATIONALE ».122 Le 9 avril, PETIT, président de l’Amicale123 de France, commentait la nomination de Xavier VALLAT, haut commissaire aux questions juives, de la façon suivante : « à en juger par la terreur panique dégustée par les juifs du Comtat Venaissin, cette nomination affole les youpins ».

Ce groupuscule fut dissous au cours du mois de septembre mil neuf cent quarante et un, il était devenu « un véritable instrument de délation ». Les bons éléments avaient été repris dans les comités officiels de propagande.

 

6.3 - LES PROPOS TENUS DANS LES REUNIONS DU PPF

 

Les propos du P.P.F. qui étaient tenus dans les réunions donnent froid dans le dos. Que l’on juge ceux du 6 septembre 1943 : « Le secrétaire fédéral a annoncé à son retour du congrès de Paris que des équipes de tueurs seraient constituées dans chaque fédération. Ces équipes composées de trois membres opèreront sur indication des militants locaux, dans des fédérations autres que celles où ils résident eux-mêmes. Au moment de l’exécution, les militants locaux seront à leur travail ou dans des endroits publics afin de se créer un alibi. Les « tueurs » logeront clandestinement chez les PPF afin de ne pas remplir de fiches d’hôtel. Des listes de suspects doivent être dressées sur lesquelles seront choisies les victimes. »105

De plus en plus, les membres de cette organisation se sentaient traqués, comme ce médecin de Goult qui ferma son cabinet et prit la fuite. Lorsqu’il passa à Avignon, il ne fut pas reconnu par ses amis PPF, il s’était rasé la barbe et il avait modifié son aspect physique124. Le 10 mai 1944, les membres du P.P.F arrêtèrent à Avignon, au Royal Bar, un consommateur pour sa belle tête de juif.

L’individu retenu nia cette accusation avec vigueur : il s’agissait d’un parent de Simon SABIANI (gestapo française), il fut relâché.125

 

6.4 - LES VYCHISTES

 

Pendant cette période, c’était l’idylle entre le pouvoir, l’occupant et plusieurs de nos compatriotes, le Dr. B…, J… R…, Justin Baudière, A… G… (la liste n’est pas exhaustive).

R… O… était devenu chef départemental de la Légion française des Combattants de Vaucluse. Le Dr. B… « jouait à fond la carte allemande, il était un des rares Vauclusiens engagé volontaire dans le corps des Waffen SS ».126

Tous faisaient allégeance au maréchal, « cette espèce de génie dans le genre d’Hitler qu’il copie servilement, surtout depuis qu’il a mis sa main dans la main loyale du führer ».127

 

Auguste G...

 

Auguste G… était milicien. Il était également fermier des terres de la famille Gavaudan et voisin immédiat de monsieur et madame Leppien pour leur malheur.

Le dimanche, il allait à la messe dans la tenue de la légion de Pétain, la bretelle et le ceinturon alourdis par le revolver dans son fourreau. Les Sorguais, à la sortie de l’office, se moquaient de lui : « Alors, Auguste, de qui as-tu tellement peur ? » Chaque jour, il envoyait ses enfants sous la fenêtre des Leppien pour crier : « Merde, monsieur Leppien ! ». Après l’arrestation de Suzanne Ney, leurs parents leur ayant sans doute dit que ce n’était plus la peine, le manège s’arrêta.128 Auguste G... fut condamné à mort le 6 juillet 1945 et vit sa peine commuée en travaux forcés à perpétuité le 1er août suivant, par décret du Président du gouvernement provisoire de la République.129 Le procureur de la République, craignant de voir se créer des incidents à la suite de cette décision, invita le Préfet de Vaucluse à prendre toutes dispositions utiles130.

 

Justin BAUDIÈRE

 

Nos compatriotes ont conservé de Justin Baudière le souvenir d’une âme noire. C’était un militant convaincu du nazisme, Madame DROGOCZYNER en porte témoignage. Il était originaire de Tarbes et secrétaire général de la mairie de Sorgues depuis 1934.

« Cet admirateur du fascisme dénonçait avec ferveur les permissionnaires du STO qui tardaient trop à repartir. »131

Il fut arrêté le 27 août 1944 par le gendarme Hébrard132, écroué à la prison Sainte Anne à Avignon le 29 août.133 Cette mesure le rendit furieux : « J’attends vainement qu’on veuille me faire connaître les motifs de ma détention arbitraire que rien ne justifie (souligné dans la lettre).

A cette grave injustice, on ajoute la suspension, depuis le 1er Septembre, du paiement de mon traitement qui constitue le seul subside de ma famille. »134 Il pria instamment le Préfet de donner des instructions à Léon Canonge, maire issu de la Résistance, pour que les arriérés de salaire lui soient mandatés.135

Il ignorait superbement l’arrêté de révocation pris par le même Léon Canonge, le 11 septembre, parce que « M. Baudière, fervent collaborateur a toujours fait preuve de sentiments hostiles contre la République et s’est ainsi rendu coupable d’atteintes à la défense nationale ».

Son avocat alerta les autorités judiciaires sur « sa situation particulièrement alarmante. Il est en train de perdre la vue… de plus, il a cassé accidentellement ses lunettes… ».136 Par arrêté du préfet du 24 novembre, il fit l’objet d’un internement administratif au camp de Poinsard à Sorgues. La lettre circulaire le qualifiait d’individu dangereux. Le 6 février 1945, ce même fonctionnaire le libéra. Là, il se présenta au secrétariat de la mairie de Sorgues « avec des airs hautains et des paroles de vainqueur… ».137 Le 15 février suivant, deux inconnus se présentèrent à son domicile, rue Ferraille, il les reçut dans son salon. Ils sortirent deux revolvers et l’abattirent de plusieurs balles à 3 heures de l’après-midi. Le comité de Libération et d’Épuration de Sorgues réagit mollement « en prenant position contre les exécutions sommaires ».138

 

J… G…

 

J… G… était natif de Sorgues. Le 2 juillet 1942, le préfet le plaça à la tête de la commune.

Il devint le second maire désigné, en remplacement de M… L… décédé. Il avait fait carrière dans l’armée et avait fini comme chef de bataillon du génie, officier de la Légion d’Honneur, Croix de Guerre 14/18.

Son attachement à la révolution nationale était indéniable, tous ses arrêtés faisaient référence aux lois raciales pesant sur les juifs ainsi que celles prises contre les démocrates.139 Cet antisémitisme était confirmé par une lettre qu’il adressa au Préfet de Vaucluse le 1er mai 1942 :

alors qu’il était encore adjoint, il donna un avis défavorable à la requête de madame Méta SOLIMAN « qui désirait faire revenir son mari près d’elle », de race juive (souligné à la plume dans la lettre), alors qu’il était interné au camp des Milles.140 Il était président de la Légion française des Combattants, depuis peut-être le début de l’année 1940.141

Pour madame Drogoczyner, dans Le Petit Journal des Années 40 (n°73), les actions et le comportement du maire étaient ceux d’un collaborateur actif.142 Il y a lieu de tempérer ce jugement peut-être déformé par le souvenir. Si d’autres de nos compatriotes avaient acquis une triste renommée, du fait de leurs opinions favorables à Vichy ou à l’Allemagne nazie, ce n’est pas le cas de J… G…, la mémoire collective lui a conservé une réputation d’homme serviable. Il n’hésitait pas de s’engager auprès des occupants pour défendre une famille en détresse.143 À aucun moment il n’a été inquiété à la Libération, ni mis en cause par le comité local d’épuration. Il avait été président de la légion des combattants.

Dans d’autres communes, pour la même fonction, les titulaires avaient été, soit abattus sans jugement, soit traduits devant la Haute Cour de Justice, donc nos concitoyens ne lui reprochaient que ses opinions ultraconservatrices. Seuls publiquement : le parti communiste en 1953, au cours de la campagne électorale pour les élections municipales, le nommait le « Vichyste G... », et madame Drogoczyner le décrivait comme un collaborateur actif.

 

Le Dr. B…

 

P… B…, médecin généraliste, professait à Sorgues. Natif de Belley dans l’Ain où il était né le 1er août 1908, il était conseiller municipal nommé par Pétain. C’était le chef départemental de la milice. Le 24 août 1942, à la prise du commandement départemental du centre SOL de VAUCLUSE, une cérémonie légionnaire fut organisée en son honneur en présence du chef DARNAND144. Au cours d’une des réunions du bureau fédéral du PPF, il fut félicité par Max Knipping, ancien chef départemental de la milice, pour son engagement dans le corps des Waffen SS. Le 29 septembre 1943, TRICON attira l’attention de l’assemblée sur « P… B… qui, dernièrement à Bollène, revolver au poing, a procédé à l’arrestation d’un habitant de cette localité soupçonné d’avoir pris part à l’attentat contre un milicien. P… B…, sous la menace de son arme, a obligé cet homme à monter dans une automobile… ».145

Beaucoup de personnes estimaient que la résolution du Dr. B… lui était imposée par les événements. En effet, il se trouvait bien seul. Les principaux miliciens avaient démissionné et ne revenaient pas sur leur décision malgré les démarches qui étaient faites auprès d’eux. Ils ne cachaient pas leur peur à la suite des différents attentats dont certains de leurs collègues avaient été les victimes. De plus, sa vie privée était assez peu encourageante car, d’un côté, il avait perdu toute clientèle et, d’un autre côté, il était en instance de divorce.146 Les « groupes d’actions » collaborateurs s’enfuirent, en convoi, dans la nuit du 23 au 24 août. On peut supposer qu’il fut du voyage. À la Libération, il était mentionné disparu, adresse inconnue.147

 

R… O…

 

C’était un membre d’une famille qui professait des opinions royalistes. Adhérent de l’Action Française, il devint président départemental du S.O.L. (Service d’ordre du légionnaire)148

« Le gouvernement et moi, nous faisons appel aux Français, mais seulement aux vrais Français. Nous recevrons avec des bras fraternels tous ceux qui se rallient à la politique du maréchal » déclara-t-il dans une soirée de propagande organisée au cinéma le Palace.149

C’était un collaborateur. Le samedi 4 mars 1944, au siège de la milice, rue Joseph Vernet, il assista à une conférence de presse de cette organisation. Le 2 mai 1944, à Carpentras, à

l’enterrement d’un milicien, il lui rendit hommage au nom de la Légion des Combattants en terminant son allocution de cette façon : « dans les plateaux de la balance divine, le sang de B…pèsera bien plus lourd que tous les criminels réunis... ».150

En 1942, le journal clandestin « COMBAT & LIBERATION » jugeait le S.O.L. de cette manière : « ...Nous ne parlerons pas des hommes de main, les fameux S.O.L. Cette élite en bassesse de la corruption légionnaire est composée d’agents provocateurs tarés. ».151

 

6.5 - LES SYMPATHISANTS FASCISTES

 

Certains de nos concitoyens, d’origine italienne, avaient tenu pendant la guerre des propos antifrançais, l’un d’eux regrettait même de s’être fait naturaliser français en 1933. À la libération, ils firent l’objet de poursuites judiciaires, mais les condamnations prononcées furent dans l’ensemble très légères. Les plus fortes avaient été : six mois d’internement administratif au camp de Bécassières pour l’un et cinq ans d’indignité nationale pour un autre.

 

6.6 - LE BOMBARDEMENT ALLIÉ DU 19 AOÛT 1944

 

A neuf heures du matin, le 19 août, huit appareils « Thumderbolt » survolèrent Avignon ; au sud-ouest de la ville, la DCA tira.152 A neuf heures trente, ils prenaient en chasse, dans le ciel sorguais, un avion Messerschmitt qui, vraisemblablement pour fuir plus vite, laissa tomber une bombe dont il était porteur. Deux maisons de l’avenue Gentilly furent détruites. Dans l’une d’elles habitaient monsieur et madame Mariotti. Sous le linteau de la porte d’entrée, ils assistaient au combat aérien. La violente explosion qui suivit projeta le mari dans l’avenue Gentilly et tua sur-le-champ Olinda Mariotti, une jeune mère de 28 ans. L’enfant, Michel, fut protégé de la chute des poutres par les barreaux de son berceau153. Elle fut, dans notre commune, la seule victime des bombardements. Après la guerre, les bâtiments furent reconstruits au titre des « dommages de guerre ».154

La crainte d’être bombardé par l’aviation, ennemie ou amie, avait conduit trente-huit familles sorguaises à creuser des abris ou tranchées dans leur jardin. Ces galeries, d’une profondeur de deux mètres au plus, avec un toit renforcé d’épaisseurs de terre, pouvaient abriter, selon les constructions, de deux à 39 personnes comme celle qui se trouvait dans le parc Bouscarle.

Sur la place de la mairie, côté sud, et sur la place Saint-Pierre, des abris antiaériens avaient été construits, destinés à tous les Sorguais pour qu’ils puissent se protéger contre les bombardements. Mais, dès que la sirène prévenait d’un danger de bombardement aérien, beaucoup allaient se réfugier dans la campagne derrière le cimetière de peur d’être ensevelis dans les tranchées.155

Place de la mairie, côté nord, les Allemands avaient bâti des fosses où ils pouvaient dissimuler des blindés.156

 

7 - La Libération

 

La libération de l’hexagone fut en grande partie le fait de la Résistance dont les membres sortirent du maquis à la suite des deux débarquements : en Normandie le 6 juin et en Provence le 15 août.

Paris insurgé fut libéré par les FFI avec, à son commandement, un ancien ouvrier métallurgiste, le colonel Rol-Tanguy.

Le 8 septembre 1944, le préfet de Vaucluse nomma, à Sorgues, un nouveau conseil municipal avec des hommes issus de la Résistance.

Léon Canonge devint maire, Paul Mazoyer, premier adjoint, Albert Meisterhams deuxième adjoint.157

 

L. CANONGE

7.1 – L’ÉPURATION

 

L’épuration était considérée par le Conseil National de la Résistance comme le renouvellement de tous ses cadres donc par l’éviction de tous les traîtres.

Une fois le gouvernement provisoire installé à Paris, l’épuration des administrations commença pour de bon. L’exclusion des membres jugés indésirables des corps de police et de gendarmerie était particulièrement importante car la police et la magistrature ne pourraient être un outil de répression efficace que lorsqu’elles auraient elles-mêmes été épurées.

L’ordonnance du 26 décembre 1944, reprenant celle d’avril 1944 à Alger, énumérait les actes délictueux pouvant atteindre à la sûreté de l’État, notamment le fait d’avoir :

- rempli des fonctions exécutives soit dans les services de propagande de Vichy, soit au commissariat aux questions juives,

- été membres, même sans y avoir participé activement, d’organisations collaborationnistes,

- aidé à organiser des réunions ou des manifestations en faveur de la collaboration. Ces faits n’entraînaient pas automatiquement la dégradation nationale à vie. Le tribunal devait tenir compte de chaque cas. S’il y avait des circonstances atténuantes, la peine pouvait être infligée pour cinq ans.158

Mais personne ne s’était rendu compte des nombreux obstacles pratiques qu’il fallait surmonter. Pour éviter le chaos dont la France aurait à souffrir, le gouvernement, prenant conscience de l’énormité de la tâche qui l’attendait, sur l’ordre du Général de Gaulle, fixa la fin de l’épuration au mois de février 1945. Il suggéra aux nouveaux préfets une certaine modération dans les châtiments.

 

7.2 - UNE ÉPURATION INDULGENTE

 

Est-ce cette recommandation qui, en descendant jusqu’au niveau local, a fait manquer l’épuration et l’a fait déconsidérer ?159 L’enchantement fut vite rompu, de nombreux comités départementaux de libération s’indignèrent que des collaborateurs de premier plan ne soient pas accusés.160

Si les partisans de l’Allemagne nazie, à Sorgues, pouvaient être qualifiés de moindre importance, à l’exception d’une poignée, ils n’en avaient pas moins joué un rôle néfaste dans la vie publique. Il aurait été nécessaire de leur appliquer des sanctions pénales, car beaucoup s’étaient rendus coupables d’actes qui entraînaient une présomption de culpabilité.

Pour le comité local de libération, il y avait loin de la coupe aux lèvres entre la volonté de purification de la nation et le châtiment des collaborateurs. Très rapidement, il considéra que son travail était saboté et il le fit savoir publiquement à plusieurs reprises.161 Des dossiers constitués et adressés à Avignon n’étaient plus retrouvés. Des témoignages à charge avaient disparu, seuls restaient les témoignages à décharge. Les jugements rendus étaient d’une incroyable mansuétude.162

Comment ne pas s’étonner de voir aller librement cet ancien officier supérieur de l’armée française qui faisait de la propagande intensive contre les Alliés, qui se plaisait à émettre des sentiments hostiles contre ceux-ci et qui avait montré des sentiments hitlériens ?163 Le 8 novembre 1942, l’annonce de l’attaque de l’Afrique du Nord par les forces anglo-américaines avait occasionné un incident révélateur du personnage. Il réprimanda durement monsieur Guichard164 qui était marié à une Anglaise, le rendant responsable des malheurs qui pourraient arriver aux membres de sa famille qui demeuraient en Algérie.165 Il avait été président de la Légion française des combattants à la place de J… G… nommé maire, tous deux auraient dû être inculpés parce qu’ils avaient « été membres, même sans y avoir participé activement, d’une organisation collaborationniste ».

 

7.3 - L’INDIGNITÉ NATIONALE

 

Le 26 août 1944, le général De Gaulle signa une ordonnance instituant le crime d’indignité nationale avec, pour sanction, la dégradation nationale. Cette punition privait le condamné de tous ses droits civiques ainsi que de son grade s’il faisait partie de l’armée. De plus, il l’excluait des emplois publics, des professions libérales ayant à voir avec le droit et de tout emploi apparenté à la presse, la radio ou le cinéma. Les jugements étaient prononcés dans un cadre légal par des tribunaux aux compétences spécifiques.

Là aussi, tout indique que les sévérités des peines furent des plus légères, ce qui provoqua la colère du comité d’entente socialiste communiste : beaucoup sortirent libres des tribunaux, d’autres supportèrent une mesure d’éloignement temporaire. Il protestait contre les décisions prises à l’encontre de certains miliciens dans un communiqué publié dans le journal « Rouge midi » du mois de février 1945 : « cette peine d’indignité nationale a sans doute été créée pour adoucir le sort de ces messieurs qui, rendus à la vie publique, vont de leur arrogance éclabousser tous les résistants. »166

 

7.4 - LA BRIGADE DE GENDARMERIE

 

Selon un jugement partagé par beaucoup de nos concitoyens, la brigade ne s’était pas très bien acquittée de sa fonction pendant la guerre. Certains de ses membres attendaient, au sommet de la montée de Saint-Martin entre Entraigues et Sorgues, les travailleurs agricoles qui, le soir, à bicyclette, revenaient des champs et, sous de futiles prétextes, leur confisquaient tout ou partie des légumes qu’ils rapportaient à leur domicile. Plus grave encore, le 16 février 1944, le personnel de la brigade arrêta le communiste Raoul Roucaute.

A la suite de quoi, le brigadier V… reçut une lettre anonyme «...si vous continuez à importuner ou faire arrêter nos camarades par des moyens détournés, nous nous verrons dans l’obligation de prendre à votre égard la condamnation prévue par notre comité...». La signature était représentée par le dessin d’un cercueil surmonté d’une croix portant la mention « à mort ».167

Bon nombre de gendarmes manifestaient leur antisémitisme. Dans un rapport du 14 octobre 1942, l’un d’eux suggéra « que tous ces individus (les juifs) soient éloignés du chef-lieu du département car, en raison de sa proximité, ils pouvaient s’y rendre librement, sans même solliciter la délivrance d’un sauf-conduit, du fait qu’ils résidaient dans une commune qui en était limitrophe. L’obligation d’un titre de circulation constituait cependant un excellent moyen de contrôle de leurs déplacements éventuels, d’autant plus qu’il ne pouvait leur être délivré qu’avec beaucoup de circonspection et pour des motifs sérieux et prouvés. Comme, par ailleurs, les israélites se rendaient très fréquemment en Avignon où ils fréquentaient la SYNAGOGUE (en majuscule dans le texte)... il était un fait certain que tous les individus plus ou moins douteux ou suspects que l’on avait autorisés à résider à Sorgues se trouvaient plus souvent à Avignon... ».168

Aussi l’anxiété la plus grande résidait chez les fonctionnaires de la police et de la gendarmerie qui appréhendaient d’être enlevés par les bandes de maquisards, comme cela s’était produit ailleurs.169

Le 10 février 1945, Georges Laudon, membre du comité départemental de libération, porta des accusations qui auraient dû conduire la personne qu’il accusait de crime de haute trahison devant la Haute Cour de Justice.170

L’aide apportée par les gendarmes Vial et Gil à Raymond Heim, commissaire de police, et à André Champagne, au moment de leur évasion du « Train Fantôme » le 18 août 1944171, joua beaucoup en faveur de la brigade pour effacer le rôle qu’elle avait assumé pendant quatre années.

 

7.5 - LES LAMPISTES DE L’ÉPURATION

 

Les femmes ayant eu, le plus souvent, une liaison amoureuse avec un militaire occupant ont eu le crâne rasé. Ce châtiment a été plus fréquent au sein de l’hexagone que les collaborateurs fusillés de façon sommaire.

Quatre malheureuses femmes furent tondues et exposées, l’une d’elles fut même brutalisée.

Si ces actes de violence répondaient à une population qui, depuis quatre ans, avait dû avaler son ressentiment, ils n’en étaient pas moins répréhensibles. Ces filles qui avaient été tondues ont été, en bonne partie, à leur insu, les instruments du salut des miliciens ou des collaborateurs qui, sans elles, risquaient leur vie.

 

7.6 - LA CONFUSION

 

Le 24 août 1944, la cité passa brusquement sous l’autorité d’hommes issus de la Résistance.

C’est alors que l’on vit, en grande hâte, la Gendarmerie, les F.T.P.F. de Sorgues, les commissaires F.F.I, la police, les F.F.I, procéder, chacun de leur côté, à l’arrestation de collaborateurs ou de suspects de collaboration172.

C’est ainsi qu’en septembre, sur l’intervention d’une ou plusieurs personnes « bien intentionnées », les FTPF de Sorgues arrêtèrent Jean PORTE, horloger, installé à l’avenue Floret.

Après enquête, il s’avéra qu’il n’y avait rien à lui reprocher, il obtint sa levée d’écrou.173

Raymond AUBRAC, commissaire de la République pour le Sud-est, mit en garde les organisations de la Résistance des risques d’injustices qu’elles pouvaient faire courir dans les cas d’absence de contenu dans les dossiers d’instruction hâtivement élaborés.174

 

7.7 - DOMMAGES DE GUERRE

 

Après la libération, le conseil municipal dressa un bilan des dommages causés par l’occupant.

Trois bâtiments publics avaient souffert : l’école de garçons et l’école maternelle, place de la Mairie, et l’école des filles, montée du Griffon.

L’école de garçons et l’école maternelle qui la jouxtait avaient été occupées à deux reprises : une première fois, en novembre 1942, pendant dix-huit jours, et une deuxième fois d’avril 1943 à août 1944. Elles avaient servi de cantonnement à des parachutistes jusqu’au débarquement des alliés en Italie. Ensuite des sections de transmissions les avaient occupées.

Pour permettre la construction d’un mirador, une partie de la toiture avait été percée. Les tuiles rouges avaient été littéralement labourées par le va-et-vient des servants des pièces antiaériennes.

Cinq classes avaient été transformées en cuisine militaire avec la construction, à même le sol, de fourneaux en ciment et en briques. Le logement du directeur avait également souffert, vitres cassées, les portes arrachées.

Le mobilier scolaire avait été en très grande partie enlevé et apporté à l’école de filles.

L’armoire bibliothèque de la société de lecture et de tir avait été brûlée.

Dans la cour, des abris souterrains et des tranchées avaient été creusés, mais les arbres avaient été respectés. Les W.C. étaient complètement obstrués. Le portail en fer donnant dans la ruelle des écoles était entièrement démoli.

Quant à l’école de filles, l’occupation avait duré trois mois, de juin en août 1944, six classes avaient été transformées en dortoir, deux autres en laboratoire avec les appareils nécessaires à son fonctionnement. Ici les latrines obstruées transformaient la cour en bourbier. Les tables et les bancs

de la cantine scolaire avaient pour la plupart disparu.

La remise en état des bâtiments s’éleva à la somme totale de 175 000 francs de l’époque.175

 

7.8 - LE CAMP DE SEJOUR SURVEILLE DE POINSARD

 

Le centre de séjour surveillé était installé dans un terrain appartenant à la Poudrerie nationale.

Avant septembre 1939, les services de la Poudrerie y avaient construit douze bâtiments attribués au repos et des bâtiments destinés aux cuisines, réfectoires, lavoirs, douches etc. Cet ensemble devait recevoir la main-d’oeuvre indochinoise de complément qui, dès l’ouverture des hostilités, travaillait à la Poudrerie. À l’Armistice, ce camp était occupé par cette main-d’oeuvre. La rupture des communications maritimes les empêchant de rentrer dans leur pays d’origine, ces travailleurs furent mis à la disposition du ministère du Travail qui, à son tour, les mit à la disposition des producteurs départementaux pour les aider dans leurs travaux.

Mais, au moment de l’occupation de la zone sud par les Allemands, ces Indochinois furent expulsés et remplacés par des Russes blancs qui, à leur tour, quittèrent le camp à la libération.

Le 7 décembre 1944, le camp était de nouveau en fonction, il allait héberger des miliciens, des collaborateurs, des personnes poursuivies pour profits illicites, des prisonniers de guerre allemands, dont d’anciens Waffen SS, et quelques droits communs.

Une dizaine de Sorguais et de Sorguaises y firent un séjour d’un mois à douze mois. Le camp était dirigé par un officier issu de la Résistance, le Capitaine Calvet. Il était sous la surveillance de dix membres des Forces Républicaines de Sécurité, de onze soldats malgaches appartenant aux régiments coloniaux et d’un personnel d’une quarantaine de membres, pratiquement tous issus de la Résistance. Il avait une capacité d’accueil de 1500 personnes. Il était ceinturé de fils de fer barbelés et de tours d’observations. Le personnel de garde était armé.

Le service sanitaire était assuré par le docteur Pujol et le Docteur Ernest Masse, dentiste, tous deux sorguais.

Le camp était ravitaillé par le « Ravitaillement général de Vaucluse ». Les internés recevaient une alimentation au taux de ration fixé par le commissaire régional de la République à Marseille :

- Matières grasses : 250 grammes par mois,
- Pain : 350 grammes par jour,
- Viande : 250 grammes par mois,
- Sucre : 500 grammes par mois,
- Pâtes : 250 grammes par mois,
- Fromage : 350 grammes par mois,
- Pommes de terre : 10 kilos par mois,
- Légumes secs : 1 kilo par mois.

Les détenus devaient obligatoirement arriver avec leur carte d’alimentation, son défaut était considéré comme un abus.176

Au mois de septembre 1945, le camp détenait 900 internés, dont 450 miliciens et Waffen SS considérés comme très dangereux.177 La toilette était effectuée dans des locaux appropriés, douche froide tous les jours, douches chaudes tous les jeudis. Un service religieux était effectué deux fois par semaine. Les visites des parents avaient lieu au parloir deux fois par semaine, indépendamment de celles organisées par les juges et les avocats.178

La vie de tous les jours au camp était soumise à l’hostilité des prisonniers envers l’administration et à l’instabilité des caractères humains. Le commandant Calvet avait fort à faire pour :

- calmer les esprits, tempérer le zèle de certains gardes,

- sanctionner des internés pour insultes envers les surveillants,

- réfréner le désir d’une majorité d’internées indisciplinées d’assister à la douche des hommes,

- poursuivre les délinquants pour vols, tentatives d’évasions, etc.

Le commandant Calvet sanctionna, par la révocation, des personnels qui avaient infligé des sévices corporels à certains prisonniers car c’était contraire aux principes de la Résistance que de se montrer tortionnaire.179 D’autres surveillants furent révoqués pour vols de biens d’internés, seule l’administration carcérale avait le droit de séquestre.180

 

8 - Nos concitoyens morts pour la France

 

Dans la liste gravée sur le « Monument aux morts pour la France », vingt de nos concitoyens sont inscrits, ce sont :

ALVERNHE Norbert, décédé le 12 mai 1943,
ARMAND Joseph .
AYGLON René, décédé le 19 mai 1943,
BAUER Félix,
BELTON Gines,
FARAUD Hector, décédé le 4 juin 1942,
FOURMENT Pierre,
GALLAS Roger André, décédé au stalag le 22 septembre 1941,
GINOUX Thimothée,
KERJEAN René, décédé le 26 août 1941,
NEMOZ Jean,
NOZERAND Bernard,
PAUL Jean-Jacques,
PERRIN Roger,
PLASENCIA Grégoire,
POLO Antoine,
SABATIER Emile,
SAVOYE Jean-Marie,
TURIN Henri,
VERDIER Roger.181
 

Que peut-on penser de cette période ? Il y eut pendant la guerre de nombreux actes de courage allant jusqu’à la témérité, le programme du Conseil National de la Résistance fut mal appliqué, et l’épuration sommaire a largement touché les petits collaborateurs : dénonciateurs, miliciens ou encore les femmes ayant eu des relations avec l’ennemi. Le personnel de gendarmerie sorguais ne fut pas inquiété et les gros bonnets de la collaboration furent épargnés. À titre d’exemple : R… O… avait été condamné à un an d’assignation à résidence dans un château du centre de la France alors qu’il était accusé par le commissaire régional de la République Française d’avoir fait partie, à Lyon, pendant l’occupation, d’un tribunal spécial qui infligea vingt-neuf condamnations sévères à des résistants182.

 

Un Italien, notoirement fasciste, écopa d’un mois de résidence obligatoire à Valréas. Autre conséquence, quelques collaborateurs, les esprits de la population apaisée, reprirent du service ; deux furent témoins à charge dans le procès en destitution d’Albert Meisterhams, premier maire communiste, de Sorgues. J… G…fut candidat aux élections municipales d’avril 1953 contre une liste de gauche. Tous, partisans convaincus du colonialisme, militèrent pour que l’Indochine demeure française.

 

Raymond Chabert

Je remercie vivement les personnes ci-après nommées qui m’ont aidé dans mes recherches : Messieurs Jean LIPOSWSKI et Léon DROGOCZYNER, parent et fils de déportés, Madame Renée BOUISSOU, Madame ALLEGRE, Monsieur Pierre EYNAUD, Madame PORTE, Monsieur Jackie GARCIA Monsieur Paul AVRIL, Monsieur BRUNEL Camille, Madame Anne-Marie DO VAN LUONG, Monsieur Serge COUDERC, Les membres des Etudes Sorguaises qui ont fait montre de beaucoup de sagesse, le personnel des archives départementales.

 

 


 

1 (Archives départementales de Vaucluse ADV 3 W 60)

2 (ADV 6 W 17 Le Petit Provençal du 12 mai 1940)

3 (Regards par-delà – Jean Leppien, éditions Messidor, année 1991, pages 191 & 192 )

4 (Discours du 15 mars 1941)

5 (ADV 7 W art 15)

6 Les Tablettes du Soir du 26 mai 1942 n° 835)

7 (Mémoire de maîtrise – Histoire de Sorgues pendant la 2ème guerre mondiale – David Sourimant – année 1994/1995, page 21,

également ADV 3 W art 18 du 24 janvier 1942)

8 (AD 3 W 16)

9 (Jean Leppien, Regards par-delà, ouvrage déjà cité)

10 (ADV)

11 (Lettre du 5 août 2002 de M. Drogoczyner)

12 (Service éducatif des archives départementales, recueil n° 8 – La Résistance en Vaucluse)

13 (Arrêtés du maire du 1er avril 1941, du 24 juin 1942, des 17 et 27 mai 1943)

14 (ADV 3 W 61 – l’orthographe a été respectée)

15 (ADV 3 W 61, rapport au Préfet du maréchal des logis chef Vial du 23 mars 1943)

16 (ADV 3 W 16)

17 (Marcel Eric GRANCHER fut prix Courteline 1938 pour son roman 5 de Campagne)

18 (Rapport du Préfet ADV 3 W art 18)

19 (ADV 3 W art 18)

20 (ADV 3 W 17)

21 (ADV 3 W 17)

22 Témoignages de madame Thionel et de messieurs Guichard, Malen, Carail, Pons – du mois d’octobre 2005

23 (David Sourimant, ouvrage déjà cité page 45)

24 (David Sourimant, ouvrage déjà cité page 45)

25 (ADV 3 W art 19, rapport de la gendarmerie, capitaine BOGNEL du 22 mai 1943)

26 Fascistes et Nazis en Provence – journal d’un Suisse pendant l’occupation 1942/1944 – Benjamin VALLOTON, Mercure de France, année 1945, pages 13 et suivantes)

27 (David Sourimant, ouvrage déjà cité page 19)

28 (David Sourimant, ouvrage déjà cité page 106)

29 Madame DROGOCZYNER, Le Petit Journal des Années 40)

30 (ADV 7 W art 15)

31 Madame DROGOCZYNER, Le Petit Journal des Années 40)

32 Madame DROGOCZYNER, Le Petit Journal des Années 40)

33 Le P.P.F – parti populaire français – parti fasciste fondé par Jacques Doriot en 1936, disparut après la défaite du nazisme.

34 (AD 2 J art 2)

35 (Bagatelles pour un massacre).

36 (AD 7 W 17)

37 (AD 7 W 17),

38 (AD 7 W 17, lettre du 1/05/42)

39 (AD 7 W17, lettre du 16.10.42).

40 (AD 7 W art 16)

41 (AD 7 W 17)

42 (AD 7 W 17)

43 (AD 6 W 37-Lettre du ministre de l’intérieur du 14/10/1943 – référence 1271).

44 (Mgr de LLOBET était pétainiste- Service éducatif des archives départementales de Vaucluse, recueil n° 8, année 1980)

45 (ADV 3 W art 19, police nationale, renseignements généraux 4506/31 le 14 octobre 1942).

46 (Cette pièce se trouve aux archives départementales de Vaucluse, référence 6 W 21)

47 (La Résistance – éditions Martinsart, année 1971, page 23, article rédigé par Olga Wormser-Migot)

48 (Livre jaune français, documents diplomatiques, numéro 149, page 205)

49 (Sidney Aster, Les origines de la Seconde Guerre mondiale, Paris, 1973, page 365).

50 (ADV. 4 W 9481)

51 (AD 3 W 30)

52 (AD 3 W 90)

53 (Paul ROUSSENQ était né à Saint-Gilles du Gard en 1885. En 1903, ce fils d’ouvriers agricoles, lecteur assidu du géographe anarchiste Elysée Reclus, routard avant l’heure, écopait, avant l’âge de 18 ans, de cinq ans de prison pour vagabondage. L’âge du service militaire venant, il fut transféré dans le bataillon disciplinaire le plus dur, « Biribi ». Là-bas, excédé par les humiliations, il brûla sa vareuse en signe de protestation ; pour cela, il fut condamné à vingt ans de bagne. La première intervention en faveur de sa libération revint à Jacques Duclos, jeune député communiste, qui interpella, en 1927, Paul Painlevé, ministre de la guerre. C’est grâce à la campagne d’information auprès de la population que mena le Parti communiste que le 16 janvier 1932 il était libéré. Il fut accueilli à Saint-Gilles en héros après vingt-cinq ans d’absence. Un voyage en URSS modifia son jugement envers le socialisme, il redevint anarchiste. Ce qui n’empêcha pas la police de Vichy de l’assigner à résidence à Sorgues comme communiste dangereux. Usé par la vie, il se suicida en 1949 à Bayonne (AD 4 W 9488 & Paul Roussenq, le bagnard de Saint-Gilles par Daniel Vidal, éditions du « Monde Libertaire »).

54 (ADV 4 W 9488)

55 (Télégramme de Vichy 3 W 90)

56 (ADV 3 W 90)

57 (ADV 3 W 90)

58 (Les Tablettes du Soir du 4 décembre 1940, numéro 396)

59 (6 W 24 visite de PETAIN à Avignon le 4 décembre 1940)

60 (ADV 6 W 24)

61 (AD 4 W ART 14)

62 M. LÊ HUU THO – Itinéraire d’un petit mandarin, éditions l’HARMATTAN – 1997 – page 44.

63 VOLTAIRE Moeurs, 146

64 M. LÊ HUU THO, ouvrage déjà cité

65 Des Vietnamiens en Vaucluse – Le camp de Sorgues par Jean-Marc SIMON, page 20

66 Des Vietnamiens en Vaucluse – Le camp de Sorgues par Jean-Marc SIMON, page 20

67 M. LÊ HUU THO, ouvrage déjà cité, page 50

68 La France et ses colonies par M. FALLEX et A. MAIREY, (tous deux agrégés de géographie) Paris, Librairie Delagrave – 1924 –

classe de première, programmes de 1902 – page 640 -

69 De vigne en bouche – Marcel-E GRANCHER – éditions Rabelais – année 1957 – page 50

70 (Souvenirs personnels)

71 Il faut se souvenir que le camp des Indochinois comprenait des Cambodgiens, des Cochinchinois et Laotiens.

72 Des Vietnamiens en Vaucluse – Le camp de Sorgues par Jean-Marc SIMON, page 24.

73 (AD 6 W 37).

74 (Souvenirs de Jean Castinel-Cornéty et de Charles Teissier)

75 Renseignements repris dans l’admirable travail de madame Ève Lise Blum : « Nous sommes 900 Français », page27, tome III)

76 (Renseignements repris dans l’admirable travail de madame Ève Lise Blum « Nous sommes 900 Français », page27, tomes III et IV, articles signés Jacques Brill et Michel Lipwoski)

77 (AD 7 W 17)

78 (AD 7 W17).

79 (Archives familiales Paul Avril)

80 (Ève Lise Blum « Nous sommes 900 Français » - page 27 - ouvrage déjà cité)

81 (Ève Lise Blum « Nous sommes 900 Français » - page 36 - ouvrage déjà cité)

82 (« Nous sommes 900 Français » - page 43 - ouvrage déjà cité)

83 (Union générale des Israélites, pages 1055 & 1056) (explications de l’UGI note 72)

84 (Mémorial du Martyr Juif Inconnu – centre de documentation juive contemporaine, Paris, 17 rue Geoffroy L’Asnier 75004)

85 (L’Union générale des Israélites de France, c’était une officine nazie. Le 29 novembre1941, à la demande insistante de Xavier Vallat, militant expérimenté de l’antisémitisme, qui cédait à la pression allemande, naquit l’union générale des Israélites de France. C’était un établissement public qui avait pour fonction d’assurer la représentation des juifs auprès des pouvoirs publics. Tous les juifs étaient tenus de s’y affilier – Dictionnaire historique de la vie politique française au XXème siècle - JF Sirinelli, pages 1055 et 1056).

86 (AD 7 W 17)

87 (Regards par delà, page 11)

88 (Souvenirs de madame Renée Bouissou)

89 (AD 2 J art 1)

90 (Regards par delà, page 16, ouvrage déjà cité)

91 (Regards par delà, page 37)

92 (Au temps des crémations – F6632 Jean Geoffroy – réédition de 1986, page 78)

93 (AD 12 W art4 et AD 2 J art.1)

94 (AD 2 J art.1)

95 (AD 2 J art.1)

96 ( AD 2 J art.1)

97 (AD 2 J art.1)

98 (ADV 7 W 12)

99 (AD 4 W 1815)

100 (AD 4 W 1815)

101 (Déclarations de Claude Rasori, son gendre)

102 (AD 6 W 21, commissariat de police de Sorgues, 24 mars 1941)

103 (4 W art 9488)

104 (AD 3 W 17)

105 (AD V 3 W 17 propagande étrangère – lettre du commissaire de police du 24 novembre 1941) un certain nombre de tracts d’origine et d’inspirations étrangères(ADV 30 Art 20 Tribunal Correctionnel – 12 janvier 1942) (ADV 30 Art 20 Tribunal Correctionnel – 12 janvier 1942)

106 (AD V 30 W, art 20 Justice déjà cité)

107 (Les Tablettes du Soir du mercredi 14 janvier 1942, numéro 734)

108 (AD V 30 W 20, Justice – tribunal correctionnel, audience publique du 12 janvier 1942)

109 (ADV 6 W 21).

110 (Note du rédacteur : À Nîmes, une plaque rappelle les faits à proximité de la statue aux quatre jambes – J’ai bien connu Jean ROBERT. Après son évasion du fort Saint-Nicolas à Marseille, il fut hébergé chez mes parents au cours de l’année 1942. Il monta à l’échafaud en chantant la Marseillaise puis l’Internationale, et on racontait que, sous le couperet, il eut le temps de crier « Vive Sta… ». – souvenirs familiaux - Il semble que par paronymie les témoins aient confondu Vincent FAÏTA, héros de la résistance mort à 20 ans et Agricol VIALA, héros de la Révolution Française, mort en 1793, à l’âge de 13 ans, sur les bords de la Durance et que c’est ce second patronyme qui serait demeuré dans la mémoire)

111 (Déclaration d’Hubert Marion au téléphone)

112 (ADV 4 W 9480 rapport de gendarmerie de Sorgues concernant les menées antinationales)

113 (ADV 9 W 9480)

114 (ADV 4 W 9480)

115 (Mémoire de maîtrise de David Sourimant déjà cité, page39)

116 (ADV 3 W20) (Une étude très complète de l’activité du maquis « Viala » a été faite par David Soumirant dans son Mémoire de maîtrise déjà cité, pages 40 et suivantes - Ce travail se trouve à la bibliothèque municipale Jean Tortel)

117 Archives familiales de la famille Paul BRUNIER

118 (Dictionnaire historique de la vie politique française au XXème siècle, JF Sirinelli page 580)

119 (AD 3 W 17, lettre du 23 décembre 1941)

120 (AD 4 W ART 14°)

121 (ADV 4 W, art 1815)

122 (AD W, art 1814- lettre du 23 avril 1941 de Jacques PETIT, président de l’Amicale de France)

123 (AD 8 W art 4 et archives de Champigny)

124 (AD 8 W art 4 – 10 mai 1944).

125 (AD 8 W art 4)

126 (Mémoire de maîtrise – Histoire de Sorgues pendant la 2ème guerre mondiale – David Sourimant – année 1994/1995, page 61)

127 (Louis Gros, sénateur maire d’Avignon, « République Toujours », page 121, Aubanel Editeur, année 1945)

128 (Regards par-delà, page 13)

129 (AD 47 W art 33)

130 (ADV 487 W 33, lettre du 10 août 1945)

131 (Déclaration du comité d’entente socialiste communiste publiée dans Rouge-Midi de février 1945)

132 (AD 47 W 36)

133 (AD 47 W art 35)

134 (AD 47 W art 36)

135 (lettre du 14 janvier 1945 AD 47 W art 36)

136 (AD 47 W art 36)

137 (Déclaration du comité d’entente socialiste communiste publiée dans Rouge-Midi de février 1945)

138 (AD. 6 W art 40)

139 (Arrêtés des 21/12/41, 18/02/43 et la suite)

140 (AD 7 W 17)

141 (AD W art 17 & arrêté du maire du 28/04/1942)

142 (Cet article est intégralement reproduit dans les colonnes de la présente brochure)

143 Souvenirs de madame Thionel confiés le jeudi 10 novembre 2005

144 (AD 3 W 17)

145 (ADV 8 W art 4- également mémoire année 1994/95 de David Sourimant, travail déjà cité, page 61)

146 (AD 3 W art 17. note d’information n° 3672 UNION DEPARTEMENTALE DE LA MILICE 1er octobre 1943)

147 (AD22 W art 2, séance du CDL du 23 Septembre 1944) Il décéda à Belley le 22 septembre 1981.

148 (Les Tablettes du Soir du 4 juin 1942, n°842)

149 (Les Tablettes du soir, vendredi 10 juillet 1942, n° 872).

150 (ADV 8 WW ART 4)

151 (ADV –6 W 21)

152 (Avignon meurtrie…Robert Bailly, Aubanel, août 1946, page 77)

153 (Souvenirs de messieurs Carail et Rollet confiés le 5 septembre 2004)

154 (ADV 39 W art 143 & 144)

155 Souvenirs d’Etienne Canonge livrés le 22 novembre 2005

156 (Témoignage de monsieur GUICHARD le 23 octobre 05)

157 Archives municipales de Sorgues 4 W 1

158 (L’épuration française1944 – 1949, page 230, Peter Novick, Balland éditeur)

159 (L’épuration française 1944 – 1949 Peter Novick, Balland page 230)

160 (ADV 6 W 40 – Comités départementaux de l’Hérault, la Somme, le Vaucluse etc)

161 (ADV 47 W 38 déclarations du 12 mars 1945 et suivantes)

162 (ADV 47 W art 38)

163 (AD 47 W 37)

164 (Correspondant permanent de l’agence Havas à Rome. Au début des hostilités, il était revenu vivre à Sorgues, rue du Ronquet, dans

la maison familiale. Il était surnommé « l’Anglais » par les Sorguais pour la simple raison qu’il était marié avec une Anglaise)

165 (ADV 43 -47 W 37)

166 (ADV 47 W 36)

167 (ADV 3 art 61) (L’envoi d’objets symboliques rendit nécessaire la modification des articles 305 et 308 du code pénal qui punissaient de mort pour les seuls cas de menaces verbales ou écrites. On procéda à des changements pour introduire les menaces exercées au moyen d’images, de symboles ou d’emblèmes : ce fut la loi du 21 décembre 1943).

168 (ADV 6 W 21)

169 (AD 3 W 20, ville de SORGUES, rapport mensuel moral du 26 juin 1944)

170 (ADV 6 W art 40)

171 (Etudes Sorguaises, pages 156 et 172)

172 (AD V 47 W art 27)

173 (ADV 12 W art 8)

174 (AD 6 W art 40)

175 (ADV 39 W art 58)

176 (ADV 12 W art 2)

177 (ADV 12 W art 2 )

178 (ADV 12 W 2)

179 (ADV 12 W 2)

180 (ADV 12 W 2)

181 Cette liste a été copiée sur le Monument aux Morts qui se trouve dans le hall de la mairie, elle est sûrement incomplète, mais pour l’heure, il est difficile d’accéder aux sources.

182 (AD V 47 W art 37)

 


 

 

 

9 - Témoignages

 

9.1 - LA SECONDE GUERRE MONDIALE VUE PAR UN ENFANT


 

9.2 - MADAME DROGOCZYNER, RESCAPÉE DE BERGEN-BELSEN

 

9.3 - UNE PLAQUE À LA MÉMOIRE DE JUIFS ARRÊTÉS EN 1944

 

Ces trois photos illustrent la cérémonie lors de la pose d’une plaque à l’initiative des Etudes Sorguaises indiquant le lieu d’incarcération de cinq juifs arrêtés à Sorgues le 21 mars 1944.