PRÉAMBULE

Depuis la plus haute antiquité, et dans toutes les civilisations, l’homme a toujours cherché à établir des relations avec le monde invisible et le monde vécu. Dans toutes les formes de religion, les religieux avaient pour rôle essentiel de favoriser ces contacts. L’homme de ces époques n’avait à sa disposition que son intuition et, d’autre part, d’authentiques sensations physiques qui lui ont permis de découvrir certaines grandes lois naturelles qu’il mettait en application. Il en était ainsi au Moyen Âge : sous l’impulsion des moines clunisiens, des cisterciens, des chevaliers du Temple, les compagnons constructeurs édifiaient les églises romanes, suivant des règles très précises qui répondaient totalement à la destination de tels édifices, notamment pour favoriser la relation entre la Terre et le Ciel (les éléments telluriques et cosmiques).

L’ÉGLISE DE SORGUES RÉPOND-ELLE À CES RÈGLES DE CONSTRUCTION ?

L’église du Moyen Âge est avant tout la maison commune ; dans le village, c’est le point de rencontre idéal entre le sacré et le profane ; c’est pourquoi on priait dans la partie haute (le CHOEUR), mais on faisait commerce dans la partie basse. Bien que plus récente, l’église de Sorgues, consacrée le 22 mai 1774, répond à ces critères. Nous nous apercevons que les bâtisseurs ont intégré en toutes connaissances dans le tracé des fondements de l’édifice les figures géométriques symbolisant le cheminement du profane au sacré.

« Le RECTANGLE, le CARRE, le CERCLE ».

LA GÉOMÉTRIE SYMBOLIQUE (schéma)

En entrant par la porte OUEST de l’église, on accède à la première table. Elle est RECTANGULAIRE, c’est le symbole de la matière brute de l’univers dont l’homme est issu. Le rectangle représente la démarche de «CROIRE ».

Ensuite, en se dirigeant vers le choeur, on accède à la table CARRÉE qui est le symbole de la conscience, le carré est le domaine du « SAVOIR ». Enfin, en abordant le choeur, on entre dans le CERCLE qui est le domaine de l’esprit, le symbole de la connaissance, « CONNAÎTRE », il définit l’homme accompli. « CROIRE, SAVOIR, CONNAÎTRE », représentés par trois figures géométriques, sont les bases symboliques sur lesquelles les bâtisseurs élaboraient la construction d’un édifice religieux.

UNE ÉGLISE ORIENTÉE (voir schéma page 34)

Il est d’usage de dire que les églises sont systématiquement orientées vers l’EST. Ce n’est pas tout à fait exact ! La connaissance des bâtisseurs s’exprime dans le tracé de l’axe de l’édifice, en accord avec l’utilisation de la lumière solaire qui sera accordée au lieu par l’exacte orientation et le parfait agencement de toutes ses ouvertures.

Il est donc nécessaire de comprendre pourquoi l’axe réel de l’édifice ne correspond pas exactement à l’axe théorique EST-OUEST.

L'ÉGLISE DE SORGUES N’EST PAS UNE EXCEPTION

Pour satisfaire à la destinée solaire de l’église, les constructeurs ont fait pivoter l’axe de la bâtisse de 11° vers le SUD, afin de l’alimenter en énergie solaire tout au long de l’année.

UNE ÉGLISE SOLAIRE


Une première indication figure sur la façade SUD ornée d’une pierre gravée d’un symbole SOLAIRE. Ce symbole indique que l’édifice reçoit l’énergie tout au long de l’année. Pour ce faire, le CHOEUR est percé de deux verrières dans sa partie haute, l’inclinaison de l’axe de 11° SUD permet, tout en gardant la symétrie des ouvertures, de recevoir par leur axe le lever du soleil au solstice d’hiver par la verrière droite, la lumière du solstice d’été par l’ouverture gauche. Ainsi, par le parfait agencement des ouvertures et de l’axe, l’église reçoit l’énergie solaire toute l’année. Le solstice d’hiver ouvre la période ascendante qui introduit la phase lumineuse du cycle. C’est le temps favorable à l’enfantement. A noter que les églises qui reçoivent uniquement l’énergie du solstice d’hiver sont en général consacrées à la vierge MARIE (c’est le cas de l’église de Bédarrides).

L'ÉGLISE DE SORGUES FUT CONSACRÉE LE 22 MAI 1774

Il est important de rappeler que le mois de mai est le mois de la renaissance effective de la nature. Dans l’antiquité, il était consacré, chez les Romains à MAÏA, déesse de la fécondité. La tradition religieuse étant éternelle, c’est l’origine du « mois de MARIE » dérivant tout simplement de MAÏA. L’orientation solaire de l’édifice ne permit pas qu’il soit dédié à la vierge MARIE. Pour être accordé avec la lumière solaire, il fut consacré « église de la TRANSFIGURATION ». (1)

OPPOSITION LUMIÈRE, TÉNÈBRES

La façade NORD reçoit trois baies occultées derrière lesquelles il n’y a qu’obscurité ! A l’intérieur de l’édifice, en opposition, la lumière vient des verrières SUD. On remarque l’antagonisme entre NOIR et BLANC, TÉNÈBRES et LUMIÈRE. Il y a là une symbolique initiatrice : le passage de l’IGNORANCE à la CONNAISSANCE, ce à quoi l’église est destinée.

TRENTE-TROIS, UN SYMBOLE MAJEUR

Trente-trois est un nombre sacré pour les chrétiens puisqu’il évoque les trente-trois années terrestres du Christ. Les bâtisseurs, en pleine connaissance de l’art sacré, ont placé ce symbole dans le tracé de l’édifice. Totalement caché au profane, il évoque de ce fait la recherche, l’initiation, la découverte.

LE TRIANGLE (voir schéma page 36)

Un angle de 33° au sommet est formé par les deux verrières du choeur, il forme le triangle ABC qui représente le symbole de l’accomplissement. Le sommet A se situe sur le point inférieur de la table carrée. La symbolique est essentiellement d’ordre divin et spirituel, le passage du rectangle au carré permet d’aborder la partie sacrée de l’édifice qui désigne le chemin de la montée vers la connaissance.

LE SYMBOLE DE L’HARMONIE

Afin de donner des proportions harmonieuses à la construction de l’église, les bâtisseurs l’ont marqué par la «Divine proportion». Connaissant parfaitement leur métier et jouant avec les dimensions, ils ont bâti un espace maîtrisé en rapports subtils à ϕ.

QU’EST-CE QUE LA DIVINE PROPORTION ?

Le résumé d’une phrase de l’architecte romain VITRUVE (un siècle avant J-C) suffit à expliquer la divine proportion (ou la section dorée comme la désignait Léonard de VINCI). « C’est la proportion entre deux dimensions de grandeurs différentes ». Au 20ème siècle, les mathématiciens, en appelant <<A>> la grande dimension et <<B>> la petite, ont traduit cette phrase par : A/B = (A+B)/A et ils ont calculé ce rapport qu’ils ont désigné par ϕ et qui a pour valeur positive ϕ = 1.618.

A QUOI SERT LE NOMBRE D’OR 1.618 ?

A rien si l’on considère que son rôle est limité à donner des proportions ESTHÉTIQUES. Pour certains, il ne représente pas plus d’intérêt que la plus belle des roses. Mais peut-on vivre sans roses ? Parce qu’il est mystérieux, son aspect ésotérique l’a pénalisé et par cela nous éloigne des proportions esthétiques pour des solutions beaucoup plus liées à la technique. Pour clore ce chapitre qui mériterait bien d’autres explications, un rapide coup d’oeil sur la réalisation de l’église de SORGUES où nous retrouvons ce subtil arrangement des dimensions. Bien que mes calculs soient très approximatifs, nous remarquons que les proportions essentielles de l’édifice sont proches du NOMBRE D’OR (1.618).

La proportion longueur/hauteur = 1.630, largeur/profondeur du choeur = 1.650. La proportion idéale est atteinte avec la plus symbolique des figures géométriques. Le triangle ABC dont l’angle au sommet de 33° est proche du nombre d’or : HAUTEUR + BC : HAUTEUR = 1.620

Au travers de ces quelques exemples, nous constatons non seulement la présence de la divine proportion dans l’édification de l’église de SORGUES mais une indiscutable unité d’ensemble malgré une apparence de dépouillement architectural. Nous espérons avoir deviné comment, sans autre moyen qu’un cordeau et des piquets, l’architecte de 1774 et ses aides purent tisser un édifice aux lignes aussi harmonieuses.

POUR CONCLURE

Il ne faut jamais commettre l’erreur de croire que parce que le symbolisme n’est pas officiellement reconnu, il ne mérite pas d’être abordé. L’essentiel est que jadis on y ait cru et qu’on s’en soit inspiré pour élaborer une certaine conception du monde. Les bâtisseurs des édifices religieux enfermaient ces symboles dans leurs constructions, véritables champs de découvertes à l’usage du non initié. Les écarter d’un revers de main dédaigneux et méprisant ne constitue en rien une attitude objective, sinon la preuve de notre incapacité à sortir des sentiers battus et de notre inaptitude à appréhender une civilisation ancienne bâtie sur d’autres valeurs que celles actuelles.

Alain SICARD

(1) La TRANSFIGURATION : Etat glorieux dans lequel JÉSUS-CHRIST apparut à ses trois disciples. Le Christ apparut dans une nuée. Cette scène LUMINEUSE est l’une des plus représentées dans l’art religieux chrétien.

 


 

SOURCES

- Le PUY-en-VELAY, Haut lieu ÉSOTÉRIQUE, Jacques DERDERIAN

- ÉGLISE ROMANE, lieu d’énergie, Jacques BONVIN, Paul TRILLOUX

- NOMBRE D’OR, Nature et oeuvre Humaine, Robert CHALAVOUX

- GÉOMÉTRIE du NOMBRE D’OR, Robert VINCENT

- DICTIONNAIRE DES RELIGIONS