CÔNG BINH,la longue nuit indochinoise
LAM LÊ - documentaire France 2012 2h - Écrit par Pierre Daum et Lam Lê.
Du 25/04/13 au 30/04/13
Cinéma Utopia, la manutention, 4 rue des Escaliers Ste Anne à Avignon tél : 04 90 82 65 36
http://www.cinemas-utopia.org/avignon/index.php?id=2069&mode=film
On a beau connaître l’essentiel de l’histoire coloniale et de ses turpitudes, elle nous réserve néanmoins quelques secrets rances, quelques mauvaises surprises qui nous laissent toujours ébahis et atterrés. L’histoire des Công Binh rejoint la longue liste des crimes coloniaux enfin révélés au grand public.
Les Công Binh (« ouvriers soldats »), ce sont ces quelques 20 000 travailleurs d’Indochine française (aujourd’hui le Vietnam) qui furent enrôlés plus ou moins de force (chaque famille devant fournir un garçon mâle en âge de travailler) pour remplacer, à la veille de la guerre, les ouvriers des usines d’armement en passe de monter au front. Parqués dans des camps de fortune – notamment autour de Marseille –, ces ouvriers forcés et payés une misère furent, une fois la débâcle consommée, pour certains rapatriés mais pour la majorité exploités par le gouvernement de Vichy comme main d’œuvre servile pour la construction des routes, le déboisage des forêts et vendus aux Allemands ou aux patrons collabos. Ils sont également à l’origine du développement de la culture du riz en Camargue, pour laquelle ils trimèrent, accablés par les maladies liées aux plaines marécageuses.
Méprisés en France, considérés comme des traitres par certains Vietnamiens une fois l’indépendance conquise en 1954, les Công Binh furent les parias que tout le monde voulait oublier. Dans la foulée du journaliste Pierre Daum qui, dans son enquêteImmigrés de force, les travailleurs indochinois en France (1939-1952) (EditionsActes Sud), avait révélé cette histoire, le cinéaste Lam Lê, exilé lui même en France pour faire ses études, est allé à la rencontre des ultimes témoins de cette triste période, dont la moyenne d’âge oscille entre 90 et 95 ans. Chez ces vieillards magnifiques, à l’œil encore vif et malicieux, point d’acrimonie, seulement l’infinie nostalgie d’une jeunesse sacrifiée, l’éternel regret d’un gâchis cruel, la satisfaction enfin d’une reconnaissance qu’ils croyaient ne jamais voir arriver. Le film, délicat et poétique, ponctue les entretiens de scènes de marionnettes traditionnelles – où la souffrance des hommes est dite par ces petites créatures de bois flottant sur l’eau – et de scènes de reconstitution où les Cong Binh jeunes sont incarnées par les enfants ou petits enfants des témoins, ce qui leur donne une force remarquable.