Au début du siècle dernier, monsieur VERLAY, propriétaire de l’usine à gaz, était concessionnaire de l’éclairage public. La commune était liée avec lui par un contrat qui devait échoir en 1914. Certaines villes voisines avaient renoncé à l’éclairage au gaz en faveur de l’éclairage électrique. Sorgues conservait des réverbères visités chaque soir par un allumeur muni d’une longue perche. Il allait de l’un à l’autre, ouvrait un certain robinet dissimulé dans le fût de la lampe et introduisait sa flamme dans la cage de verre. La cité s’éclairait peu à peu et non soudainement, comme à Avignon, Châteaurenard ou Courthézon. La municipalité s’exposait à de sévères critiques. Afin de dénouer la crise et de faire taire les reproches d’inactivité, après de longues discussions, une convention aboutit entre le propriétaire de l’usine à gaz et la municipalité : monsieur VERLAY devait fournir à la commune huit cents mètres cubes d’eau par jour puisés dans le quartier Chaffunes ; en contrepartie, il s’engageait à procurer l’éclairage public de cent lampes électriques du type dit « seize bougies ». Elles devaient être obligatoirement allumées tous les jours du coucher du soleil à minuit et de cinq heures du matin au lever du soleil. Monsieur VERLAY céda son contrat à la société SUD ÉLECTRIQUE, l’ancêtre d’Électricité De France.
SUD ÉLECTRIQUE, par pli du 16 novembre 1906, exprimait le désir, à la direction générale des domaines et du timbre, d’installer au-dessus de la route nationale 7 et de la rivière « Ouvèze » des fils aériens, conducteurs d’électricité, destinés à alimenter en courant un moteur commandant les pompes d’élévation d’eau, chemin dit de « Caderousse ». L’énergie était fournie par la ligne électrique du tramway d’Avignon à Sorgues, en son point terminus au pont de l’Ouvèze.
Cette autorisation spéciale fut donnée par arrêté préfectoral du 3 janvier 1907. (archives départementales 8 S 5). Le 24 juin 1907, SUD ÉLECTRIQUE sollicitait à nouveau le préfet afin d’obtenir l’autorisation d’installer un potelet en fer sur l’immeuble de la gendarmerie nationale, afin de soutenir les fils électriques destinés à la distribution de l’éclairage public. (archives départementales 8 S 5).
L’énergie électrique destinée à l’éclairage de la ville et à la force motrice était fournie par une ligne à haute tension. Elle pénétrait dans la cité par une canalisation souterraine de 9500 volts qui suivait le chemin du Fournalet et l’avenue du Griffon. Une dérivation alimentait une industrie locale, la canalisation principale se rendait à la place Saint-Pierre où était établi un transformateur.
Ce poste comprenait deux transformateurs dont l’action était de modifier la tension d’un courant en la portant respectivement à 500 volts et à 120 volts. (archives départementales 8 S 5).
Un employé de la société électrique était chargé de se présenter chez nos concitoyens pour leur demander s’ils acceptaient l’installation d’une ligne électrique ; en prime, deux lampes étaient placées gratuitement. Les électriciens chargés de ce travail venaient plusieurs fois, faisaient durer les formalités. Finalement, de guerre lasse, les gens les faisaient installer à leurs frais. Ceux de nos concitoyens qui avaient des compteurs à gaz avaient en échange des compteurs électriques gratuits.
Cette nouveauté bouleversait les « anciens » Ils ne comprenaient pas ; habitués aux lampes à huile ou à pétrole, ils s’exclamaient : « Pamens (pourtant), il faut bien une allumette pour allumer cette chose ! » Il y en avait qui préférait encore l’usage de la lampe à pétrole à celui de la lampe électrique. (souvenirs d’André OLIVIER, Marcel RAYNE et Albert PETRE recueillis par Raymond Chabert en janvier/février 1982).
Cette méfiance à l’égard d’une force inconnue se traduisit par la création d’une association de défense des consommateurs. Elle vit le jour le 30 mai 1910, sous la présidence du docteur ROCHE, son objet était la défense des usagers.
Raymond CHABERT