1 - Les raymondins du Marquisat de Provence
Il reste très peu de vestiges urbains de la période médiévale visibles à Sorgues : l’église romane Saint-Sauveur, un pan de muraille, la maison dite « de la reine Jeanne », des fragments de murs, des portes ogivales et des fenêtres au détour des rues, « rue de la Tour », ou « rue du Château »…C’est bien peu compte tenu de l’histoire économique exceptionnelle de notre ville au moyen âge. Au tout début du XIVème siècle, son nom était Pont-de-Sorgues (Pons Sorgiae) et elle abritait le principal atelier monétaire de la papauté avignonnaise. C’est un fait remarquable et il existe de nombreuses monnaies, dans les musées français et les collections de numismates, qui témoignent de l’importance de la production monétaire dans notre ville à cette époque.
Mes recherches sur cet atelier m’ont amené à m’intéresser à toutes les émissions monétaires, en particulier celles qui ont précédé la période de la papauté avignonnaise car la frappe de monnaie à Pont-de-Sorgues a commencé dès le XIIème siècle, avec un atelier comtal produisant des deniers d’argent sous l’autorité des Comtes de Toulouse qui furent parmi les plus riches et puissants féodaux du Royaume de France. L’iconographie présente sur ces deniers est originale, elle semble copier des monnaies frappées dans le comté de Tripoli, un état fondé par des croisés provençaux situé à plus de trois mille kilomètres de la Provence ! A sa mort en 1054, Guillaume, Marquis et Comte de Provence, légua « la plus belle rive de la Durance », c'est-à-dire le Marquisat de Provence, à sa soeur Emma de Venasque. Or Emma était mariée à Guillaume Taillefer, Comte de Toulouse.
La ville de Pont-de-Sorgues, étant située dans les limites du Marquisat qui s’étendait sur la rive gauche du Rhône, de la basse Durance à l’Isère, devint ainsi un fief des Comtes de Toulouse. Pont-de-Sorgues désignait alors l’ensemble formé par la ville de Sorgues et deux petits bourgs naissants : Gigognan et Bédarrides. La ville était également placée sous la juridiction de l’évêque et du Vicomte d’Avignon qui y possédaient des droits de propriété et de justice. Au début du XIIIème siècle, la ville et ses habitants participèrent, comme Avignon, à un mouvement d’émancipation communale et un système politique de type consulat fut instauré, avec l’élection de consuls par une oligarchie issue de la noblesse ou de la bourgeoisie naissante.
A partir de 1212, le consulat de Pont-de-Sorgues devint vassal de la cité d’Avignon, sa puissante voisine.
A partir du milieu du XIIème siècle, les Comtes de Toulouse ont fait émettre des monnaies dans leurs deux ateliers monétaires du Marquisat situés à Pont-de-Sorgues et à Mornas. Ce sont des petits deniers d’argent pesant 0,8 à 1,1g , appelés « raymondins », dont le type iconographique s’inspire des monnaies frappées dans le Comté de Tripoli en Terre Sainte après sa conquête par le Comte Raymond IV de Saint-Gilles (1042– 1105) pendant la première croisade.
De petites monnaies d’argent, divisionnaires du denier, appelées « Oboles », furent également émises. Les oboles avaient la même iconographie et les mêmes légendes que les deniers, seuls leur poids et leur taille les différenciaient (environ 0,5 g), une obole valait la moitié d’un denier.
On peut distinguer plusieurs types de deniers « raymondins » correspondant à des émissions différentes entre 1151 et 1249 (voir planches II et III).
• Type 1 à la croix courte
Légende de l’avers : A) R . COMES . PALACII Raymond Comte Palatin, Une croix toulousaine courte
Légende du revers : R) DUX MARCHIO PV Marquis de Provence, Etoile à 8 raies et croissant de lune, ponctuation par trois points
Denier pesant 1g en moyenne, composé d’un alliage de cuivre et de d’argent, à 330 millièmes d’argent fin environ. Les variétés concernent le style des lettres et la bordure des légendes qui est soit un cercle perlé, soit un cordon continu.
• Type 2 à la croix courte
Légende de l’avers : A) R . COMES . PALACI Raymond Comte Palatin, une croix toulousaine
Légende du revers : R) DUX MARCH . PV Duc et Marquis de Provence, Etoile à 8 raies et croissant de lune
De poids et d’aloi inférieurs au type 2, poids d’environ 0,8 g et 250 millièmes d’argent fin Variété à 4 points de ponctuation, DUX MAR(CH) et PA(LA)T Variété avec légende CO(ME)S Les lettres entre parenthèses sont liées dans la légende.
Le diamètre de ces monnaies n’excède pas 18 mm, ce qui laisse peu de place au texte ; pourtant, ce sont trois titulatures que le Comte Raymond a choisi de faire figurer sur sa monnaie : il est en effet Comte (COMES) Palatin, Marquis (MARCHIO) de Provence et Duc (DUX) de Gothie. Cette spécificité des monnaies frappées à Pont-de-Sorgues et Mornas mérite d’être signalée : le Comte a fait émettre d’autres monnaies à son nom sans utiliser autant de titres. Sur les monnaies de l’atelier monétaire de Toulouse ne figurent que son seul titre de comte : RAMON COMES. Les deniers sortis de l’atelier de Saint-Gilles ne font apparaître que son nom : RAMVNDVS, de même que ceux de Mauguio (RAMVNDS). Les deniers d’Albi sont différents : il y a seulement un R. dans la légende, abréviation de Raymond et un monogramme VICOC pour « VICOMITATUS » qui fait référence à son titre de Vicomte d’Albi (voir planche VI).
• Type à la croix longue
Légende de l’avers : A) R . COMES Comte Raymond, Etoile à 6 raies et croissant de lune
Légende du revers : R) D U X M Une croix toulousaine allongée coupant la légende
D’un poids moyen inférieur aux autres (0,7 à 0,8 g), pas d’analyse disponible du titre d’argent fin à ma connaissance.
Les planches d’illustrations de cet article ont été réalisées à partir de photos de monnaies authentiques disponibles sur les catalogues de ventes aux enchères numismatiques (catalogues Elsen & Fils à Bruxelles, Comptoir Général de Bourse à Paris, et Guy Clark Ancient Coins and antiquities à Norfolk). Les ouvrages numismatiques de E. Boudeau, E. Caron, J. de Mey et Alex G. Malloy (Coins of the crusaders states) ont également été consultés pour vérifier les légendes lorsqu’elles étaient difficiles à lire (légendes usées ou corrodées).
Dans les manuels de numismatique de E. Boudeau et celui de E. Caron, le type à la croix longue était considéré comme le plus ancien chronologiquement et donc attribué au Comte Raymond V (1148-1194), le début de ce monnayage étant mentionné pour la première fois en Provence en 1151. Les types à la croix courte étaient attribués à ses successeurs Raymond VI et Raymond VII, le type 2 à la croix courte remplaçant le type 1 entre les années 1200 et 1220. Le type 1 est aussi qualifié de « raymondin fort » par rapport au type 2, sur la base de son poids qui est, en moyenne, plus élevé.
Mais cette attribution est contestée par le chercheur numismate J.C. Moesgaard, sur la base de l’étude de deniers ayant été surfrappés. En effet, ce chercheur a identifié un denier à la croix courte de type 1 que les monnayeurs du Comte de Provence ont par la suite transformé, en le surfrappant, en un denier royal à la mitre : cette opération consiste à frapper avec des coins monétaires différents une monnaie déjà frappée précédemment, on efface ainsi partiellement les premières légendes imprimées sur la monnaie. Or les monnaies du type « royal à la mitre » furent frappées dans l’atelier monétaire du Comte de Provence situé en Arles entre 1177 et 1185 au plus tard, il existait donc déjà des raymondins du type à la croix courte avant 1185, ce qui oblige à inverser la chronologie des types : le raymondin de type 1 à la croix courte serait apparu d’abord, puis le type 2, puis le raymondin à la croix longue.
Je souscris à cette hypothèse car elle est également cohérente avec ce que l’on connaît de la « politique monétaire » du Comte Raymond V dans son autre atelier monétaire de Toulouse. A partir de 1175 à Toulouse, Raymond V autorisa la production de deniers d’un titre en argent inférieur aux précédents : le titre en argent dans cette monnaie passa de 10 à 7 deniers de Loi (soit 570 0/00 d’argent fin environ), il s’agissait donc en quelque sorte d’une « dévaluation » du denier d’argent, comparable à ce que l’on constate dans les productions des ateliers de Pont-de-Sorgues et de Mornas : on constate à la fois une diminution du titre et du poids des deniers au cours du temps.
A ce problème de datation des émissions, il faut ajouter un problème de localisation de l’atelier monétaire de chaque émission. Je présente ici plusieurs types et plusieurs variétés qui diffèrent par des détails dans la légende mais, en l’absence de sources écrites, il n’est pas possible de différencier les types frappés à Sorgues de ceux frappés à Mornas. Par ailleurs, la technique de fabrication d’une monnaie à cette époque consistait à frapper un petit disque de métal précieux entre deux coins monétaires gravés, l’ouvrier frappait les coins au marteau et les coins étaient gravés à la main à l’aide d’échoppes en acier trempé. Mais il fallait périodiquement remplacer les coins endommagés par les coups de marteau répétés, c’est pourquoi il peut exister des différences entre les monnaies frappées dans un même atelier mais avec des coins différents.
Les traductions du cartulaire et des chartes de la commanderie de l’Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem d’Avignon entre 1170 et 1250, éditées par Claude-France Hollard (CNRS Editions, Paris, 2001) permettent de dater l’apparition et la circulation des raymondins à la croix longue. En effet, les monnaies les plus couramment employées dans ces actes notariés sont les deniers raymondins du marquisat de Provence, les deniers de la commune d’Avignon et les deniers Melgoriens. Or, on remarque qu’à partir de juillet 1199 les notaires expriment le prix des terres soit en sous raymondins « anciens » (solidorum raimundensium veterum), soit en sous raymondins « neufs » (solidorum raimundensium novorum), le sou étant une unité de compte valant douze deniers. C’est donc qu’il existait alors deux types de deniers raymondins en circulation en Avignon dont la valeur était différente.
D’autre part, dans certaines transactions immobilières importantes, le notaire a même précisé la valeur relative des raymondins neufs par rapport au marc d’argent fin, le marc de la ville d’Avignon étant une unité de poids locale qui est estimée à 234 g. C’est ainsi qu’en 1210, le marc d’argent aurait valu 90 sous raymondins neufs, puis 85 sous en 1220, et 100 sous en 1227. En l’absence d’analyses chimiques disponibles, ces trois chiffres me permettent d’estimer que l’aloi des raymondins neufs a peut-être varié entre 250 0/00 et 210 0/00 d’argent fin, si l’on néglige toutefois la variation du prix de l’argent sur cette période.
Ce genre de précision dans les contrats écrits n’était pas superflu, c’était un moyen de se prémunir contre une dévaluation soudaine des raymondins. En effet, le Comte de Toulouse pouvait fixer arbitrairement la quantité d’argent fin que contenait « sa » monnaie même si, en pratique, il procédait selon la coutume : en ordonnant de petites dévaluations successives étalées dans le temps et en changeant de type monétaire pour qu’en théorie personne ne soit trompé sur la valeur intrinsèque de sa monnaie. En dernier ressort, l’acheteur et le vendeur pouvaient s’échanger des fractions de lingots d’argent !
Les deniers raymondins présentent tous à l’avers un croissant et une étoile à six ou huit raies, certains types font apparaître deux points près de l’étoile ; ce motif iconographique placé au centre de la monnaie dans un espace délimité par une bordure avait son utilité : il permettait de distinguer les deniers raymondins du premier coup d’oeil par rapport à d’autres monnaies, mais quelle pouvait être sa signification ?
L’association d’une étoile et d’un croissant de lune est une figure héraldique connue qui fait peut-être référence à « l’étoile du berger » ou « l’étoile des Rois Mages ». Cet astre (il s’agit en fait de la planète Vénus) brille en effet d’un éclat remarquable et se trouve relativement proche de la lune une grande partie de l’année. C’est aussi l’astre qui fait référence à l’Orient, il s’agit sans doute de rappeler le comportement héroïque du Comte Raymond de Saint-Gilles qui conduisit les chevaliers provençaux jusqu’en Terre Sainte et participa à la prise de Jérusalem en 1099. Ce dernier mourut en 1105 lors du siège de Tripoli, mais la ville fut prise par les croisés et son fils Bertrand fonda le comté de Tripoli en 1109, laissant à son frère Alphonse Jourdain le comté de Toulouse.
Sur les Gros d’argent émis par le Comte Bohémond figure une très belle représentation des tours crénelées et des portes de la ville de Tripoli cernées par une frise composée de croissants.
Tripoli de Syrie était une riche et puissante cité maritime, ses fortes murailles résistèrent cinq années aux assauts des croisés provençaux. Elle fut pourtant conquise le 12 juin 1109 par Bertrand de Toulouse qui en fit la capitale de son nouveau comté. Il s’étendait au nord du Ouadi-Mehika et de la montagne du Djebel-Er-Ras, à l’est de la vallée de l’Oronte, au sud du Nar-Ibrahim, jusqu’à la mer. Vassal des Rois de Jérusalem, le Comte de Tripoli était le suzerain des Barons de Gibelet, d’Archa, de Batrun, de Nephin, de Maraclée, de Buissera, de Moinestres et de Gibelakkar. Une puissante forteresse, le Mont-pèlerin, construite par Raymond de Saint-Gilles, surplombait la ville et sa vallée. Le comté de Tripoli était bien protégé par un réseau de châteaux et de forteresses dont le célèbre Krak des chevaliers, une citadelle formidable dotée d’une double enceinte concentrique couvrant 2,5 hectares et d’une solide garnison composée de chevaliers de l’ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Le Krak résista à toutes les attaques de 1109 à 1271.
La cité de Tripoli bénéficiait d’un commerce actif grâce à son port et des plaines fertiles couvertes d’oliviers, d’orangers et de citronniers, de cannes à sucre et même de vignes. Tripoli était également un important centre de fabrications de soieries et de « camelin » (une étoffe de laine mêlée de poils de chèvre et de chameau) très prisées en Europe. Pour preuve de sa richesse, il faut noter que son atelier monétaire produisit à la fois un monnayage de cuivre (des petites monnaies appelées « pougeoises »), un monnayage d’argent (deniers, oboles et gros d’argent) et même un monnayage d’or, avec des « bezants » imitant les dinars du calife Al-Mustansir. Un scandale éclata d’ailleurs à propos des monnaies d’or imitant les dinars syriens et égyptiens : le Pape Innocent IV menaça d’excommunication le Comte de Tripoli s’il persistait à émettre des monnaies où figuraient le nom de Mahomet et la date d’émission calculée à partir de l’hégire ! Par la suite, les bezants reçurent des légendes pseudo-arabiques qui n’avaient plus aucune signification… Ce qui était une manière « élégante » de résoudre le problème puisque, d’une part, le comte obéissait au Pape et, d’autre part, il conservait un style de monnaie plus facilement accepté par la population locale et les commerçants à majorité musulmane. Mais cette astuce ne mit pas fin aux critiques et, par la suite, le Comte de Tripoli fit émettre des monnaies avec des légendes latines, plus conformes aux goûts des pontifes romains.
Barons, chevaliers, marchands et pèlerins provençaux étaient nombreux à fréquenter Tripoli. La ville abritait l’un des ateliers monétaires les plus productifs de l’orient latin qui émettait surtout des deniers d’argent. Or, à partir de Raymond II de Tripoli ou Raymond III (l’attribution n’est pas certaine), les monnaies tripolitaines présentent un intérêt pour cette étude : leur poids et leur iconographie en font le modèle des deniers qui furent frappés par la suite dans notre région. Leur ressemblance ne fait aucun doute, alors même que les motifs iconographiques présents sur les monnaies médiévales de cette époque présentent une grande variété de formes, ce qui suppose qu’un choix délibéré a été fait de la part de l’autorité émettrice.
Denier d’argent de Raymond II (1137-1152) ou Raymond III (1152-1187), atelier de Tripoli.
Légende de l’avers : A) + TRIPOLIS CIVITA Croissant et étoile à 8 raies, avec 8 globules autour de l’étoile
Légende du revers : R) + RAMUNDUS COMS Croix avec deux globules Poids : 0,8 g (voir denier 9, planche IV)
2 - Généalogie partielle des Comtes de Tripoli
Le fondateur du Comté de Tripoli, Raymond de Saint-Gilles était Comte de Toulouse et donc Marquis de Provence : à ce titre les habitants de Pont-de-Sorgues étaient donc ses vassaux et arrière-vassaux.
• Raymond Ier de Tripoli, ou Raymond IV de Saint-Gilles (1050-1105)
Succède en 1088 à son frère Guillaume comme Comte de Toulouse. Il commande l’une des quatre armées de la première croisade, il participe à la prise de Jérusalem en 1099. Il s’établit au Liban et fonde le Comté de Tripoli, il meurt en 1105 au cours du siège de cette ville. Son fils, Bertrand, lui succède comme Comte de Toulouse.
• Guillaume Jourdain (+1110)
Comte de Cerdagne, neveu de Raymond Ier, qui, en l’absence de Bertrand, s’attribue le Comté de Tripoli ! S’ensuit une guerre de succession qui aboutit au partage du Comté entre les deux concurrents. Il meurt assassiné en 1110, sans doute par des partisans de Bertrand.
• Bertrand de Toulouse (1066-1112)
Fils de Raymond Ier de Saint-Gilles, marié en 1095 à Hélène, fille du Duc de Bourgogne Eude Ier, Comte de Tripoli de 1109 à 1112. Lorsqu’il s’engage à son tour dans la croisade et part pour Tripoli, il laisse le Comté de Toulouse à son frère Alphonse Jourdain.
• Pons (1098-1137)
Fils du précédent, marié en 1115 à Cécile de France (fille du Roi de France Philippe Ier). En mars 1137, il est fait prisonnier au cours d’une bataille et livré à son pire ennemi, Zengi, atabeg de Mossoul, qui le fit exécuter.
• Raymond II (+1152)
Fils du précédent, marié à Hodierne de Jérusalem (fille du roi de Jérusalem Baudouin II), Comte de Tripoli de 1147 à 1152. Il meurt poignardé en 1152 par des adeptes de la « secte des assassins », une secte chiite ismaélite appelée aussi Nizârite.
• Raymond III (+1187)
Fils du précédent, marié en 1174 à Eschive de Bure. Comte de Tripoli de 1142 à 1187. Fait prisonnier par les Turcs en 1164, il n’est libéré qu’en 1172 contre une énorme rançon de 80 000 bezants d’or. Il assure la régence du Royaume de Jérusalem de 1174 à 1176. Sans enfant, Raymond III lèguera le Comté à Raymond d’Antioche.
Le Comté sera finalement reconquis en 1289 par le sultan Kelaoun Malik Al-Mansour, mettant fin à près de deux siècles de présence franque dans cette région.
Il existe également un témoignage poétique des relations entre le Comté de Toulouse et le lointain Comté de Tripoli : le troubadour occitan Jaufré Rudel a composé une chanson d’amour adressée à la comtesse de Tripoli. Jaufré Rudel, seigneur de Blaye, prit part à la seconde croisade en 1147 et n’en revint jamais… Mais il a laissé une chanson d’« amor de lonh » sur le mythe de l’amour lointain, idéalisé et mystique. Selon la légende attachée à ses poèmes, Jaufré Rudel s’éprit de Mélisande, Comtesse de Tripoli, sans jamais l’avoir vue ; il avait seulement entendu des pèlerins de retour de terre sainte louer sa grande beauté. Il décida alors de la rejoindre, se croisa et partit en Syrie. Las, il tomba gravement malade sur la nef qui le conduisit à Tripoli. Transporté en hâte dans la ville, il mourut, dit-on, dans les bras de la comtesse.
~ Poème de Jaufré Rudel (vers 1150) ~
Lanquand li jorn son lonc en mai
m'es bels douz chans d'auzels de loing
e quand me suis partitz de lai
remembra-m d'un'amor de loing
vauc de talan enbroncs e clis
si que chans ni flors d'albespis
no-m platz plus que l'inverns gelatz
Ja mais d'amor no-m gauzirai
si no-m gau d'est'amor de loing
que genser ni meillor non sai
vas nuilla part ni pres ni loing
tant es sos pretz verais e fis
que lai el ranc dels sarrazis
fos eu per lieis chaitius clamatz
Lorsque les jours sont longs en Mai
M'est beau (le) doux chant d'oiseaux de loin
Et quand je suis parti de là
Me souvenant d'un amour de loin
Vais de désir front bas et incliné
Ainsi chants ni fleurs d'aubépine
Me plaisent plus que l'hivernale gelée
Jamais d'amour ne me réjouirai
Si ne jouis de cet amour de loin
Que mieux ni meilleur ne connais
Vais nulle part ni près ni loin
Tant est son prix vrai et sûr
Que là devant les Sarrasins
Pour elle être lié captif (je) réclame
En adoptant l’iconographie des monnaies tripolitaines, le Comte Raymond V voulait peut être rendre hommage à son aïeul. Dans ce cas, la relation de parenté entre les Comtes de Tripoli et de Toulouse explique à elle seule la ressemblance entre les monnaies de ces deux comtés, mais un numismate américain, Marshall Faintich, propose une autre explication basée sur l’astronomie : une observation directe d’un phénomène astronomique dans le ciel aurait pu motiver la gravure présente sur l’avers des monnaies. Cependant les deux événements astronomiques majeurs ayant eu lieu au XIIème siècle ne semblent pas correspondre à la datation donnée pour l’apparition des deniers de Tripoli.
Tout d’abord, une éclipse solaire totale s’est produite le 13 septembre 1178 et cet événement astronomique aurait pu être visible à la fois dans le Sud-Est de la France et à Tripoli (port croisé situé près de l’actuelle Beyrouth). Les motifs du croissant et de l’étoile auraient pu symboliser le bref passage de la lune devant le soleil. Sur certains types de deniers, on remarque également deux points près de l’étoile ; or, d’après Faintich, les planètes Mercure et Vénus auraient pu être brièvement observées au moment où la lune obscurcissait totalement l’horizon.
Un autre événement astronomique exceptionnel a marqué le ciel au XIIème siècle. En août 1181, une nouvelle « étoile » apparut dans la constellation de Cassiopée. Brillant d’un éclat remarquable au début, elle allait toutefois disparaître au bout de 6 mois. Il s’agissait en fait de l’explosion d’une supernova (connue des astronomes comme la supernova SN 1181) : c’est l’une des rares explosions stellaires de l’histoire qui aurait pu être observée à l’oeil nu en Provence, mais aucun texte n’est venu témoigner de cet événement en occident, alors qu’il fut remarqué par les astronomes chinois et japonais.
Ces deux événements ne correspondent pas à la chronologie de l’apparition des deniers au croissant et à l’étoile de Tripoli (entre 1137 et 1152) ni à celle des raymondins (après 1151).
Les éclipses et les supernovae restent des événements astronomiques très exceptionnels, d’autres sont moins fugaces, c’est le cas des conjonctions de planètes : on peut observer la lune ainsi que la planète Vénus ou Jupiter simultanément dans le ciel nocturne plusieurs jours par an, l’éclat de ces planètes par rapport à celui d’une étoile est facile à distinguer et parfois la lune et Vénus sont aussi proches aux yeux d’un observateur que le suggère la représentation sur les monnaies frappées à Pont-de-Sorgues. La planète Vénus est l’astre le plus brillant du ciel après le Soleil et la Lune, elle est particulièrement visible à l’aube et au crépuscule, c’est pour cette raison qu’elle fut surnommée « l’étoile du berger » depuis l’antiquité : son apparition dans le ciel du soir indiquait aux bergers le moment où ils devaient rassembler leur troupeau pour le conduire à l’abri des prédateurs nocturnes.
Compte tenu du fait que la première monnaie frappée de ces symboles est apparue dans le comté de Tripoli, c'est-à-dire au Liban, la Phénicie antique, peut-être s’agit-il de l’évocation d’un très ancien motif religieux : celui du « ciel inférieur ». Le « croissant bouleté » est le symbole antique non de la lune mais de « la course nocturne du soleil » ou du « ciel inférieur ». Il se compose d’un croissant terminé par deux boules qui figurent la planète Vénus, à la fois étoile du matin et étoile du soir (que les observateurs de l’antiquité pensaient être deux planètes différentes : Lucifer et Vesper) ; ce croissant bouleté comportait en son centre l’image du « soleil de la nuit » : un disque solaire représentant le dieu phénicien Bel (le dieu Saturne pour les romains). Ce symbole fut souvent représenté sur des tombeaux et des stèles funéraires car le ciel inférieur était le royaume des morts, il évoquait également la « résurrection » puisque le soleil, après sa course nocturne, réapparaît, « renaît » en quelque sorte chaque matin ! Il n’est pas impossible que le comte de Tripoli et son entourage, intrigués par la présence de stèles antiques ou de temples visibles autour de son palais, aient « réemployé » ce motif en héraldique, à moins qu’il se soit agi d’un motif décoratif déjà répandu dans la ville de Tripoli au XIIème siècle. On peut admirer les ruines d’un important temple dédié au dieu Bel à Palmyre, temple qui fut construit à l’époque romaine (autour de 32 après J.C.) et qui est resté remarquablement bien conservé jusqu’à notre époque. Une des particularités du culte du dieu Bel, c’est que ce dieu est souvent représenté debout, armé et cuirassé, botté et vêtu d’un grand manteau : dans ces circonstances, on comprend mieux pourquoi le Comte de Tripoli et ses chevaliers ont pu adopter son signe comme blason militaire et le faire figurer sur des monnaies.
Plus proche de nous, le blason d’une autre famille provençale célèbre, la famille des seigneurs des Baux, représente également l’étoile du berger. Les seigneurs des Baux prétendaient descendre du Roi Mage Balthazar, aussi prirent-ils comme emblème une étoile à 16 raies, leur blason étant « de gueules à une étoile à seize raies d’argent ». Des mages sont évoqués dans l’évangile de Saint Matthieu : guidés par une étoile, ils seraient venus adorer l’enfant Jésus et lui apporter des cadeaux (de l’or, de l’encens et de la myrrhe). La tradition et l’iconographie chrétiennes ont fait des trois rois Mages : Gaspar, Balthazar et Melchior, des personnages très populaires, et Marco Polo, dans son livre « Le devisement du monde » écrit en 1298, leur consacre un chapitre et situe leurs trois sépultures dans la ville perse de Sava.
Il s’agit peut-être également d’une référence aux deux symboles alchimiques des métaux précieux : l’argent qu’on notait alors par un croissant de lune, et l’or représenté par un soleil rayonnant dans les livres d’alchimie. Cette association entre une planète et un métal résume bien l’opinion des alchimistes de l’époque quant à la formation des minéraux et des métaux : pour eux, le soleil et les astres, au cours de leurs mouvements dans le ciel, agissaient sur la terre ou plutôt le « monde souterrain » (considéré à la fois comme une « matrice » et comme un monde effrayant, obscur et secret) pour former et transformer les métaux et les minéraux ! Cette théorie ésotérique complètement erronée a cependant perduré jusqu’au XVIIIème siècle.
Si les deux astres représentés sont le soleil et la lune, ils pourraient également représenter le Pape et l’Empereur, une allégorie qui fut reprise par le Pape Innocent III (1198-1216), lequel déclara que « De même que la Lune reçoit sa lumière du Soleil, de même la dignité royale n’est que le reflet de la dignité pontificale ». Il s’agissait peut-être tout simplement d’une allégorie du « pouvoir » en général, et il faut reconnaître qu’à la fin du XIIème siècle le Comte de Toulouse jouissait d’une autorité, d’un prestige politique et d’une puissance militaire considérables par rapport aux autres féodaux du royaume de France.
Dernière hypothèse : le croissant et l’étoile pourraient être issus de la déformation des deux premières lettres du mot COMES (comte) qu’on retrouve sur la plupart des monnaies médiévales comtales.
L’interprétation des signes et motifs présents sur une monnaie médiévale reste un exercice difficile pour les numismates contemporains car, généralement, il n’existe pas d’écrit qui justifie ou explique le choix du graveur.
Le XIIème siècle a vu se développer l’héraldique, la science des armoiries et des blasons, grâce à laquelle on reconnaît son souverain ou son seigneur. L’association d’une étoile et d’un croissant se retrouve sur les armoiries de plusieurs familles de la noblesse du Comtat Venaissin : la famille Arlande, la famille de Sala, et sur le blason de la famille de Sales figurent deux étoiles et un croissant. Ce type de motif n’était pas réservé aux familles du Comtat : sur les fresques de la chapelle du château de Saint-Floret (Puy-de-Dôme), datées de la seconde moitié du XIVe siècle, sont peintes plusieurs scènes de combats équestres entre des chevaliers. L’un d’eux possède un blason avec trois croissants surmontés chacun d’une étoile sur fond vert, ce chevalier énigmatique participe à une mêlée confuse représentée de manière très réaliste, il est suivi (ou poursuivi ?) par un chevalier portant les couleurs de l’ordre des templiers.
Ce n’est que plus tard, au XVIème siècle, que l’étoile et le croissant deviendront l’emblème de l’Empire Ottoman. On trouve encore ces meubles sur les drapeaux de la Turquie, de la Tunisie et de l’Algérie contemporaines.
Il faut remarquer que, quelle que soit la raison de la présence de ces deux meubles, il ne s’agit pas de simples motifs esthétiques. En effet, le Comte Raymond V de Toulouse leur a accordé assez d’importance pour les faire figurer tous les deux sur son sceau. Ce sceau nous est connu par une description qu’en a laissée le grand numismate Nicolas-Claude Fabri de Peiresc. Sur l’avers de ce sceau était représenté le Comte sur un cheval, il était vêtu du haubert, coiffé d’un casque, il tenait une lance de la main droite et un écu de la gauche (son écu était frappé de la croix de Toulouse) ; à côté de lui figuraient un croissant de lune et une étoile, avec la légende : S.RAIMUNDI DEI GRACIA COMITIS TOLOSE MARChIO PROVINCI +. (voir planche III)
Un croissant entouré de deux étoiles apparaît également de manière anecdotique sur des monnaies d’or du Comte de Provence Charles d’Anjou (1245-1285) que l’on qualifiait de « saluts d’or » en raison de la représentation de l’archange Gabriel et de la Vierge gravée sur l’avers.
Combien de temps fonctionna l’atelier monétaire comtal de Pont-de-Sorgues ? Cette question pose encore problème car il n’est pas fait mention à cette époque des dates d’émissions sur les monnaies, aussi la datation ne peut être qu’estimée en utilisant les travaux d’historiens paléographes et d’archéologues ayant étudié la composition de trésors monétaires.
Le monnayage débuta avec le Comte Raymond V (1148-1194) et se prolongea sous Raymond VI (1194-1222) et Raymond VII (1222-1249). L’atelier monétaire fonctionna donc entre 1148 et 1249 mais son activité fut sans doute épisodique, surtout après 1226, la région étant occupée par les troupes du Roi de France Louis VIII, puis par les troupes du Pape, puis reconquise par les troupes du Comte Raymond VII et de son sénéchal Barral des Baux…
Quelle était la localisation précise de l’atelier monétaire dans la ville ? On peut supposer qu’il était proche du château comtal pour des raisons de sécurité, mais le site où se situait le château comtal n’est pas non plus localisé avec précision à ce jour. D’autre part, l’atelier devait comporter un four alimenté au bois et son système de ventilation pour fondre les métaux précieux, un gros four qu’on appelait une « fournaise », dans un bâtiment un peu isolé des habitations de la cité à cause des risques d’incendie.
En ce qui concerne l’atelier monétaire situé dans la vaste enceinte du château de Mornas, son activité n’a pu débuter qu’après que le Comte Raymond V s’en soit emparé à la suite d’une guerre contre Guillaume IV des Baux, conflit qui se situerait entre 1176 et 1179. Le château de Mornas était une place stratégique remarquable et, de ce fait, sa possession a fait l’objet d’une compétition féroce et de plusieurs conflits armés. Dès 1209, à la suite du conflit « albigeois », le Pape souhaita asseoir sa souveraineté temporelle dans la région et envoya un légat en Provence (lequel était l’ancien secrétaire du Pape Innocent III et s’appelait Milon) qui se fit remettre en gage trois châteaux dans le Comtat : Oppède, Beaumes et Mornas. En 1235, Barral des Baux, sénéchal du Venaissin, réunit une armée qui prit le château d’assaut et le rendit au Comte Raymond VII, ce qui valut à Barral d’être excommunié ! L’atelier monétaire de Mornas a donc fonctionné pendant une période plus restreinte que celui de Pont-de-Sorgues.
Si les légendes gravées sur les deniers raymondins ont quelque peu évolué selon les émissions, le nom du Comte figure toujours en abrégé, il n’y a pas de date d’émission indiquée, et le type de l’étoile et du croissant n’a pas changé radicalement. C’est tout de même une information très intéressante qui traduit le « succès » de ces émissions monétaires : ces monnaies ont été acceptées en paiement pendant très longtemps. Le public, comme le monnayeur étaient attachés à leur style, il était reconnu et accepté, il inspirait confiance et on n’a pas jugé bon de changer les habitudes.
Il a fini par remplacer les deniers melgoriens (de l’atelier de Melgueil, situé près de Montpellier) et les deniers de Saint-Gilles qui circulaient précédemment dans la région d’Avignon, et surtout on l’utilisait comme monnaie de référence dans des contrats écrits et des testaments. Le denier raymondin s’échangeait à parité avec les deniers émis par la cité-état d’Avignon (qui bénéficiait d’un régime politique consulaire, et avait obtenu l’autorisation de frapper monnaie en 1238 de l’Empereur Frédéric II). Sur la monnaie avignonnaise de cette époque figurent une clef et la légende AVINIO.
L’apparition des « raymondins » au milieu du XIIème siècle correspond également à celle des « Coronats », un nouveau monnayage des Comtes de Provence et de Barcelone : ces monnaies furent appelées « Coronats » parce qu’on y voit la tête couronnée du Comte à l’avers. On peut penser que la rivalité politique entre les Comtes de Toulouse et ceux de Barcelone s’est en quelque sorte transposée dans le domaine économique et monétaire. Il semble cependant que le maximum des émissions de raymondins correspondit à la période dramatique de la guerre contre les albigeois.
Ce conflit a sans doute stimulé l’effort de monnayage car la guerre coûte cher et la solde des armées en campagne exige un numéraire abondant. Par ailleurs, les zones de guerre où furent commises des exactions et destructions sont souvent celles où les découvertes archéologiques de trésors numismatiques sont les plus nombreuses : à l’approche des armées, les riches habitants des cités menacées enterraient souvent leur pécule en secret et, s’ils perdaient la vie, personne n’était en mesure de le retrouver.
Le revers des raymondins présente également un intérêt pour l’histoire de l’héraldique méridionale : en effet, il y est figuré une croix dite « de Toulouse », c'est-à-dire une croix pattée, cléchée, vuidée et pommetée (avec 12 globules). L’une des plus anciennes représentations d’une croix de Toulouse fut sculptée sur la pierre tombale du Comte Geoffroy de Provence, fils du célèbre Comte « Guillaume le libérateur » dans la chapelle Sainte-croix de Sarrians (située dans le Marquisat de Provence), après sa mort en 1062. Par la suite, plusieurs grandes familles l’adoptèrent comme « meuble » sur leur blason : la famille des comtes de Toulouse (en or sur fond rouge), mais aussi celles des Forcalquier, des Gigondas et des Venasque. Le public la reconnaît aujourd’hui comme le blason officiel des régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées.
Quant à l’origine du motif iconographique de la croix pattée, mentionnons qu’il s’agit de la forme de la première croix votive élevée au IVème siècle sur le martyrium du Golgotha en Palestine. Preuve supplémentaire du succès des émissions de raymondins : ils ont été copiés dans le Comté d’Embrun. Bertrand IV (1150-1209), Comte d’Embrun, fit frapper des deniers figurant une étoile à huit raies (mais sans croissant), d’un style très proche de l’étoile qui se trouve sur les deniers de Pont-de-Sorgues.
Denier (vers 1180-1200) Bertrand IV, Comte d’Embrun
Légende de l’avers : A) +BERTRAND Croix
Légende du revers : R) +COMES.EDNE. Etoile à huit raies, Ponctuation par trois points superposés (voir denier 10, planche V)
C’est un Comte de Toulouse qui fit construire le premier château de Pont-de-Sorgues dès le XIIème siècle : le traité de partage de la Provence entre Alphonse Jourdain et Raymond Berenger III en 1125 précise la propriété de « medietate de ipso castro de Ponte de Sorgiâ, de ipsâ villâ, ejus territorio, de his omnibus quæ ad prædictâm villam vel castrum de Ponte de Sorgiâ, quoquomodo pertinere videntur». Les deux souverains souhaitaient mettre fin provisoirement à la guerre qui les opposait par un « partage » des terres provençales les plus disputées, et la ville de Pont-de-Sorgues était alors assez riche pour susciter la convoitise des deux partis.
Le traité attribuait la moitié de la propriété et des revenus de Pont-de-Sorgues à chacun des deux princes en indivis (comme pour la ville d’Avignon), mais plusieurs faits historiques indiquent que le Comte de Toulouse ne s’est pas contenté de sa part, il s’est approprié de fait l’ensemble des droits et revenus concernés et a installé une forte garnison au château.
Le fait apparaît clairement en 1208 dans une lettre du légat Navarre, évêque de Couserans, adressée à l’évêque d’Avignon : des voyageurs s’étaient plaints à l’évêque d’être rançonnés par les hommes d’armes du Comte à cet endroit. Le conflit finit par une guerre privée en 1209 au cours de laquelle l’armée des Avignonnais occupa le château du Comte. Il est même probable que le château fut rasé à la demande du légat. La ville de Pont-de-Sorgues était une des 9 vigueries du Comtat : il y avait donc un viguier et ses hommes d’armes au château. Les viguiers étaient des fonctionnaires du Comte qui rendaient la justice en son nom, mais leur comportement vis-à-vis des communes libres comme Avignon devait les porter au conflit, voire au « banditisme ». Il est possible que d’autres motifs plus politiques aient incité le légat à entraîner les Avignonnais dans un conflit contre leur Comte. 1208 est l’année de l’assassinat du légat Pierre de Castelnau dont le Pape Innocent III rendit responsable le Comte Raymond VI, l’accusant également de protéger des hérétiques. Il lança par la suite un appel à la croisade contre la secte des albigeois, les « cathares » du Midi.
Mais ce conflit entre Avignon et le Comte de Toulouse ne dura pas et, par la suite, la commune d’Avignon prit les armes pour le défendre contre les troupes du Roi de France Louis VIII. La fidélité de la cité d’Avignon au comte Raymond VII lui valut d’être assiégée en 1226, la ville fut prise après plusieurs mois de siège.
La présence d’un atelier monétaire comtal à Pont-de-Sorgues suggère qu’elle était une cité commerçante prospère. Sa population disposait de plusieurs églises dont l’église de la Sainte Trinité et l’Eglise Sainte Marie et, plus tard, l’église Saint-Sauveur dite aussi Eglise Saint-Sixte, desservie par des moines clunisiens. De pieuses donations de terres, de dîmes sur l’église de la Sainte-Trinité, de maisons et de cens en ville avaient permis l’établissement permanent de moines de l’abbaye de Cluny dans la cité au XIème siècle, et leur présence se maintint jusqu’au XIVème siècle, c'est-à-dire jusqu’à ce que la chambre apostolique rachète leurs droits au nom du Pape en 1324. Leurs droits et leurs terres étaient donc d’un bon rapport.
Depuis le Xème siècle, les marécages et les « paluds » du nord-est d’Avignon autour des villes de Sorgues, Bédarrides, Entraigues et Vedène avaient été systématiquement drainés et assainis, remplacés par des exploitations agricoles. La Sorgue avait été canalisée pour l’irrigation et le fonctionnement de moulins hydrauliques et de foulons pour la fabrication de draps. Grâce à la Sorgue et l’Ouvèze, la ville et ses habitants bénéficiaient d’un approvisionnement en eau régulier, même en été, et pouvaient pratiquer l’irrigation des cultures. C’est un atout important dans une région soumise au climat méditerranéen : les cultures sont soumises à de rudes sécheresses estivales, et les sols, souvent calcaires, sont pauvres et fragiles, les vrais pâturages destinés à l’élevage sont également rares. Dans ces conditions, les compléments de fruits et légumes apportés par les jardins, les vergers, et la pêche de poissons d’eau douce étaient sans doute les bienvenus pour ravitailler une communauté urbaine.
Nous disposons d’un indice pour estimer le nombre d’habitants de Pont-de-Sorgues au XIIIème siècle : en 1269, une enquête concernant les droits du Comte Alphonse de Poitiers signale que la ville comptait 148 feux. A la même date, on comptait 672 feux à Carpentras, 318 feux à Mornas, 180 feux à Velleron, 233 feux à Sarrians et 93 à Loriol. Le décompte des feux était souvent réalisé dans un but fiscal, il ne correspondait donc pas forcément à un nombre réel d’individus, mais on peut estimer qu’un feu correspondait en moyenne à une « famille » d’au moins cinq personnes.
L’histoire politique de la ville de Pont-de-Sorgues révèle encore des surprises : La ville fut assez peuplée et développée au XIIème siècle pour participer au mouvement communal avec Avignon.
A partir de 1129, Avignon a été gérée par des chevaliers et des prud’hommes élus portant le nom de consuls jusqu’en 1251, date à laquelle Alphonse de Poitiers, nouveau Comte de Toulouse, a défait une ligue militaire entre les communes de Marseille, Arles et Avignon, et a rétabli son pouvoir sur la ville. Or, l’historien M. A. de Maulde dans son livre « Coutume et règlements de la république d’Avignon au treizième siècle » a publié un traité datant de l’année 1212 qui fait du « consulat » de Pont-de-Sorgues le vassal d’Avignon par autorisation du Comte de Toulouse Raymond VII.
Henri Dubled dans son « Histoire du Comtat Venaissin » indique également que Pont-de-Sorgues et Cavaillon étaient gérées par des consuls. La date d’apparition du consulat de Pont-de-Sorgues reste inconnue, mais il est intéressant de constater qu’il y avait alors assez de chevaliers et de bourgeois (des probi homines comme on les appelait) pour qu’un système de consuls élus remette en cause la souveraineté temporelle directe de leur Comte et Marquis et qu’ils aient négocié une charte de franchise ! Cette charte accordait une certaine autonomie juridique et financière à la commune, elle précisait quels droits seigneuriaux étaient cédés par le comte à la communauté mais, à ma connaissance, ce texte n’a pas été retrouvé. Il faut supposer que le comte de Toulouse a conservé son droit de battre monnaie dans la ville puisque les frappes se sont prolongées jusqu’en 1249. Le droit de battre monnaie était un droit régalien, lucratif pour celui qui le détenait, aussi il n’était pas systématiquement inclus dans les chartes de franchise : ainsi, dans le cas de la commune d’Arles, l’archevêque conserva-t-il ses droits sur la monnaie.
La commune d’Avignon, qu’on qualifie parfois de « république », bénéficiait de plus de libertés politiques, juridiques et financières : elle possédait le droit de battre sa propre monnaie, elle disposait également du droit de Ban, de justice, de lever des taxes et impôts, de négocier des traités de paix, de déclarer la guerre et de lever une armée etc… alors qu’il semble que le consulat de Pontde-Sorgues ne jouissait que de libertés civiles et économiques sous contrôle de l’administration comtale. Le consulat de Pont-de-Sorgues ne fut pas un cas isolé, en plus des douze grandes cités du Midi que sont Arles, Avignon, Marseille, Béziers, Saint-Gilles, Nice, Nîmes, Tarascon, Grasse, Sisteron, Manosque et Forcalquier ; des consulats sont signalés également dans des villes moins peuplées : Cabannes, Châteaurenard, Cucuron, Gardanne, Graveson, Lansac, L’Isle-sur-la-Sorgue, Malemort, Ménerbes, Orgon, Saint Géniez, Saignon et Saint-Rémy de Provence.
A Pont-de-Sorgues, il y avait un pont ! Le pont médiéval à arches, construit solidement en pierres, a hélas disparu du paysage urbain, remplacé par un pont moderne en 1834 mais il figure toujours sur le blason municipal : « D’azur au pont d’argent à trois arches, maçonné de sable, supportant une croix d’argent, le tout sur une rivière ondée d’argent et de sinople ». Il était situé sur la route particulièrement fréquentée reliant Avignon à Orange, et plus loin Pont-Saint-Esprit, Valence, Lyon… La vallée du Rhône était alors un axe commercial majeur. Elle permettait notamment aux marchands italiens et provençaux de rejoindre les grandes foires de Champagne. Le transport de marchandises se faisait essentiellement par voie fluviale lorsque cela était possible, ou à dos de mulets ou de chevaux, plus rarement en utilisant des chariots attelés, les routes et chemins étant cahoteux. Il a d’ailleurs existé un quai d’accostage pour le transport de bois flotté jusqu’au début du XXème siècle à Sorgues au confluent de l’Ouvèze et du Rhône, et ce type de transport s’est sans doute révélé utile lors de la construction du château de Pont-de-Sorgues pour l’acheminement des bois de charpente et des pierres de taille.
Le tarif du péage qu’il fallait payer pour franchir le pont et traverser l’Ouvèze n’est pas connu ; s’il n’a pas déclenché de plaintes des voyageurs et des marchands, c’est peut-être que son tarif était « modique ». A ma connaissance, la seule indication chiffrée se trouve dans un document du XVe siècle rédigé en 1454: dans ses comptes de trésorier de la communauté de Pont-de-Sorgues, Estève Naguet mentionne que le péage du pont rapportait 122 florins d’or par an. Un florin d’or valait alors autour de 24 sous, le sou valant 12 deniers en théorie, ce qui donnait une recette annuelle estimée de 35 136 deniers, mais cette conversion est purement spéculative car, au XVe siècle, le denier, complètement dévalué, a été remplacé par d’autres espèces. A titre indicatif, le péage du port fluvial de Rognonas, dont le règlement a été publié par M.A. de Maulde, indique qu’au début du XIIIème siècle un piéton devait payer un denier et un cavalier quatre deniers pour qu’on le laisse circuler.
Jean-Claude Portès, dans son étude historique du village de Châteauneuf-du-Pape, fait référence à une plainte des habitants de cette communauté contre le péage de Pont-de-Sorgues. En 1266, les communautés de Châteauneuf-du-Pape et de Bédarrides présentèrent une réclamation à un enquêteur envoyé par le Comte Alphonse : ils protestaient contre le péage qui frappait les cargaisons de sel appartenant aux commerçants traversant Pont-de-Sorgues pour se rendre dans leur village.
Les péages étaient nombreux sur les routes, il y en avait également à Bollène, Mondragon, Mornas, Piolenc, Courthézon, Avignon, Caumont, Le Thor, Monteux, Pernes et Velleron, plus les tonnages-péages de Caderousse et Lhers sur le Rhône. Les tarifs du Roi de France furent plus facilement jugés excessifs, surtout en ce qui concerne la fameuse gabelle, impôt qui frappa systématiquement le commerce du sel à partir de 1340. Au milieu du XIVème siècle, le Roi de France avait autorisé le prélèvement de 5 deniers par quintal de sel passant à Pont-Saint-Esprit par le fleuve ou par la route, cette taxe était appelée le « petit Blanc » en référence au « Blanc à la couronne » : une monnaie d’argent du royaume qui pesait près de 3 grammes et valait une dizaine de deniers tournois.
Le pont de Sorgues était aussi emprunté par les nombreux pèlerins se rendant à Saint Jacques de Compostelle par le chemin traditionnel qui passait par Arles, Saint-Gilles, Montpellier, Toulouse en direction du Col de Roncevaux et de Pampelune. Au cours de leur voyage, les pèlerins pouvaient trouver gîte et protection dans les maisons ou les commanderies de l’ordre militaire du Temple ou dans celles des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, à Orange, Avignon, Jonquières ou Courthézon.
Pourquoi avoir établi un atelier monétaire à Pont-de-Sorgues alors qu’il n’existait aucune mine d’argent à proximité ? L’un des moyens de se procurer du métal argent, c’était d’abord de l’acheter sous forme de lingots ou de barres non monnayés à des marchands. C’était aussi de taxer les commerçants et leurs marchandises, on récupérait ainsi des monnaies étrangères qu’il suffisait de refondre et de frapper en monnaies locales. Située sur la grande route commerçante qui longeait la vallée du Rhône (sur l’antique Voie Agrippa) et disposant d’un pont facile à contrôler, le choix de cette ville paraissait alors judicieux. Au moyen âge, la fameuse « TVA » n’existait pas encore mais les marchands payaient souvent « l’octroi », un impôt indirect prélevé sur certaines marchandises et denrées, payé par celui qui les faisait entrer dans les limites d’une ville. Encore au XIXème siècle, un bâtiment abritant les services de « l’octroi municipal et de bienfaisance » à Sorgues était situé avenue Gentilly.
Nous n’entrerons pas dans le détail des impôts et taxes dus au Comte mais citons ses principales sources de revenus : « l’albergue » (alberga ou hospitium), taxe perçue soit en numéraire, soit en nature sous forme d’obligation de loger les hommes du comte et leurs chevaux lors de leurs visites ; « la chevauchée » ou « cavalcade » (cavalcata ou Ostis), obligation réservée d’abord aux nobles mais étendue également aux communes et aux communautés villageoises, qui consistait en un service militaire de 40 jours dans l’ost féodale et qui pouvait être également perçue en numéraire la taille que les textes appellent également la « tolte » (prise) ou la « queste » ; les droits de justice (le comte percevait les amendes, les contraventions rurales, le produit des saisies lorsqu’il rendait la justice…) ; le produit de certains péages « pedaticum ». Les officiers du comte percevaient également les droits féodaux issus du ban de ses « seigneuries banales » : impôts prélevés sur les ventes de certains produits sur les marchés autorisés ( leydes ou leuda) : selon le cas, c’était le trezain (1/13 du prix de vente), le quarto (1/4), la tasque (1/9) et sur l’utilisation (obligatoire) du four banal, du moulin, du pressoir banal, péages pour passer sur un pont ou une route (pedaticum), pour passer une rivière sur un bac (passagium), pour l’ancrage d’un navire (ribaticum).
Certains prélèvement seigneuriaux étaient particulièrement redoutés des marchands itinérants : le « droit d’aubaine » qui autorisait le Comte à saisir les marchandises d’un commerçant lorsqu’il décédait dans les limites de son Comté ou encore le naufragium qui lui attribuait les marchandises récupérées après un naufrage. Il percevait également les lods, des droits de succession et de mutation sur la valeur des terres et des biens transmis aux héritiers et des droits d’intestorie par lesquels il recevait la succession de ceux qui mouraient sans héritiers directs.
Propriétaire d’énormes domaines fonciers, de champs, de prés, de vignes, de jardins, de bois, de maisons, de boutiques… il en recevait le produit sous forme de cens et de champarts, de droits de pâturage ou de « forestage », en argent ou en nature. Enfin, ajoutons qu’il pouvait lever des « impôts extraordinaires » dans certains cas reconnus par la coutume : lorsqu’il projetait de partir en croisade, qu’il était capturé et qu’il fallait payer une rançon, lorsque son fils était adoubé (reçu chevalier), lorsqu’il mariait sa fille… le peuple était alors « invité » à participer aux dépenses du voyage, des festivités ou de la dot. Parfois, lorsque le Comte cumulait la seigneurie foncière (sur le sol) et la seigneurie banale (sur les hommes), le Comte fixait très librement ses redevances, à tel point qu’on les appelait des « exactions » !
Dans le système féodal, la condition ou le statut social des hommes déterminait le type d’imposition auquel ils étaient soumis ; ainsi, les serfs devaient acquitter « le chevage », une taxe symbolisant leur dépendance personnelle à un seigneur. Les charges serviles, les plus lourdes, variaient selon les régions et les coutumes qui y étaient pratiquées.
Le serf n’étant pas un homme libre, il ne pouvait disposer librement de ses biens ni les transmettre à ses héritiers : il avait « mainmorte », la famille du défunt devait donc racheter ses biens au seigneur sous peine de les voir saisis. Le serf devait également dédommager son seigneur s’il voulait s’affranchir et quitter la seigneurie, il devait également une taxe de « formariage » s’il se mariait hors de la seigneurie. Il faut ajouter à ces exigences la taille « à merci », les diverses corvées (corvées de charroi ou de labour) et autres « exactions ».
Les deniers raymondins cessèrent d’être frappés après la mort du Comte Raymond VII en 1249. Ils furent progressivement fondus et remplacés par d’autres deniers circulant à l’époque dans la région mais qui étaient frappés dans d’autres ateliers. C’est le cas des deniers tournois du roi de France (denier n°19, planche VII) qui circulaient déjà en Provence avant cette époque et qui connurent une extension de leur diffusion, les terres languedociennes et méridionales du Comte de Toulouse ayant été annexées en grande partie par le Roi de France (ce fut le cas des sénéchaussées de Beaucaire et de Tarascon). Au XIVème siècle, le roi de France ouvrit même un atelier monétaire tout proche, à Villeneuve-Lez-Avignon. Mais l’histoire monétaire de Pont-de-Sorgues ne s’arrête pas là puisqu’en 1300, sur ordre du camerier du Pape, le recteur du Comtat fit frapper des deniers d’argent au nom du Pape Boniface VIII, première monnaie papale d’une longue série d’espèces qui furent frappées à Pont-de-Sorgues par les souverains pontifes.
Force est de constater que ce n’est pas par hasard que le choix s’est porté sur la ville de Pont-de-Sorgues pour y installer un atelier monétaire important : la présence d’ouvriers qualifiés, d’un atelier bien équipé et, certainement, d’une communauté marchande d’origine italienne capable de fournir les métaux précieux en quantité suffisante, voire de contrôler la production en tant que « maîtres de la monnaie », sont autant d’atouts qui expliquent sans doute la continuité de cette production très particulière.
Je souhaite que cette étude ouvre la voie à des recherches numismatiques sur les émissions monétaires papales qui sont un patrimoine historique remarquable de la ville de Sorgues. Ce patrimoine demeure méconnu. Et pourtant, ces petites monnaies, gravées de textes et d’images, qui ont traversé les siècles, dispersées dans les musées et les collections privées, ont encore beaucoup à nous apprendre.
Xavier VERGEREAU
Planche I : Carte du Marquisat de Provence
Planche II : Deniers d’argent du Marquisat de Provence dits « raymondins », ateliers de Pont-de-Sorgues et Mornas, frappés sous l’autorité des Comtes Raymond V (1148-1194), Raymond VI (1194-1222) et Raymond VII (1222-1249).
1) Type 1 - croix courte
2) Type 1 - croix courte
3) Type 2 - croix courte
4) Type 2 - croix courte
Planche III : Deniers d’argent du Marquisat de Provence dits « raymondins », ateliers de Pont-de-Sorgues et Mornas
5) Type 2 - croix courte
6) Type à la croix longue
8) Grand sceau équestre du Comte Raymond VII de Toulouse
Planche IV : Carte du Comté de Tripoli au XIIème siècle 9) Denier d’argent de Raymond II (1137-1152) ou Raymond III (1152-1187), atelier de Tripoli
J’ai complété cette étude sur le monnayage précis du Marquisat de Provence par un panorama de monnaies qui circulaient dans la région à la même période. Les monnaies des planches suivantes possédaient une large zone de circulation. Un commerçant de Pont-de-Sorgues pouvait fort bien les accepter en paiement et faire appel ensuite à un changeur professionnel.
Planche V :
10) Denier d’argent de Bertrand IV de Forcalquier (1195-1207) Comté d’Embrun, atelier d’Embrun
11) Denier d’argent frappé sous le podestat de Barral des Baux (1249-1251), atelier d’Avignon
12) Denier d’argent, dit « coronat », d’Alphonse II d’Aragon (1196-1209), Comté de Provence
13) Denier d’argent, dit « royal à la mitre » En 1177, le Comte de Provence Raymond Bérenger créa cette monnaie de pariage avec l’Archevêque d’Arles, Raymond de Bollène , (1177-1185), atelier d’Arles
Planche VI :
14) Gros d’argent de Raymond-Bérenger V (1209-1245), Comté de Provence, atelier de Marseille Frappée à partir de 1218, cette monnaie valait six deniers coronats
15) Denier d’argent de Guillaume V de Sabran, Comté de Forcalquier, (1150-1209)
16) Denier d’argent de Raymond VII, Vicomté d’Albi, atelier de Châteauneuf de Bonafos. En 1248, le Comte Raymond VII de Toulouse, également Vicomte d’Albi, créa cette monnaie de pariage avec l’évêque d’Albi, Durand
17) Denier d’argent, dit aussi « raymondin » du Comte Raymond V, VI ou VII, Comté de Toulouse, atelier de Toulouse, frappé entre 1148 et 1249
Planche VII :
18) Denier d’argent anonyme des évêques de Maguelonne, Comté de Melgueil, frappé au XIIème ou XIIIème siècle
19) Denier « Tournois » du Roi de France Louis VIII, atelier de Tours, frappé entre 1243 et 1245
La dernière monnaie, un gros d’argent du comté de Tripoli, illustre simplement la richesse du monnayage de ce comté
20) Gros au château entouré de croissants de lune, frappé à Tripoli par le comte Bohémond VII entre 1274 et1287