Dès septembre 1939, le gouvernement français, prenant prétexte du pacte germano-soviétique qui assurait la neutralité de l’URSS, mit hors la loi le parti communiste, la CGT et les organisations proches de ces mouvements. Ces formations étaient devenues clandestines avant la déclaration de guerre. Ces interdictions avaient été préparées de longue date. Le 1er juillet 1939, Georges Bonnet, ministre des Affaires étrangères, répondit à de Ribbentrop, ministre nazi des affaires étrangères allemandes, que les communistes seraient mis à la raison.1 En pleine tourmente, alors que la capitulation avait abasourdi la majorité des Français, le parti communiste, pour résister, créait une armature clandestine originale, des cellules de deux ou trois personnes n’ayant souvent aucun lien entre elles. Seul, un militant, agent de liaison, avait des contacts avec ces groupes de base.
Dans Avignon, pour les clandestins, il apparut rapidement que la population avait un besoin urgent de surmonter son asthénie. Ils s’appuyèrent sur les travailleurs de deux entreprises particulièrement éduquées politiquement, le personnel de l’hôpital de Montdevergues et ceux du PLM2.
En décembre 1940, des tracts titrés L’Humanité et Rouge Midi étaient à nouveau distribués.3 Le commissaire central de police écrivait « … que le parti communiste agissait sous une nouvelle forme… »4. Il distribuait de petites cartes imprimées, placées dans des enveloppes de format cartes de visite. On en trouvait un peu partout dans Avignon, Impasse Pasteur, chemin des Sources, sur la chaussée de la rue Thiers, boulevard Limbert, route de Marseille et quartier Bonaventure.5
La police soumettait à une surveillance très sévère les milieux où elle supposait que la propagande communiste était reçue favorablement, notamment le PLM. À l’époque, cette entreprise employait sur la ville quinze mille personnes. Le 12 décembre 1940, à neuf heures trente du soir, Jules Bourson et François Casa, tous deux cantonniers SNCF,furent interpellés. Ils étaient surveillés depuis quelque temps. Ce soir là, la police s’était placée en filature à l’usine « Fabre », boulevard Saint-Roch. De là, elle vit François Casa qui remisait sa bicyclette aux abords de l’usine « ROLLI » et venant rejoindre Bourson.
Casa, apostrophé, déclina son identité. Bourson, comprenant la situation, prit la fuite en bicyclette poursuivi par des policiers ; il fut appréhendé après une courte lutte et après avoir renversé un des agents.
À l’interrogatoire, les deux camarades commencèrent par déclarer qu’ils se promenaient et qu’ils étaient à la recherche d’un vieil ami de travail que l’enquête révéla parti d’Avignon depuis six mois. François Casa ajoutait que, dans un premier temps, il était venu voir son beau-frère, c’était pour cela qu’il s’était dirigé vers les voies de chemin de fer. Puis, changeant complètement d’idée, il avait eu envie de rejoindre son ami Bourson, boulevard Saint-Roch. Il soutint que les tracts trouvés sur lui, il les avait ramassés dans la rue pour les lire une fois rentré chez lui. Bourson expliqua qu’il n’avait pas de feu arrière à sa bicyclette et que pour ne pas avoir une contravention il avait fui.
Le 18 février1941, ils comparurent devant le tribunal correctionnel, tous deux défendus par maître Frédéric Mistral neveu, désigné par ordonnance du juge d’instruction du 27 janvier 1941. Ce qui permit au président du tribunal de remarquer que deux communistes étaient défendus par un monarchiste.
Le tribunal ne fut pas convaincu par les explications embarrassées des prévenus. « Ils promenaient à une heure insolite non loin de l’endroit où des tracts étaient distribués… la présence sur l’un d’eux d’un tract communiste… constituait un ensemble de présomptions suffisamment précises et graves et concordantes pour établir leur culpabilité… »
Ils furent condamnés à trois mois de prison, pour avoir propagé des mots d’ordre de la troisième internationale et ils furent licenciés du PLM6.
Raymond CHABERT
CASA