Le championnat du monde de lutte qui se déroule actuellement à l'Apollo a réuni les engagements de tous les meilleurs lutteurs.

FIN 1907 vient de voir, à l'Apollo. se dérouler les péripéties, du Championnat du Monde, auquel prit part Paul Pons, qui battit le Russe Pytlasinski dans la première épreuve de ce genre. Cette victoire que nous évoquons, nous ramène neuf ans en arrière — 1898 — année qui fut l'âge d'or de la lutte. sinon pour les lutteurs. du moins pour les organisateurs du premier tournoi international régulièrement codifié.

On ne trouverait certes pas un homme de qui la carrière de lutteur Put plus brillante et mieux remplie que celle de Pons, car on ne lui sait guère de défaillance appréciable, encore que tout athlète puisse en avoir une sans être le moins du monde déprécié pour cela. Et il est sur la brèche depuis vingt ans.

Sa manière s'est très peu modifiée; elle n'a même pas changé du tout. Il est resté le lutteur froid, calme, toujours maître de lui-même dans les circonstances les plus critiques, travaillant sans violence inutile, sans jamais dépenser en pure perte des efforts stériles aux résultats illusoires, mais associant avec beaucoup d'habileté et de jugement ses extraordinaires moyens physiques et sa science complète de la lutte.

Rester soi-même pendant vingt ans d'un aussi dur métier est un problème insoluble en apparence et que cet extraordinaine athlète qu'est Paul Pons est seul à avoir réalisé.

La vérité oblige à reconnaître qu'il y a sur le ring une fort belle sélection d'athlètes, dont Schneider nous semble être le spécimen le plus parfait. Des hommes nouveaux se sont produits, qui peuvent prétendre jouer un rôle de première place dans les compétitions futures. Raoul de Rouen doit briguer la succession de Raoul le Boucher et semble avoir l'étoffe nécessaire pour faire un vrai champion. Il a soutenu quelques rencontres intéressantes bien menées et pleines de promesses pour l'avenir. L'homme est bien pris, il a de l'étoffe et les muscles gagneront encore au travail. On peut dire qu'il vient de débuter devant le grand public, car il n'a point encore pris part à une compétition aussi sévère que celle du Championnat du monde. Dans deux ou trois ans il pourra être de premier ordre. Lorsqu'on songe qu'il sort du régiment, on est forcé d'admirer le résultat qu'il a obtenu. Un qui n'a pas changé dans sa façon d'opérer, c'est Cazeaux. Il lutte exclusivement en force, durement, mais quand il est un peu malmené, il ne se plaint pas

Le public ne déteste pas les rencontres un peu brutales. La violence a le don de lui remuer les fibres. Or, la lutte chez les hommes de poids lourds est quelquefois, il faut bien l'avouer, un peu monotone. La pléiade des professionnels compte quelques sujets comme Canaux et Schackmann qui ont le don de créer une certaine animation sur le ring et un léger tapage dans la salle. La finale du Championnat du monde disputé à l'Apollon nous a réservé quelques soirées turbulentes, comme il en fut aux jours d'antan. Et lorsque Cageaux, se laissant entraîner par son naturel combatif, use de quelques brutalités, les spectateurs le conspuent, mais au fond sont ravis d'assister à une belle partie de " bourre ".

Constant le Marin est plein de fougue, et son ardeur généreuse se dépense saurs compter. Il a besoin d'assagir un peu sa manière. lankowski, c'est l'image de Ia force naturelle. Jacobus Koch s'empâte un peu trop mais il lutte bien. Amalhou, le nègre de la situation, est bon, mais la finesse de ses attaches fournit des prises faciles à l'avant-bras et le handicape. Omer de Bouillon et Lassartesse sont classés depuis longtemps parmi les professionnels modernes.

En somme le lot du Championnat du Monde que Paul Pons a devant lui est incontestablement l'un des meilleurs que l'on n'ait vus jusqu'à présent.

Fioravanti

Article extrait de "La Vie au Grand Air" 30 novembre 1907