Aux confins de l'allée de Brantes, jouxtant l'ancienne nationale 7, se dresse une imposante bâtisse bordée de platanes : «le domaine de la Bretèche ». Nos anciens se souviennent qu'au cours de la Seconde Guerre mondiale, à chaque alerte, ils avaient pris l'habitude de se réfugier dans son sous-sol.
Plus tard, au cours des années 1960, la comtesse Anne Marie Octavie Harouard de Suarez d'Aulan épouse du comte de Monchy donnait, à des petits enfants, des cours de catéchisme. Les époux baptisèrent leur propriété «La Bretèche ». C'était en souvenir de la commune de Saint-Nom-la-Bretèche (Yvelines) que, plus jeune, le comte avait affectionnée. La comtesse avait recueilli cet immeuble dans la succession de son père, Henry Harouard de Suarez d'Aulan décédé le 9 mars 1938.
C'est à la suite de deux entretiens avec madame Suzanne Guiot née de Monchy, qui nous reçut avec une très grande gentillesse, et à la lecture des actes notariés déposés aux archives départementales d'Avignon que nous avons appris l'origine de ce patrimoine. En effet, tout a commencé le 17 mai 1835 à Paris. Ce jour-là, Jean Gérard Lacuée, comte de Cessac (1752-1841), pair de France, lieutenant général des armées du Roi Louis XVIII, grand cordon de la Légion d'Honneur, chevalier de Saint-Louis, l'un des quarante membres de l'Académie Française, désigna Chabert, fils de l'officier de santé du même nom, qui demeurait à Sorgues, comme son mandataire spécial.
Cet acte conférait à son négociateur tout pouvoir de vendre ensemble ou séparément les pièces de terre, labours, vignes et prés dépendant de son domaine de Brantes à Sorgues. À cette époque, la propriété s'étendait avec les limites actuelles de la route nationale 7 en face de la Poudrerie au chemin Sainte-Anne et à la place de la Mairie.
Le général de Cessac l'avait achetée à son beau-père Marc Louis de Brantes dont il avait épousé, en 1809, en secondes noces, la fille, Louise Augustine Sibylle de Brantes. Après la chute de l'Empereur en 1815, il se retira de la vie publique, il vécut à Paris, rue du Bac, jusqu'à la Révolution de 1830. Le 19 novembre 1831, le roi Louis-Philippe le récompensa en l'appelant à la Chambre des Pairs.
Le 23 juin 1836, Joseph Chabert nanti des pouvoirs nécessaires vendit à Philippe Rouvière une vigne dite «la Belle terre» d'un seul tenant d'une superficie de cent vingt-six ares et quatre-vingt-dix-neuf centiares (1 hectare 26 ares 99 centiares). L'acte authentique fut reçu, au château de Brantes, par maître Brunei, notaire à Sorgues.
Jusque-là, les acquéreurs étaient de lignages nobiliaires, Philippe Rouvière fut le premier possédant bourgeois. Il vendit le domaine rural, quartier de la Peyrarde, composé d'un immeuble de maître et de fermier et d'un tènement en nature de pré et bois, à la famille ILLY de Sorgues. Par la suite, il fut acquis par madame Marie Louise Tamisier veuve Fabre aux termes d'un acte reçu par Maître de Terris le 15 juin 1895, transcrit au bureau des hypothèques d'Avignon le 2 juillet 1895, volume 890 numéro 17. Elle-même le vendit à monsieur Marie Henry HAROUARD de SUAREZ, ci-dessus nommé, aux termes d'un acte reçu par maître SAFFROY, notaire à Avignon le 4 novembre 1926, transcrit au bureau des hypothèques d'Avignon le 23 novembre 1926, volume 146 numéro 1. Dans cet acte, le bien était ainsi désigné « une propriété quartier de la Peyrarde comprenant notamment une maison d'habitation élevée de deux étages, rez-de-chaussée, sous-sol et terrain autour ». Comme il est écrit précédemment, c'est bien le comte Xavier de Monchy, plus haut nommé, qui la baptisa «la Bretèche».
Elle fut revendue le 21 octobre 1976, elle redevint patrimoine plébéien, marquant de cette manière la fin d'une lignée aristocratique vieille de plusieurs siècles. Ces noms de noble descendance s'inscrivent encore dans le souvenir persistant de nombreux Sorguais, et désormais dans la dénomination d'artères : avenue Cessac, chemin de Brantes, allée de Brantes.
La famille de Monchy est connue depuis la fin du XIe siècle par Drogon de Monchy, chevalier qui accompagna Hugues de Vermandois à la première croisade, et dont le blason aux trois maillets figure dans la salle des Croisades à Versailles.
Article extrait de la 31ème édition des Etudes Sorguaises "Florilège de souvenirs du 19è au 21è siècle"
Claudine Dorseuil épouse Martinez