Sorgues et Le Pontet

«C'est un fait que, depuis la Libération, toutes les campagnes revendicatives engagées tant par la C.G.T. que par la C.F.T.C., Force Ouvrière puis la C.F.D.T. ont toutes eu pour objectif primordial d'obtenir de nouveaux avantages quantitatifs, et en premier lieu des augmentations de salaires, traitements, pensions et retraites. Comment contester qu'en dépit de leur indéniable utilité et de nombreux avantages obtenus, aucune de ces campagnes ne puisse se comparer, même de loin, au mouvement de mai 1968 ! (...) En fait, la rapidité explosive du mouvement de mai dans les rangs de la classe ouvrière s'explique fondamentalement par le fait que les étudiants avaient, précisément, mis l'accent sur des revendications contestataires que n'avait jamais formulées aucune organisation syndicale et que les travailleurs ne se formulaient à eux-mêmes qu'inconsciemment.»

Barjonet André, La C.G.T., Paris, Seuil, 1968, p. 150.

«La plus grande grève générale qui ait jamais arrêté l'économie d'un pays industriel avancé, et la première grève générale sauvage de l'histoire, les occupations révolutionnaires et les ébauches de démocratie directe; l'effacement de plus en plus complet du pouvoir étatique pendant près de deux semaines; la vérification de toute la théorie révolutionnaire de notre temps, et même çà et là, le début de sa réalisation partielle ; la plus importante expérience du mouvement prolétarien moderne qui est en voie de se constituer dans tous les pays sous sa forme achevée, et le modèle qu'il a désormais à dépasser - voilà ce que fut essentiellement le mouvement français de mai 1968, voilà déjà sa victoire. »

Internationale Situationniste, n°12, septembre 1969, p. 3.

Le département de Vaucluse (353 966 habitants) (1) est avant tout à vocation, et surtout à réputation, agricole, de part l'importance de la production de fruits et légumes (2), et de la viticulture dans son économie ; plus de 20% de la population active dépend de ce secteur (3).

Pourtant, quelques pôles industriels (de petite taille) existent, comme Apt Bollène ou Valréas; il s'agit le plus souvent de secteurs liés à l'agriculture ou à l'agro-alimentaire, fournisseurs et clients : métallurgie, conserverie, cartonnage (pour l'emballage des produits) (4). Ainsi les ouvriers représentent 35,5% de la population active du département, ce qui n'est pas négligeable. Une seule grande concentration industrielle existe en Vaucluse : la périphérie d'Avignon (88 958 habitants). La ville ne dispose que de quelques usines sur son territoire (en agro-alimentaire notamment), mais bénéficie, à ses portes, d'une véritable banlieue industrielle et ouvrière que sont les villes du PONTET (8 484 habitants) et de SORGUES (13 661 habitants); les trois communes sont d'ailleurs reliées physiquement par des quartiers résidentiels et par une succession d'entreprises et d'usines.

C'est dans cette zone que se situent les plus grandes entreprises du département, pour la plupart alignées le long de la R.N. 7 entre Sorgues et Le Pontet : la Poudrerie Nationale (près d'un millier d'ouvriers); les papeteries La Rochette-Cempa (plus de 500 employés); L'Électro-Réfractaire, qui compte 1 386 employés et couvre plus de 15 hectares, est premier producteur mondial de produits réfractaires et consomme autant d'électricité que la ville d'Avignon; l'usine de l'Oseraie Péchiney-Saint-Gobain (engrais superphosphates; 192 employés), la S.I.T.P.A. ( produits alimentaires, conserverie; 180 employés), La Gauloise (engrais ; 150 employés) ; s'ajoutent au coeur de ce complexe un dépôt pétrolier et un port sur le Rhône (5). Au Nord de Sorgues se trouve également les importants établissements Héraud (ERO) qui emploient 350 personnes (chaudronnerie).

Si les ouvriers représentent en Vaucluse 35,5% de la population active, ce chiffre atteint 36,4% à Avignon, 50,9% à Sorgues et 63,8% au Pontet (6); l'agglomération ne correspond donc que peu à la réputation agricole du département. Lorsque éclatent les événements de mai 68, la zone de Sorgues-Le Pontet devient tout naturellement l'un des sites majeurs et hautement stratégiques du mouvement qui tente de se créer.

Un printemps qui vient de loin...(7)

Les années soixante sont marquées, en France, par le triomphe de la société de consommation, l'incroyable et glorieux développement des richesses et des techniques. Pourtant tout le monde ne semble pas bénéficier de ces prodiges... une partie de la population en reste en effet exclue. La situation matérielle d'une large partie du prolétariat est souvent précaire : en Vaucluse, 5,4% des logements sont privés d'eau courante, 36,8% de douche ou de baignoire, 29% de WC, et 71,3% de chauffage central (8). De plus, le chômage est à cette époque en pleine progression, le nombre des privés d'emploi passe (de juillet 1967 à mai 1968) de 270 000 à 470 000 (9) ! Cette situation fortement inégalitaire, paradoxale, s'accompagne depuis 1958 du "règne" absolu du Général de Gaulle, sans partage, sans dialogue social possible. Mais l'usure de ce pouvoir se fait pourtant sentir... Le résultat des élections législatives de mars 1967, qui voit une très nette progression de l'opposition, sonne comme un sévère avertissement pour le pouvoir, comme un premier signe de faiblesse'''. En Vaucluse, les députés socialistes (F.G.D.S.) Henri Duffaut (circonscription d'Avignon, Le Pontet...) et Léon Ayme (circonscription d'Apt) sont tout deux réélus, avec 65 et 56 % des voix. Dans la troisième circonscription (Orange, Vaison, Valréas, Sorgues...), tenue depuis 1962 par le gaulliste Jacques Bérard, c'est le maire communiste de Sorgues, Fernand Marin, qui est élu (de peu, 51% des suffrages, grâce au report des voix socialistes). La politique gaulliste tend à accentuer cette situation de faiblesse, notamment par l'utilisation d'ordonnances par le gouvernement, afin de démanteler la Sécurité Sociale (11). On assiste alors, en cette fin des années soixante, à une notable intensification des luttes sociales (multiplication des jours de grève (12), notamment depuis la signature d'un accord national d'action entre la C.G.T. et la C.F.D.T. en janvier 1966. Au niveau local et régional, cette année est principalement marquée par la lutte contre l'implantation de fusées atomiques sur le plateau d'Albion et la journée d'action du 17 mai avec meetings et manifestations (C.G.T. , C.ED.T. , F.E.N.) à Sorgues et Avignon(13). Déjà, à la C.G.T. , certains remarquent une évolution : «Il n'échappe pas à l'attention des travailleurs ni à celle du patronat et du gouvernement que les luttes actuelles revêtent un caractère nouveau. » (14)

En 1967, la stratégie de ces organisations s'intensifie (des journées nationales d'action (15) avec 24h de grève, auxquelles s'associent parfois F.O. ou la F.E.N...) Ainsi, le premier février 1967, plusieurs milliers de personnes sont réunies par la C.G.T., la C.F.D.T. et la F.E.N., en Avignon, contre De Gaulle, le gouvernement, et pour les 40 heures; un meeting a également lieu à Sorgues (16). L'inauguration de la Bourse du Travail de Sorgues, le premier mai 1967, est pour certains le symbole d'un renouveau syndical : «Depuis bien longtemps, Sorgues n'avait pas connu un premier mai aussi imposant.»(17). Le 17 mai mobilise les travailleurs contre les pleins pouvoirs que le Parlement s'apprête à confier au gouvernement et toujours pour la sauvegarde de la Sécurité Sociale. 5 000 personnes manifestent en Avignon à l'appel de la C.G.T., de la C.F.D.T., du M.O.D.E.E de l'U.N.E.E et de la F.E.N.. Des militants de F.O., des élus et représentants du P.C.F. et de la S.F.I.O. sont également présents(18). Henri Bouilhaud Duvernet, ouvrier à la Poudrerie de Sorgues et Secrétaire de l'U.D. C.G.T., déclare : «Les travailleurs savent que rien ne s'obtient sans lutte et défilé. Le 17 mai, ils ont exprimé avec puissance, leur opposition aux pleins pouvoirs et fait la démonstration qu'ils entendent défendre leur Sécurité Sociale. C'est la bonne méthode pour faire reculer le pouvoir et combattre le grand patronat, son allié. » (19).

Pour cette confédération, les grandes journées de luttes semblent être la solution pour faire fléchir le gouvernement. Si ces grèves bien organisées, bien préparées, bien encadrées, sont suivies dans toute la France, elles ne caractérisent pas vraiment la montée du mouvement social de 1967. Au contraire, des grèves sauvages éclatent dans des usines de province pour les salaires, les conditions de travail ou la défense de l'emploi, et sont souvent conduites par de jeunes ouvriers inorganisés. Elles sont remarquables de part leur puissance et leurs formes : occupation des usines de Rhodiaceta à Besançon, grèves de 2 mois aux chantiers de l'Atlantique à Saint-Nazaire, avec solidarité de toute la ville, grèves sauvages, puis, à partir de 68, remarquables aussi par leur violence (affrontements avec les forces de l'ordre), comme en janvier à Caen (grève de la SAviEm). (20)

La population était informée de ces "événements" par les médias mais aussi par l'intermédiaire des syndicats : les grévistes de Saint-Nazaire organisent ainsi un véritable "tour de France" afin de développer la solidarité. En avril 1967, cinquante "métallos" nazairiens arrivent à Sorgues et Avignon : les municipalités des deux villes prennent en charge leur séjour, les syndicats C.G.T., C.F.D.T., F.E.N. et F.O. les accueillent et organisent des collectes au sein des entreprises de l'agglomération (au total plus de 1 500 000 anciens francs sont récoltés). (21)

Le contact est passé, les ouvriers grévistes ont montré que les mouvements sociaux existent toujours, et se radicalisent. L'année 1968 marque, elle, l'irruption sur la scène politique et sociale française d'une nouvelle partie de la population : les étudiants. Depuis quelques années, en effet, le milieu universitaire est sujet à une contestation grandissante, très efficace et de plus en plus politisée;  guerre du Vietnam et plan Fouchet (22) y contribuent.

Des doctrines politiques et mouvements de pensées nouveaux (maoïsme, situationnisme) ou plus anciens (trotskisme, anarchisme) rencontrent un large écho auprès des étudiants. L'U.E.C. (Union des Étudiants Communistes), proche du P.C.F., est complètement dépassée par cette situation;  de nouvelles organisations de jeunesses ont, elles, le vent en poupe (23) et s'affrontent localement pour le contrôle des syndicats de l'U.N.E.F.. Un anti-capitalisme virulent mais aussi une acerbe critique des "sociétés bureaucratiques" (les régimes communistes des pays de l'Est) peuvent caractériser certains de ces mouvements. En Avignon existe un petit établissement universitaire comprenant un Collège Scientifique Universitaire (C.S.U.) mais surtout un Collège Littéraire Universitaire (C.L.U.); les étudiants de la "fac de lettres" sont par nature plus enclins à la politisation que leurs homologues scientifiques. L'U.G.E.A. (Union Générale des Étudiants Avignonnais), adhérente à l'U.N.E.F., est présidée depuis 1966 par Jean-Pierre Saltarelli; l'influence du Comité de Liaison des Étudiants Révolutionnaires (branche étudiante de l'O.C.I. : organisation trotskiste de tendance lambertiste (24)) y est importante, même si les militants sont rares. Il faut également signaler la présence de quelques étudiants anarchistes, membres du Groupe Libertaire du Vaucluse.

Les étudiants avignonnais de l'U.N.E.F. s'associent, depuis 1967, à chacune des grandes manifestations de salariés; leurs revendications (lutte contre le plan Fouchet et contre l'Université de classe) se mêlent à celles des ouvriers et des enseignants. Le 1er mai 1968, défilés et meetings ont lieu à Avignon comme à Sorgues, les étudiants sont présents aux côtés des travailleurs. (25)

Solidarité et mobilisation...

Le mouvement étudiant

Les événements de 68 débutent avec la montée en puissance du mouvement étudiant, mais aussi et surtout par sa violente répression. Le mois d'avril 1968 voit se multiplier, dans les établissements parisiens, les actions de contestation organisées par des groupes d'extrême-gauche - notamment par le Mouvement du 22 mars (26) à Nanterre - et des ripostes de groupes d'extrême-droite. Le 2 mai, le doyen Grappin, le Ministre de l'Education nationale et le Recteur de l'Académie de Paris décident de fermer provisoirement l'Université de Nanterre et de convoquer en conseil de discipline huit étudiants désignés comme "meneurs" (l'un d'entre eux est Daniel Cohn-Bendit). Pour dénoncer cette répression, l'U.N.E.F. et le Mouvement du 22 mars appellent à un rassemblement le lendemain dans la cour de la Sorbonne ! Le vendredi, le meeting a bien lieu et rassemble près de 400 étudiants de diverses organisations (ce qui est peu) ; la situation est très tendue car l'on craint l'attaque d'un commando d'extrême-droite. C'est à ce moment que le Recteur demande l'évacuation de la Sorbonne par les forces de l'ordre ! Policiers et gardes mobiles, pénétrant dans l'établissement, promettent aux étudiants de les laisser sortir librement, ceux-ci décident de ne pas opposer de résistance. En fait, les jeunes militants sont aussitôt embarqués dans des fourgons cellulaires ! Spontanément (27), les étudiants du quartier Latin se rassemblent pour soutenir leurs camarades, la police tente alors de les disperser et les premiers affrontements éclatent, des bagarres ont lieu une partie de la nuit. L'U.N.E.F., pour protester contre cette violente répression, appelle alors à une grève nationale et illimitée pour le lundi 6 mai (date à laquelle les huit étudiants passent en conseil de discipline). Le S.N.E.Sup., par l'action de son secrétaire Alain Geismar, lance lui aussi un mot d'ordre de grève générale, sans dépôt de préavis légal. Evénements certes parisiens, mais retransmis, parfois en direct, par l'O.R.T.E et surtout par la radio, moyen par lequel la plupart des habitants de la région sont informés de l'étincelle de la Sorbonne.

Le soir même, un premier tract fraîchement rédigé par un mystérieux "Comité avignonnais de soutien aux étudiants révolutionnaires" circule dans Avignon et appelle à la solidarité (comité, semble-t-il, constitué d'étudiants anarchistes) (28). La réaction avignonnaise aux événements parisiens n'est donc pas, comme on pourrait l'imaginer, décalée, en retard ou "à la remorque" des autres universités. Alors que, durant le week-end, les forces de l'ordre se déploient massivement au Quartier Latin, et que nombre d'étudiants sont rapidement jugés et condamnés, l'actualité de l'agglomération avignonnaise est marquée par la Marche pour la Paix organisée par le Mouvement contre l'Armement Atomique (M.C.A.A.) entre Sorgues et Avignon (29).

Pourtant, dans quelques appartements de la région, des groupes de militants trotskistes ou anarchistes débattent et préparent la journée de lundi. Leurs buts sont clairs, lancer la grève universitaire sur Avignon et développer la solidarité de la population envers les étudiants (30). Le soir, des inscriptions, appelant à la grève générale, sont peintes sur quelques murs de l'agglomération. Dès le lundi matin, des piquets de grève sont mis en place et une assemblée générale (A.G.) d'étudiants décide de la grève, ils ne sont alors que 35 (31). L'action est avant tout décidée en solidarité avec les étudiants parisiens (bien que la contestation du plan Fouchet soit dans tous les esprits) ; les violences policières ont joué un grand rôle dans cette mobilisation, mais aussi l'occupation de la Sorbonne par la police (32). Un tract des étudiants et lycéens anarchistes place cette grève dans un cadre plus vaste, celui de la contestation du système universitaire, de la société : «L'Université étant le lieu où l'on parle le plus de liberté, il est temps de lutter pour que celle-ci devienne effective.»(33). Les étudiants appellent à une manifestation le 7 mai, ils espèrent ainsi développer la solidarité vers d'autres couches de la population : «Appel à tous les étudiants du C.L. U. du C.S. U. aux lycéens et lycéennes aux normaliens, aux jeunes travailleurs et ouvriers d'Avignon.» (34)

Quelles que soient leurs positions, les étudiants les plus politisés prennent en main la situation, même s'ils ne sont qu'une poignée; un comité de grève se forme, un bureau est élu, l'influence de l'U.G.E.A. y est évidente. Les étudiants communistes, dont l'audience est trop faible, préfèrent ne pas s'attarder au C.L.U. (35). Les militants trotskistes de la F.E.R. n'ont pourtant pas le champ libre car des jeunes du groupe anarchiste vauclusien arrivent. Bien que pour la plupart extérieurs au collège, comme par exemple Gérard Gélas alors étudiant en philosophie à Aix-en-Provence, ils s'opposent à l'organisation très structurée que tentent de mettre en place les trotskistes ; prônant la souveraineté des assemblées générales, ils rencontrent une forte audience. Le conflit est alors ouvert entre les deux tendances (36).

Le mouvement étudiant ne laisse bien sûr pas indifférentes les confédérations syndicales ouvrières, même au niveau local. Ainsi, dès le 5 mai, l'U.D. C.G.T. de Vaucluse adresse un communiqué aux journaux. Le ton y est assez paternaliste, et les conseils de prudence multiples :

«Tout d'abord nous condamnons l'action de ces groupuscules de Nanterre qui ressemble fort à une provocation organisée en vue de permettre et justifier la répression en direction des étudiants qui réclament la démonstration de l'enseignement. (...) Toutefois nous mettons en garde les étudiants en général qui, de par leur caractère jeune et impulsif, risquent de se laisser entraîner dans une action spontanée et hasardeuse ne servant en définitive que ces provocateurs qui s'attaquent à la classe ouvrière en injuriant la C.G.T. » (37)

Les responsables locaux de la C.G.T. reprennent ici les arguments avancés par leur direction confédérale, mais aussi par le Parti Communiste (38), et par lesquels il cherchent à démontrer que les "groupes gauchistes" sont les alliés de la bourgeoisie et donc des forces de répression ( ! ). Dans la semaine, manifestations et meetings étudiants se succèdent en Avignon, mais seuls les lycéens, les enseignants et quelques jeunes travailleurs semblent alors les soutenir. À Sorgues, les J.C. ne modifient pas leurs activités et, le 9 mai, consacrent une soirée à la guerre du Vietnam (39), alors qu'au C.L.U. un meeting est organisé par les étudiants puis est suivi d'une manifestation. Mais la situation va rapidement évoluer.

Vers la mobilisation ouvrière

La nuit du 10 au 11 mai est un des tournants de la crise. À Paris, à la suite d'un rassemblement au Quartier Latin, des affrontements éclatent entre étudiants et C.R.S.; des voitures brûlent et des barricades se construisent un peu partout. Finalement l'Etat reste maître de la situation, de la rue, mais en utilisant des méthodes d'une rare violence :
«pour l'opinion, les forces de l'ordre ont été d'une brutalité inouïe. Les récits de violences gratuites exercées par les policiers commencent à remplir les ondes et les colonnes des quotidiens. Matraquages à terre, acharnement sur des blessés, passages à tabac dans les cars, jeunes filles ou passants roués de coups, tous ces excès viennent enrichir le livre noir de la police en Mai 1968». (40)
La réprobation est générale ; dans toute la France, quelles que soient les positions jusqu'alors tenues, la solidarité devient un réflexe. Les directions de la C.G.T., de la C.F.D.T., de la F.E.N. et du S.N.E. Sup. se rencontrent à la Bourse du Travail de Paris. La journée de solidarité qui avait été envisagée pour le mardi 14 est avancée au 13, et un mot d'ordre de grève générale est lancé, on ne peut en effet attendre devant la gravité des événements et l'émoi de la population. La C.G.T., bien que toujours méfiante, doit oublier un instant son animosité envers une frange des étudiants (41). F.O. lance à son tour, mais en solitaire, un mot d'ordre de grève générale pour le 13. Localement, la solidarité avec les étudiants, jusqu'alors timide, s'exprime ouvertement, notamment dans l'enseignement. La Préfecture reçoit ainsi, le samedi matin, plusieurs délégations dont celle du P.C.F. conduite par Fernand Marin, député maire de Sorgues et secrétaire fédéral de ce parti (il dépose une motion, condamnant la violente répression dont ont été victimes les étudiants)(42).

Dans la journée une réunion intersyndicale U.N.E.F. , S.N.E. Sup., F.E.N., C.G.T., C.F.D.T. a lieu en Avignon, pour décider de la forme que doit prendre cette solidarité naissante (43) : une manifestation, conformément à l'appel des bureaux parisiens, est prévue le 13 mai à 17 h dans la ville. Rapidement les syndicats locaux et ceux des entreprises sont informés, rédigent des tracts et informent à leur tour.
Le tract intersyndical (44) d'appel à la grève générale invite les Vauclusiens à «manifester leur solidarité avec les étudiants face à la répression» et, énonçant les objectifs de la journée, reprend les trois préalables étudiants : «pour mettre fin à la répression, pour la libération des emprisonnés, pour la réouverture des facultés», et ajoute «pour les libertés syndicales et la démocratie». Il est également annoncé qu' «étudiants et travailleurs au coude à coude relèveront le défi du pouvoir». L'appui apporté aux étudiants s'accompagne donc très nettement d'une critique du régime gaulliste.
La manifestation reçoit durant le week-end divers soutiens locaux comme celui de la XXIème conférence fédérale du P.C.F., de la fédération du P.S.U., du Conseil départemental des parents d'élèves (Fédération Cornec) ou de Jean Garcin, Vice-Président (socialiste) du Conseil général.(45)

La journée du 13 mai

Le lundi 13 au matin, le pays se bloque, c'est la grève générale. D'après La Marseillaise du 15, la journée de mobilisation aurait été suivie dans le département par 75 à 80 % des travailleurs ; dans les services publics paralysés se trouvent de forts taux de grévistes, notamment chez les employés municipaux d'Avignon et de Sorgues ; dans la matinée, des coupures d'électricité sont constatées. Les importantes entreprises de Sorgues et du Pontet sont pour la plupart touchées par la grève : aux établissements E.R.O., 80% des ouvriers auraient cessé le cessé le travail, 75% à l'Électro-Réfractaire (ainsi que deux agents de maîtrise), 85% à la Rochette-Cempa, 95% à la Gauloise, 80% à la S.I.T.P.A., et près de 80 % au port du Pontet... À 10 h, les représentants de tous les syndicats de la zone industrielle se réunissent à la mairie de Sorgues, siège de l'Union Locale Sorgues-Le Pontet, afin de faire le point (46). Dans l'après-midi, nombre d'ouvriers de ces usines sont présents en Avignon afin de participer à la manifestation intersyndicale. Celle-ci se déroule dans le calme et la discipline (les responsables de la C.G.T. et du P.C.F. veillant même à ce que des drapeaux, rouges ou noirs, ou le chant de l'Internationale ne perturbent ou n'effraient personne... au grand regret des cheminots et des étudiants (47), on y retrouve militants et responsables de la C.G.T., C.ED.T., F.E.N., du S.N.I. de l'U.N.E.E, du S.N.E. Sup. et du M.O.D.E.E, des militants de E0., des représentants et élus du P.C., de la F.G.D.S. et de diverses associations. La gauche sous toutes ses formes et dans toutes ses tendances est réunie. À la fin du rassemblement, une résolution est adoptée et déposée à la Préfecture.

«Notre grève et notre manifestation démontrent la solidarité profonde des enseignants et de tous les travailleurs devant la répression. Nous exigeons l'amnistie des manifestants condamnés et la renonciation à toute poursuite judiciaire, administrative ou universitaire. Nous exigeons les libertés syndicales et politiques et l'aboutissement de nos aspirations communes : - Réforme démocratique de l'enseignement au service des travailleurs. - Plein emploi. - Transformation du système économique par et pour le peuple. »(48)

Cette gauche multiforme, réunie au départ pour exprimer sa solidarité envers les étudiants confrontés à la répression policière, profite de cette occasion pour s'exprimer, tout simplement, peut-être pour se prouver à elle-même qu'elle existe. Le pouvoir qui a matraqué les étudiants, et le pouvoir qu'ils combattent depuis dix ans est le même. Par delà les divisions, la répression des étudiants a presque obligé les forces de gauche à se retrouver, et à retrouver leur combativité, pour cette journée de grève générale. Et ensuite ? Claude Mesliand, responsable du S.N.E. Sup., clôt ainsi le rassemblement : «Nous venons de faire la démonstration que tous ensemble, au coude à coude, nous avons été capables d'organiser une grande journée pour la défense et l'avenir de notre Université et de notre jeunesse. Notre union ne devrait pas être sans lendemain. » (49)

À Paris, le Premier ministre Pompidou recherche l'apaisement en promettant la libération des étudiants emprisonnée (50) et, dans la matinée du 13, en faisant évacuer la Sorbonne. Mais il est trop tard, le mouvement ne veut plus s'arrêter ; le vieux bâtiment est immédiatement occupé par les étudiants qui s'organisent, s'installent (51), rien ne se règle dans le monde universitaire.

Si le mouvement étudiant, à Paris comme en Province, ne faiblit pas mais au contraire s'amplifie, nombre de grévistes doivent se résigner à reprendre le travail après la journée exceptionnelle du 13 mai. Mais, peut-être ne sont-ce que les organisations (syndicales et politiques) qui ont vraiment renoncé et décidé cette reprise ; il est possible que cette envie de continuer, d'aller plus loin, existe réellement dans la population, mais qu'elle n'ose ou ne peut s'exprimer, du moins pour l'instant...

Vers la grève généralisée

Premiers débrayages

Dès le 14 mai, près de Nantes, aux usines Sud-Aviation, les ouvriers votent la grève, occupent l'établissement et séquestrent le patron ; un comité de grève est élu, les syndicats sont débordés. La veille, à Nantes, ouvriers et étudiants avaient manifesté ensemble avec un mot d'ordre de grève illimitée. Le lendemain, à l'usine Renault de Cléon, les ouvriers, en apprenant la nouvelle, votent la grève illimitée avec occupation. La grève se propage alors à l'ensemble du secteur Renault. Les syndicats sont surpris par l'ampleur que prend le mouvement; la C.G.T. réagit et lance au niveau national (le 15) un appel aux travailleurs : pas de strict mot d'ordre mais un appel à l'action (et non pas à la grève générale) laissant une grande liberté (52). Là où la grève s'annonce, la confédération peut se montrer en tête, reprendre l'initiative. La Fédération des cheminots lance ainsi le mouvement à la S.N.C.F.. Le vendredi 17, les premiers dépôts parisiens débrayent, grève illégale car sans préavis (53).

La Fédération C.G.T. d'Avignon est avertie et rédige un tract à l'adresse des cheminots "Ensemble, organisons la lutte devenue maintenant indispensable"(54).

À aucun moment le texte n'appelle au débrayage, mais le message est clair. À 18 h, les cheminots d'Avignon réunis au Club, route de Marseille, votent la grève illimitée avec occupation ; elle est presque aussitôt effective. La grève des cheminots avignonnais, dont l'initiative revient à la C.G.T., est aussi et surtout la première grève du Vaucluse; c'est l'irruption de la vague de grèves qui est née le 14 près de Nantes. L'ensemble des événements qui vont alors se dérouler en découle. Il est probable que les cheminots des gares de Sorgues et du Pontet sont entrés en grève dans les jours suivants comme ceux d'Orange ou de Cavaillon (55).

Durant le week-end, les syndicats de la C.G.T. de Vaucluse (de loin la confédération la plus puissante) multiplient tracts et initiatives dans divers secteurs (P.T.T., Centre Psychothérapique de Montfavet, usine de l'Électro-Réfractaire...). Il ne s'agit pas de lancer un mouvement, mais bien de l'accompagner, le guider (le maîtriser ?), car l'envie de débrayer est évidente (56). Avec ou sans les syndicats, la grève tend à se généraliser, avec rapidité, dans toute la France.

La C.F.D.T. semble localement suivre le mouvement mais ses communications avec Paris sont presque inexistantes... ( ! )

Quant à FO., l'activité de ses militants se trouve freinée par la position de Jean Bouvet (Secrétaire fédéral) qui s'oppose aux actions intersyndicales et à tout ce qui pourrait ressembler à de la politisation. Le samedi, les premiers débrayages ont lieu en Avignon dans les P.T.T. (syndiqués C.G.T. puis F.O.) (57) tandis que la contestation gronde dans les grands magasins et chez Berton et Sicard.

Extension de la grève

«Le lundi 20, propagée par les flashes que diffusent les postes de radio, avec une rapidité bien plus grande qu'en 1936, la grève est devenue presque générale sans qu'aucune confédération syndicale en ait pris ouvertement l'initiative.»(58)

En Vaucluse, la grève prend une grande ampleur en se propageant aux établissements industriels des villes de Sorgues et du Pontet. La mobilisation des ouvriers de cette zone était prévisible, certains la craignaient ; la veille, le service d'ordre de la Poudrerie nationale avait même été renforcé.(59)

L'Électro 

L'usine de l'Électro-Réfractaire (60), où la C.G.T. (seul syndicat présent dans l'entreprise) a distribué un tract appelant à se préparer à l'action (61), est la première touchée.

Plus de 1300 employés y travaillent, dont beaucoup de jeunes, très motivés par l'idée de débrayer (62). À 12 h (63), les ouvriers rassemblés en A.G. dans leurs vestiaires respectifs, votent à une très grande majorité la grève illimitée avec occupation de l'usine (64). Ils s'organisent (les cadres n'ont pas voté) et ferment rapidement les portes et grilles d'entrée. Les agents de maîtrise, quant à eux, votent une grève de soutien de 24 h pour le lendemain (65). Le directeur de l'établissement ne s'attendait vraiment pas à cela ; les ouvriers ont, en effet, conduit durant les années 1966 et surtout 1967 de longues et difficiles grèves qui aboutirent, début 1968, par l'acceptation de presque toutes les revendications par la direction (66). Le mouvement de «l'Électro» est donc avant tout spontané, et conséquence de l'effet de «raz de marée» (67) des grèves qui se développent dans toute la France. Un cahier de (nouvelles) revendications (hausses des salaires, mensualisation, abrogation des ordonnances...) est pourtant rédigé et porté à la direction. Un drapeau rouge et un drapeau tricolore sont alors hissés sur la grille d'entrée (68). L'occupation implique une certaine organisation, les ouvriers se répartissent les tâches : installation de dortoirs et cantines, cours d'économie (pour occuper également les esprits), rondes «militaires» toutes les deux heures pour surveiller les 17 hectares de l'usine, équipes de maintenance, mais aussi équipe «commerciale», composée de femmes parlant plusieurs langues, et expliquant aux clients (allemands, américains...) pourquoi ils ne seraient pas livrés. Les équipes de surveillance se multiplient par la suite après la découverte de plusieurs tentatives de sabotage (69).

Les usines voisines intègrent pour la plupart le mouvement dans la journée de lundi, mais avec un peu moins de précipitation et de fougue que l'«Électro». Le débrayage se fait alors par étapes.

Les autres usines 

Les ouvriers de la Rochette-Cempa (Alfa), ainsi que de nombreux cadres et employés, votent la grève illimitée à partir de mardi (4h du matin). Les ouvrières de la S.I.T.P.A. font de même le lendemain (vote à bulletin secret dans chaque poste) (70) et occupent les bâtiments (71). À l'usine de l'Oseraie Saint Gobain-Pechiney, une grève de 24h est décidée pour mardi (avec dépôt d'un cahier de revendications), puis reprend le vendredi 24 pour une durée illimitée (72). La direction a dès le départ organisé (avec l'accord des syndicats) un vote à bulletin secret (avec la participation des cadres et employés) qui a mis en minorité les grévistes. Mais, par l'action de quelques militants syndicalistes et anarchistes déterminés, les ouvriers passent outre, et décident la grève illimitée (73). Cela explique l'arrêt puis la reprise du débrayage avec deux jours d'intervalle.

La Poudrerie nationale est également touchée, les ouvriers, à l'appel des syndicats C.G.T., C.F.D.T. et E0. (74), votent la grève pour le mercredi 22; puis le vendredi 24, les ouvriers ainsi que des employés, des techniciens et quelques ingénieurs (une partie de l'encadrement étant personnel militaire ne participe pas aux événements) décident d'un nouveau débrayage (75). Certains souhaitent alors occuper les bâtiments, les responsables syndicaux leur font entendre raison : ce type d'action est impossible car l'usine dépend du Ministère de la Défense (76).

Le mardi 21, les ouvriers de La Gauloise votent (à 4h du matin) une grève de 24 h, puis, (à 10h) rassemblés à la mairie de Sorgues, votent à bulletins secrets la grève illimitée; dans la journée, ils sont rejoints par les établissements Héraud (E.R.O. ) de Sorgues et, partiellement, par les ouvriers de Liebig au Pontet (en grève par l'initiative de jeunes principalement). (77)

Progressivement, la proximité aidant, les entreprises se sont toutes plongées, souvent par étapes et votes successifs, dans la grève illimitée.

L'encadrement en est parfois acteur, les jeunes ouvriers fréquemment. La zone industrielle de Sorgues-Le Pontet est entièrement paralysée; dans son port, les péniches attendent "sous les bras immobiles des grues", avant de s'aligner sur les berges du Rhône(78). Le lundi 20 voit aussi l'entrée en grève illimitée des employés municipaux de Sorgues (majoritairement syndiqués à la C.G.T.) dans la matinée à partir de 7 h 30; entrée progressive : tout d'abord le personnel des bennes, puis l'ensemble du personnel technique et enfin le personnel de bureau. Ateliers et bureaux de la mairie sont occupés. Dans la journée, ce sont les employés E.D.F./G.D.F. qui, à l'unanimité, débrayent et occupent les divers bâtiments de l'agglomération avignonnaise; tous les syndicats y participent (C.G.T., C.F.D.T., F.O., C.F.T.C. et G.N.C.). Le comité de grève décide que des coupures intermittentes de courant (de 10mn) seront réalisées (79); certains auraient préconisé une coupure totale (80), mais les syndicats veillent (81).

L'éducation en ébullition 

C'est du monde de l'éducation qu'est né le mouvement de grève, par l'action des étudiants rapidement rejoints par les enseignants du supérieur (le 5 mai). Ceux du primaire et du secondaire participent à la journée du 13 mai. C'est le 20 que la F.E.N., le S.N.I., le S.G.E.N., ainsi que les syndicats d'agents techniques, lancent un mot d'ordre de grève illimitée à partir du mercredi 22. Ce jour là, à 10h, à Sorgues (à l'appel de la F.E.N.) se tient une assemblée intercommunale rassemblant des enseignants, agents, et surveillants des établissements scolaires du primaire et du secondaire des communes de Sorgues, Bédarrides, Vedène, Courthézon, et Châteauneuf-du-Pape (plus d'une centaine de personnes). Le point y est fait sur le mouvement de grève : à Sorgues, seuls quatre enseignants auraient pris le travail (trois instituteurs de l'école des garçons et un seul des 35 professeurs du C.E.S. Voltaire). Aucun élève ne semble s'être présenté dans les écoles. Un comité de coordination intercommunal est créé (un représentant par école ou collège).(82)

Un événement surprenant mérite d'être rapporté : lorsque la grève débute au C.E.G. Louis-Pasteur du Pontet, un groupe d'ouvriers de l'usine de l'Électro-Réfractaire se rend sur place. «Ils étaient venus nous reprocher de nous être mis en grève, et donc, à ce titre-là, d'empêcher les travailleurs de faire grève, parce que leurs enfants n'étaient pas gardés ! ». Les enseignants, qui se font «traiter de bourgeois» car ils portent des cravates, ont quelques difficultés pour expliquer aux ouvriers en colère que leur lutte est la même." (83) La volonté des enseignants du primaire et du secondaire de se joindre à leurs homologues du supérieur, aux étudiants et aux travailleurs en grève était alors évidente :
«C'était vraiment une volonté de tous. (...) Des gens qui, avant, quand on faisait grève, rouspétaient, traînaient des pieds, là, ont adhéré systématiquement. (...) Là, on n'a pas eu besoin de convaincre, parce qu'il y a eu adhésion complète. »(84)

Nouvelles vagues de débrayages

Si cette volonté de rejoindre le mouvement grandissant des grèves existe chez de nombreuses personnes, sa réalisation est parfois plus difficile à mettre en oeuvre, notamment dans des entreprises où la tradition syndicale est absente : craintes pour l'avenir, peur de se porter en avant, de se montrer, pressions de la direction ou de l'encadrement... Aussi, les premiers comités de grèves constitués, qui disposent en général de beaucoup d'hommes devenus inactifs, forment-ils des groupes de militants chargés d'aller aux portes d'autres usines pour aider et convaincre les autres travailleurs. Le long de la R.N. 7, entre Sorgues et le Pontet, les jeunes ouvriers de l'«Électro», les premiers à voter la grève illimitée, circulent en nombre d'usine en usine, propagent l'idée de grève (85), aident les moins expérimentés à s'organiser (86) ; quelques ouvriers anarchistes, d'origine espagnole, font également passer le message. (87)

Le 23, l'U.L. C.G.T. de Sorgues-Le Pontet appelle les travailleurs à distribuer des tracts et à renforcer la grève, et notamment «auprès des P.M.E. qui n'ont pas rejoint le mouvement». (88) Il s'agit réellement de la mobilisation de toutes les personnes, de toutes les énergies disponibles, d'émulation collective, dans une sorte de course au débrayage auquel tout le monde souhaite contribuer. Il en est ainsi pour les J.C. de Vaucluse, dont les membres se rendent aux portes des entreprises pour débattre avec les salariés. Le comité de grève étudiants-professeurs du C.L.U. édite et distribue, dès le 17 mai, un tract appelant à la grève générale :
«Il faut décréter partout la grève générale illimitée avec occupation des usines, jusqu'à satisfaction complète des légitimes revendications des travailleurs et des étudiants ! Partout, pour assurer le succès de la Grève Générale, il faut construire des COMITÉS DE GRÈVE élus par l'Assemblée
Générale de tous les travailleurs, syndiqués et non-syndiqués.»
Un tract intersyndical vauclusien (C.G.T., C.F.D.T., F.E.N., S.N.I., C.G.C. et U.N.E.F.), de la même période (89), se montre plus prudent dans son vocabulaire, et donc dans ses intentions :
«Les organisations syndicales appellent en commun tous les travailleurs du département à faire preuve d'esprit de responsabilité et de hardiesse et à prendre immédiatement toutes les mesures de nature à élever les conditions de la lutte.»
La plus grande liberté d'initiative est donc accordée par les syndicats à leurs membres pour développer la grève. Les grévistes de l'E.D.E n'hésitent pas, par exemple, si la direction d'une entreprise résiste et s'oppose à une tentative de débrayage, à la priver de toute électricité. Jusqu'à ce que les salariés puissent s'organiser.(90)
L'ampleur du mouvement est tel que la contagion s'accélère ; la fièvre de la grève qui a touché les entreprises majeures de la zone (grâce aux informations, à l'action de militants...) se transmet ensuite à d'autres établissements de taille plus modeste, et ce, dans des secteurs d'activité très variés : «Pourquoi pas nous ?»(91)
Le 22, les quinze ouvriers de l'entreprise de chaudronnerie Giraud de Sorgues débrayent, ainsi que les quinze chauffeurs de la société routière Colas, les employés des abattoirs du Pontet et les ouvriers et contremaîtres de l'entreprise de maçonnerie Louis Blanc (92)... Le 24, la grève est décidée par les vingt employés de Danone et les quinze du Garage Unie au Pontet ; déclenchement de grève également aux Matériaux Éclair de Sorgues (fabrique d'éléments de béton). (93) Les débrayages s'étalent encore sur plusieurs jours : le 27, grève aux établissements Philibert (électricité) à Sorgues, Sopreco (fruits confits) et Safor (air liquide) au Pontet, ainsi qu'au Centre de Formation Professionnelle(94); ce jour-là, la Marseillaise publie un appel de l'U.L. C.G.T. :
«Les travailleurs des entreprises du bâtiment et travaux publics réunis dimanche matin, la mairie de Sorgues et l'U.L. des syndicats C.G.T. de Sorgues-Le Pontet appellent tous les ouvriers et contremaîtres de tous les chantiers de la région à arrêter le travail dès ce lundi matin, à l'exemple des entreprises Blanc de Sorgues et Martin de Vedène, et à venir se rassembler à la Bourse du Travail, en mairie de Sorgues. Ceci est indispensable s'ils veulent être partie prenante au grand mouvement revendicatif et de progrès social (...) »
Le 28, la grève atteint les établissements Michel Frères à Sorgues (engrais ; filiale d'Agricola de Réalpanier); puis le 30, et toujours sur la même commune, Ridolfi (travaux publics), et Jouve (menuiserie ; quartier de la Croix Verte) (95). Deux autres entreprises sont touchées durant cette période (96) : Pampryl au Pontet et le chantier de Sorgues de l'entreprise marseillaise Devriès (isolation). Les syndicats se trouvent donc submergés : «On n'était pas préparé, les uns et les autres, à un tel déferlement, c'est comme une pluie d'orage ou une inondation. (...) C'était difficile de faire face partout» (97) ; «les responsables pouvaient difficilement suivre». (98) De plus, la grève atteignant des secteurs ou des entreprises sans tradition syndicale et donc parfois sans syndicat, les grévistes qui souhaitent s'organiser et se défendre, appellent à l'aide les U.D. pour créer des sections.

L'U.D. C.G.T. réagit et crée une permanence renforcée à la Bourse du Travail pour coordonner ses actions (99) et «se mettre à la disposition des travailleurs encore inorganisés pour les aider». (100) Le second point stratégique du dispositif de la C.G.T. est la mairie de Sorgues, siège de l'U.L. Sorgues-Le Pontet, bâtiment presque «occupé» (101) par les grévistes. Outre de multiples adhésions(102) dans des secteurs où les syndicats existent déjà, des sections sont créées de toutes pièces dans certaines entreprises : à Liebig (30 syndiqués), Danone et Chambourcy (25 cartes), et Sopreco sur la commune du Pontet ; aux Matériaux Éclair à Sorgues (103). Le 22, c'est la création d'une Fédération départementale du bâtiment qui est décidée, car 65 ouvriers de dix entreprises différentes ont adhéré à la C.G.T.(104); le 1er juin, création d'un syndicat du B.T.P. à Sorgues. (105)

L'U.D. C.G.T. tente de canaliser cet enthousiasme débordant. «On ne doit pas les envoyer au casse-pipe non plus ! Parce que c'est bien joli d'établir une organisation syndicale dans une entreprise, surtout des petites, mais en face il ne faut pas oublier que le patron, il ne se laissera pas faire... Il faut structurer, ne pas laisser les gens agir n'importe comment. »(106)
Ce sont au moins douze entreprises du Pontet et onze de Sorgues qui ont été atteintes par le mouvement de grève. Les débrayages semblent s'étendre par vagues successives, conséquence des mots d'ordre des syndicats d'industrie (les entreprises du B.T.P. et des transports routiers débrayent pratiquement toutes le même jour). C'est l'ensemble du tissu industriel qui est atteint, dans toute sa diversité, d'une usine de haute technologie de plus d'un millier d'ouvriers (l'«Électro») à une fabrique de yaourts de 20 employés. (107)

Par contre, si des piquets de grève sont présents aux portes des établissements, l'occupation concrète des usines ne semble pas avoir pris une grande ampleur. Seules cinq occupations d'entreprises (sur 23 touchées) semblent avoir été réalisées dans les deux communes (108) : l'usine de l'Électro-Réfractaire (Le Pontet), l'usine Liebig (Le Pontet), l'usine S.I.T.P.A. (Le Pontet) (109), l'usine de l'Oseraie de Péchiney/St Gobain (Le Pontet) (110) et l'usine Michel Frères (filiale d'Agricola à Sorgues). (111)

Peu d'informations existent sur ces occupations qui ne semblent d'ailleurs pas avoir eu un grand impact durant mai-juin, sauf en ce qui concerne l'«Électro», la plus grosse entreprise du Vaucluse.

L'U.D. C.G.T., un peu surprise au départ, semble prendre les choses en mains (112), et c'est finalement dans le calme et l'ordre que se déroulent les événements : «Cette formidable levée en masse du monde du travail s'effectue avec une maîtrise et un sang-froid qui coupent le souffle des pires détracteurs de la classe ouvrière et ajoutent à la sympathie et à la confiance des masses populaires. » (113)

Pour une autre société...

Les revendications

Lorsque, le 20 mai, les ouvriers de l'Électro-Réfractaire décident spontanément la grève illimitée avec occupation de l'usine, ils ne disposent pas de revendications établies ; quelques semaines auparavant, ils avaient, en effet, réussi à faire céder leur direction sur la plupart d'entre elles. Il s'agit d'un cas exceptionnel, "surréaliste"(114) ; pourtant un cahier de revendications nationales et locales (notamment la mensualisation du personnel horaire(115)) est constitué. La rédaction de ces cahiers de revendications (116), souvent initiés par les syndicats, puis complétés ou discutés en A.G., est avant tout le moyen de faire connaître ses volontés à la direction (ainsi qu' à la population ou aux non-grévistes), mais aussi un moyen de prendre (ou de faire prendre) conscience de ses problèmes. Résumées en quelques lignes, détaillées sur plusieurs pages, parfois sous le vocable de motion, ces revendications sont déposées avant (dans ce cas-là les syndicats en sont auteurs) ou après le déclenchement de la grève. Les grands mots d'ordre nationaux sont très souvent présents, et parfois précisés ou adaptés selon les cas :

- Augmentation des salaires, du S.M.I.G. (alors à 355 F) (117), et des retraites, la suppression des abattements de zones (disparité des salaires et avantages sociaux entre Paris et la Province).

- Diminution du temps de travail (40H) et de l'âge de la retraite.

- Garantie d'un travail pour tous (les deux mesures précédentes sont souvent présentées comme une solution au chômage).

- Extension des libertés syndicales.

- Abrogation des ordonnances de 1967 sur la Sécurité Sociale (dites «antisociales»).

S'expriment aussi les revendications locales et propres à chaque entreprise. Le 25 mai, la direction de l'entreprise Danone du Pontet cède aux revendications de ses salariés (qui ont débrayé la veille !) : «7 % d'augmentation de salaire, paiement intégral du salaire en cas de maladie» (118); mais rien n'indique que les ouvriers aient repris le travail...

Dans le monde de l'éducation, remis en cause par ses membres, ces revendications vont prendre une autre forme : les enseignants, étudiants et lycéens se lancent en quête des solutions aux problèmes qu'ils soulèvent ; une véritable fièvre de réflexion pédagogique s'empare d'eux. De nombreuses réunions, discussions, associant enseignants et parents-élèves, se succèdent ; au collège Voltaire de Sorgues, ou Pasteur du Pontet, on évoque et remet alors en question le contenu des programmes scolaires, la notation, le classement des élèves...

Les revendications exposées sont donc multiples. Bien que souvent classiques, elles révèlent un intérêt particulier accordé par les salariés à ceux qui, parmi eux, sont les plus en difficulté : «smigards», chômeurs, jeunes, retraités. Même si les revendications cogestionnaires sont rares, le souhait d'une autre société est bien sensible.

Les listes de revendications que posent les salariés ne sont parfois élaborées que quelques jours après le déclenchement de la grève ; on ne peut donc dire que cette élaboration en est la cause, elle en découle plutôt. C'est le développement des grèves qui permet d'entamer une réflexion, de poser le problème de ces revendications; si le débrayage est plutôt spontané, ce n'est que par la suite que les salariés prennent conscience de ses véritables causes. Les demandes sont alors exprimées, discutées, précisées, écrites, celles d'autres professions ou usines voisines découvertes. Contrairement aux grèves classiques, déclenchées par l'apparition ou l'existence d'une difficulté, c'est ici le mouvement de grèves qui révèle, ou qui pousse les salariés à révéler leurs problèmes. Jusque là acceptée inconsciemment ou avec résignation, l'existence de ces difficultés générait en fait un malaise, un mécontentement général : «Depuis des années, les revendications des travailleurs, reconnues légitimes, sont repoussées. Le mécontentement ainsi accumulé trouve son expression dans le mouvement actuel. Ce mouvement ouvre de larges perspectives pour la satisfaction de leurs revendications. »(120)

La grève semble briser les carcans, les angoisses, et aussitôt la parole se libère... «Quand 68 a explosé, il y a eu d'abord l'occasion de parler, de communiquer, qui a atteint un degré extraordinaire, une prise de parole (...). Des gens qui ne s'étaient jamais exprimés ont pris la parole.» (121)

Cette remarque concerne le milieu de l'enseignement mais peut s'appliquer à une large partie du mouvement de grève de mai-juin. La grève générale semble libérer la parole : A.G., débats, conférences, meetings se succèdent tout au long de cette période. Les responsables syndicaux ont, certes, le beau rôle, lors des grands meetings, mais la base détient la parole dans le reste des cas. Dès le début de la grève, les salariés participent à l'élaboration et à la discussion des cahiers de revendications. Si les militants syndicaux, plus expérimentés, y participent, dans les établissements sans syndicat, la prise de parole doit se faire malgré tout, parfois pour la première fois, pour la première grève :

«68 a été l'occasion pour beaucoup qu'ils existaient de façon autonome. Qu'à la limite ils pouvaient, dans une assistance, prendre la parole et dire un certain nombre de choses, tout simplement, en n'ayant pas peur de mal s'exprimer, de ne pas être reconnu comme quelqu'un qui a quelque chose à apporter. » (122)

Cette liberté d'expression qui semble resurgir, comme après des années de privation, se répand avec la grève dans tous les secteurs, créant une véritable ambiance émancipatrice.

Un monde de solidarité

Si les débrayages sont assez spontanés, parfois enthousiastes, les travailleurs prennent tout de même une décision éminemment grave. Car, et c'est bien évident, l'arrêt du travail signifie l'arrêt de tout salaire ; la grève illimitée y ajoute la plus grande incertitude. Certains espèrent le paiement des jours de grève, mais il ne s'agit au départ que d'un espoir ; les familles se trouvent donc dans une situation délicate. À cela s'ajoute le fait que les banques, l'U.R.S.S.A.F., la C.A.F. et la Sécurité Sociale sont également touchées par le mouvement ; remboursements et pensions sont arrêtés, les retraits impossibles.

Les comités de grève, composés de ces travailleurs en difficulté, ne peuvent que réagir, et s'organisent. C'est alors un véritable élan de solidarité qui naît avec la grève.

Dès le 21, C.G.T. de Sorgues-Le Pontet décide d'en appeler au soutien («moral et matériel») et à la solidarité de la population (par tracts) et des municipalités voisines (par l'envoi de délégations) (123).

Dans les usines, chaque comité organise le ravitaillement des piquets de grève, des ouvriers qui occupent les bâtiments, et de leurs familles. À l'«Électro», une équipe de cuisiniers est formée, alors qu'une autre, munie d'un camion, est chargée journellement de récolter des fruits et légumes auprès des paysans du département (les refus sont, semble-t-il, rares car, au retour, le véhicule est toujours plein). Des paniers sont distribués pour les familles; les jeunes ouvriers, plutôt célibataires, laissent leur part à ceux qui ont des enfants : «on vivait avec un paquet de cigarettes parce qu'on fumait, et on mangeait un morceau de pain, c'était bon... » (124). Les militants politiques abandonnent les débats pour des "«opérations maraîchères»(125). Ainsi, les lycéens des J.C. d'Avignon vont chez des agriculteurs communistes et ramassent des cerises qui sont distribuées aux grévistes des usines (126). Un groupe de cinq anarchistes (ouvriers et étudiants), prévenus par des exilés espagnols, se rendent au M.I.N. de Châteaurenard où des pommes de terre vont être détruites ; ils en repartent avec une remorque emplie de quelques centaines de kilos de tubercules. Le chargement est livré aux grévistes de l'Électro-Réfractaire (les étudiants en profitent pour discuter et distribuer quelques tracts dans l'enceinte de l'usine) (127). Les initiatives se multiplient.

Mais, après quelques jours où seule l'improvisation règne, le besoin de structurer le mouvement de soutien se fait sentir. Il devient en effet nécessaire, de par l'ampleur que prend la grève, de centraliser les dons et les besoins. Durant le week-end du 25, et à l'initiative de l'U.D. C.G.T., les réunions et contacts se succèdent entre les syndicats et aboutissent favorablement, par la constitution d'un Comité départemental de soutien aux grévistes, chargé de coordonner les dons, en espèces ou en nature, et d'en assurer la distribution. C.G.T., C.F.D.T., F.E.N. et F.O. se partagent les postes (128). Les autres organisations associées sont le P.C.F. , la F.G.D.S., l'U.F. (129) ainsi que la F.O.L. (130). Ce comité assure notamment la répartition du fond de solidarité qui se crée à la suite de dons divers, par la distribution de bons payables dans un bureau désigné. Ces bons sont «délivrés sur présentation d'une fiche-enquête, et doivent être signés par un responsable du syndicat ou par une assistante sociale du quartier» (131).

Les syndicats et organisations représentés appellent à la constitution et à la coordination des comités de soutien existant en Vaucluse (132). Le 25 mai, s'est déjà constitué un comité de solidarité à Sorgues, à l'initiative de l'U.L. C.G.T. et de la municipalité communiste (133). Cette dernière, avec à sa tête Fernand Marin, est très clairement en pointe en ce qui concerne la solidarité avec le mouvement de grèves, les hommes et leurs familles, d'un point de vue financier mais aussi pratique. Réuni en séance extraordinaire le samedi 25, le Conseil municipal de la ville vote une aide de 5 000 F (134) avec deux objectifs : assurer un service de repas gratuits pour les enfants de grévistes (6 à 14 ans) et ce à partir du 28 ; mais aussi payer les jours de grève des employés municipaux. La somme qui devait revenir à ces derniers est, à leur demande, versée au comité de solidarité local (135).

Les «municipaux» se consacrent aussi, bénévolement (par décision du comité de grève), à la gestion de cette cantine un peu spéciale, où nombre de produits alimentaires sont en fait des dons de commerçants (136) ou d'agriculteurs. Des bons spéciaux, permettant aux enfants de se restaurer gratuitement, sont délivrés par les comités de grève locaux (137). Les repas sont pris au parc Gérard Philipe et à la cantine des Bécassières; la surveillance et l'encadrement sont effectués par des moniteurs de centres aérés et des enseignants grévistes (138). Ces derniers, conscients qu'il n'était pas possible de garder les enfants inactifs à l'école (ou ailleurs) avaient eux-mêmes, dès le 23 mai, décidé d'animer un centre aéré (139). L'ouverture du même type de cantine gratuite est par la suite décidée par la municipalité de Vedène, le 27 mai(140), puis celle du Pontet, le 1er juin (141).

Une collecte est rapidement organisée, le dimanche 26, dans les rues de la ville et dans les allées du marché ; elle rapporte plus de 1 000 F pour les grévistes, ainsi que de nombreux dons en nature (142).

Des animations sont également organisées, toujours afin de récolter de l'argent mais aussi, il est vrai, pour remonter le moral des militants et des autres. L'U.L. C.G.T., la municipalité, des comités de grève et le comité local de solidarité organisent deux «galas de variétés, avec neuf chanteurs» le 4 juin, dans le parc Gérard Philipe, et le 5 dans la cour de l'Électro-Réfractaire (143).

C'est donc un autre monde qui, progressivement, se crée, un monde de solidarité où chacun, malgré l'adversité, de l'individu à la municipalité, selon ses possibilités, fait «quelque chose» pour les autres. Ce n'est bien sûr pas l'ensemble de la population qui a participé à cet élan, mais le nombre et la diversité des initiatives pourraient presque le laisser croire. Les grévistes font alors preuve (malgré la paralysie du pays et leurs moyens limités) d'une grande maturité et d'une véritable capacité de gestion de la situation, en aidant les plus défavorisés à vivre au quotidien.

Un mouvement détourné... vers le politique.

Vers un gouvernement populaire

Cantonnés, lors du mouvement étudiant, dans un timide soutien (parfois très peu enthousiaste), les partis politiques de gauche (F.G.D.S., P.S.U., P.C.F.) se placent très clairement du côté des travailleurs en grève. Soutien d'un mouvement social revendicatif, mais aussi soutien dans la vaste remise en cause du régime gaulliste qui se met en place.

Le P.C., qui défend son titre de parti de la classe ouvrière, est alors très présent (bien plus que la F.G.D.S. ou le P.S.U.) et s'appuie sur un militantisme de terrain fort développé et bien rodé ; de plus, nombre de militants communistes sont syndiqués à la C.G.T. Le quotidien La Marseillaise est celui qui traite avec le plus de détails des grèves en cours dans les usines de la région.

Si le mouvement de grève exprime un puissant besoin de changement de la société, de la vie quotidienne, il ne peut, pour certains, se traduire que par l'instauration d'un gouvernement de gauche, ou gouvernement populaire : objectif politique, électoral, traditionnel, comme solution à une crise exceptionnelle dont personne ne voit véritablement d'issue. Les élections présidentielles de 1965 et législatives de 1967 ont montré l'affaiblissement du pouvoir gaulliste ; il pourrait être abattu grâce au mouvement de grève.

Le bureau politique du P.C., prend dès le 16 mai, l'initiative d'un appel à l'entente avec la gauche non-communiste :
«Les conditions mûrissent rapidement pour en finir avec le pouvoir gaulliste et promouvoir une démocratie authentique, moderne, conforme à l'intérêt du peuple et de la France. L'entente entre les partis de gauche sur un programme social avancé (...) devient urgente. Le Bureau Politique renouvelle instamment à cet effet ses propositions d'unité avec la F.G.D.S..» (144)
Waldeck Rochet (Secrétaire général du P.C.) évoque, le 18 mai, un «gouvernement populaire et d'union démocratique». Alors qu'à Paris les états-majors politiques se lancent dans de vastes joutes et pourparlers, la stratégie du P.C.F. s'appuie sur deux axes pour lesquels les militants sont mis à contribution :

- Rapprochement des sections locales du P.C.F. et de la F.G.D.S..

- Développement de l'idée du «gouvernement populaire et d'union démocratique» au sein de la population, se matérialisant par la création de «comités d'action» dans les entreprises et les quartiers. Il devient alors difficile de faire la part des choses entre une réelle volonté populaire d'union de la gauche, une certaine spontanéité et la mise en route d'un puissant appareil politique...

Dès le 20 mai les responsables des fédérations vauclusiennes des deux grandes formations se rencontrent et se déclarent notamment favorables à «l'élaboration immédiate d'une plate-forme commune»(145). Les élus des deux formations ont d'ailleurs reçu dans la journée un courrier surprenant des instituteurs et institutrices de l'école des garçons de Sorgues-Centre qui leur demandent :
«D 'aboutir rapidement à un programme commun, au contenu social avancé, applicable par tous les partis de gauche, propre : - à satisfaire les revendications immédiates des travailleurs. - à assurer une réforme démocratique de l'enseignement qui devra être laïcisé. » (146)
Le soir, lors d'une séance extraordinaire du Comité fédéral de Vaucluse du P.C.F., Fernand Marin annonce :
«Nous devons déjouer toutes ces manoeuvres, éclairer, faire sentir à la population, aux travailleurs, la nécessité d'un gouvernement populaire au service des travailleurs qui apportera un changement authentique vers la démocratie, vers une démocratie durable. (...) Que dans des quartiers, des écoles, des entreprises, à l'exemple de l'école des garçons de Sorgues, soient signées des lettres, des pétitions exigeant la constitution d'un gouvernement d'union démocratique. » (147)

Le 21, ce sont les sections de Sorgues du P.C.F. et de la F.G.D.S. qui se réunissent à la mairie (une délégation de l'U.L. C.G.T. est présente) ; un appel commun est lancé :
«Les sections de Sorgues du Parti Communiste Français et de la Fédération de la Gauche Démocratique et Socialiste saluent les travailleurs et les étudiants engagés dans un mouvement d'une exceptionnelle puissance, qui met en cause la politique antisociale et réactionnaire du pouvoir gaulliste. Ils estiment qu'il est grand temps d'en finir avec un tel pouvoir. Pour cela elles sont d'accord pour que soit élaboré dans l'immédiat un programme commun au contenu social avancé, dépassant l'accord du 24 février"' et permettant la construction d'un gouvernement d'Union Démocratique au service du peuple. Un tel gouvernement serait la garantie que satisfaction serait donnée aux revendications essentielles de la classe ouvrière, des étudiants, petits commerçants, des retraités et de tous les travailleurs. En conséquence, elles appellent la population sorguaise à manifester leur accord pour assister en masse au rassemblement qu'elles organisent demain, jeudi 23 mai, à 17 h 30, sur la place de la Mairie. Elles invitent les organisations syndicales, les travailleurs, à venir exprimer leurs revendications, afin de contribuer à leur aboutissement.»

Le même jour s'ouvre à l'Assemblée nationale le débat sur la motion de censure déposée par la gauche le 14 mai; le lendemain, lors du vote, elle ne recueille pas un nombre de voix suffisant (mais plusieurs députés de la majorité l'on votée ! ). C'est un échec (certes prévisible) pour les partis de gauche. Il faut signaler ici une anecdote révélatrice : Fernand Marin, devant se rendre à Paris pour le vote, a demandé aux employés municipaux de la ville de lui fournir de l'essence (sur leur stock) ; le comité de grève a alors refusé, et le député-maire a dû trouver un autre moyen pour se procurer le précieux liquide (149). Ce refus peut être interprété comme une certaine défiance des grévistes envers le politique, une croyance en l'autonomie et la force du mouvement (150). Le 23, plus d'un millier de personnes sont présentes pour le meeting place de la Mairie ; à la tribune, on trouve Joseph Chabert (pour la F.G.D.S.), M. Saint-Léger (pour le P.C.F.) ainsi que Léon Chatillon (secrétaire de l'U.L. C.G.T.). Fernand Marin fait également une apparition alors qu'il revient de Paris : «C'est le pays qui s'exprime, il faut un changement complet, et ce n'est pas le vote de la motion de censure qui changera la combativité des travailleurs» (151). Une motion reprenant en partie le texte de l'appel commun est adoptée par l'assemblée, elle se termine ainsi : «Vive l'union des partis de gauche »(152).

Le lendemain, un nouveau rassemblement a lieu place de la Mairie à l'appel de l'U.L. C.G.T. , avec des représentants de ce syndicat (Léon Chatillon et Maurice Reynet), du P.C.F. (Daniel Dijon), de l'U.F.F. (Colette Daumas) et des commerçants et artisans de la ville (Danton Bacchiocchir (153);  plus de 1 500 personnes sont présentes. M. Reynet y déclare : «La motion de censure, ce sont dix millions de travailleurs qui l'ont votée, car le pays n'est pas à l'image de l'assemblée nationale. »(154)

La direction du P.C.F. décide de donner un cadre, une structure, à l'élan qu'elle espère populaire en faveur d'un gouvernement d'union de la gauche ; elle appelle donc, le 21 mai, à la formation de «comités d'action pour un gouvernement populaire et d'union démocratique»(155). Le soir-même, les cellules de la section de Sorgues se réunissent en mairie afin d'évoquer le problème (156). Le jeudi 23, les cercles et le foyer de la J.C. de Sorgues organisent une conférence-débat sur la politique de leur parti ; Daniel Dijon y appelle alors à la création de comités d'action (157). Le 24 mai, se forme le premier «Comité d'action pour un gouvernement populaire et d'union démocratique» de l'agglomération, dans un quartier populaire d'Avignon, à l'initiative d'une cellule du P.C.F.. Ce n'est que le 29 mai que ce type de comité fait son apparition dans la région de Sorgues-le Pontet; trois comités sont alors en création, à la Poudrerie, la Gauloise et à l'Électro-réfractaire (158). Le 30, ils se créent à l'usine de la Rochette-Cempa et dans le quartier de la Cité Générat à Sorgues (159).

Bien qu'il s'agisse d'une initiative du Parti Communiste, les «comités d'action pour un gouvernement populaire et d'union démocratique» répondent à une demande d'une partie des grévistes ; la participation de non-communistes à ces comités le confirme, la base, unie dans l'action, souhaite un clair rapprochement des organisations de gauche. La «satisfaction» qu'éprouvent les fédérations de Vaucluse du P.C.F. et de la F.G.D.S., le 28 mai, à la nouvelle de la rencontre au niveau national entre les deux organisations (160), prouve que les responsables locaux sont demandeurs de cette union.

Pour les états-majors parisiens, les réactions sont bien différentes : les directions de F.O. et de la C.F.D.T. rejettent tout accord; la F.G.D.S., seule face au tandem P.C./C.G.T., refuse donc, et François Mitterrand se déclare, lui, candidat en cas d'élections présidentielles. Le 29, la C.G.T. organise dans toute la France des manifestations en faveur d'un «gouvernement populaire» (161), à Paris, la C.G.T. est seule à former le cortège. Pas de manifestation à Sorgues, mais en Avignon où, sous la pluie, se rassemblent plusieurs milliers de personnes, avec comme mot d'ordre «Pour la satisfaction des revendications, pour un changement politique de progrès social et de démocratie» (162); contrairement à Paris, le cortège reste intersyndical, C.G.T. , C.F.D.T. , F.E.N. et U.N.E.E sont au coude à coude (163).

Si le soutien qu'apportent les partis de gauche au mouvement de grève est sincère, rapidement, la volonté de nombreux grévistes de changer de régime aidant, la possibilité de la prise de pouvoir politique se dessine. Presque insensiblement, l'objectif du mouvement : «la satisfaction des revendications des travailleurs» est progressivement détourné vers un autre : «l'instauration d'un gouvernement populaire» qui, lui, satisferait ces revendications. La puissante grève spontanée, généralisée dans tous les secteurs, dans tout le pays, «la grève du siècle», les 10 millions de grévistes se trouvent relégués au second plan par les appareils politiques qui profitent de l'occasion pour pallier à la défaite électorale de 1967. Une partie de la base réclame un «gouvernement populaire», mais probablement pas des discussions d'appareils et de bureaux politiques ; presque par définition, la base est spontanée, le sommet ne l'est pas. Les grévistes souhaitent des changements, et donc des changements de méthodes... une réelle démocratie au sein des organisations. À partir du 16 mai, les organisations de gauche ont multiplié les «conciliabules» (164), le 29 mai, il ne s'agit plus que de stratégies, de jeux et joutes politiques, de dirigeants, de bureaux parisiens, bien éloignés des préoccupations et demandes de la base ou des responsables locaux. Le mouvement s'est transformé, la phase politique a déjà débuté.

La réaction du pouvoir

La paralysie du pays s'aggravant de jour en jour, la phraséologie révolutionnaire et la remise en question de la société et du régime tendant à se développer au sein de couches de plus en plus importantes de la population, le pouvoir est dans l'obligation de réagir, de mettre un terme à cette situation. Réaction sur deux plans : politique et social.

Après quelques jours de réflexion, et la fin du débat sur la motion de censure, le général de Gaulle prend la parole; son message est diffusé par la télévision le 24 mai, à 20 h. Il y évoque la crise, «la nécessité d'une mutation de notre société», ainsi que les remèdes, «une participation plus étendue», et propose alors un référendum par lequel il demanderait au peuple «un mandat pour la rénovation»(165).

Nombre de grévistes voient dans cette proposition une procédure plébiscitaire peu démocratique, un exemple de l'exercice du pouvoir personnel gaulliste... une véritable provocation.

Dans la nuit, les plus violents affrontements de mai opposent, dans Paris et dans plusieurs villes de Province, étudiants et forces de l'ordre (166).

Une autre partie des grévistes et de leurs soutiens (les partis politiques) est néanmoins réjouie car elle voit alors un moyen de se débarrasser du général de Gaulle.

Les réactions sont donc doubles : rejet du référendum «plébiscite», et appel à voter «non».

Le 28 mai, les fédérations de Vaucluse du P.C.F. et de la F.G.D.S. se rencontrent à nouveau et, dans une motion à laquelle s'associent les syndicats,
«s'engagent à soutenir fermement le «non» au référendum-plébiscite»(167).

Si la critique des méthodes gaullistes (le recours au référendum) est acerbe, les appareils politiques de gauche n'hésitent pas à les utiliser pour atteindre leurs objectifs. L'échec du général est donc complet ; son discours n'a pas impressionné les grévistes, il a conforté leurs positions ; de plus, les partis de gauche retrouvent l'espoir d'une issue politique à la crise, de leur retour sur le devant de la scène et d'une possible arrivée au pouvoir.

Dans le même temps (le 25) s'ouvrent, rue de Grenelle (Ministère des Affaires sociales), sous la présidence de Georges Pompidou, des négociations entre gouvernement, patronat et syndicats (C.G.T., C.F.D.T., F.O., C.F.T.C., C.G.C. et F.E.N.).

Durant les négociations, le Premier Ministre s'appuie sur la C.G.T. et ses revendications quantitatives (hausses de salaires), classiques, qu'il privilégie, plutôt que sur la C.F.D.T. favorable à des réformes de structures(168), voire même à la cogestion.

Un «club des trois» se forme alors (Gouvernement/C.N.P.F./C.G.T.) afin de régler au plus vite la crise (169). Les participants ne parviennent à un accord qu'après de fastidieuses heures de débats, le lundi 27, vers 7h du matin (170).

Les points principaux en sont l'augmentation du S.M.I.G. de 2,22 à 3 F (soit 35% de plus), la hausse des salaires de 7% en juin et 3% en octobre, l'abaissement du ticket modérateur pour les soins médicaux de 30 à 25%, le paiement de la moitié des heures de grève, l'abaissement d'une ou deux heures de la durée de travail, et la reconnaissance de la section syndicale dans l'entreprise.

Mais, en ce qui concerne l'âge de la retraite, l'échelle mobile des salaires ou l'abrogation des ordonnances, le texte est peu précis et remet à plus tard nombre de questions (171) : «le vague intentionnel domine dans presque tous les articles» (172). «En s'appuyant sur le principal syndicat français, le Premier ministre l'a emporté, en apparence tout au moins : en cédant sur des revendications matérielles et quantitatives, il a pu ignorer les transformations structurelles souhaitées par la C.F.D.T. »(173). Les syndicats ne signent pas le document, préférant laisser à la base le soin de l'accepter ou non. Les ouvriers de Renault-Billancourt rejettent aussitôt le résultat des négociations et scandent «gouvernement populaire !» ; ils sont rapidement suivis par l'ensemble des grévistes du pays.

À Sorgues, lors du rassemblement du 24 mai organisé par l'U.L. C.G.T., les travailleurs, au travers d'une motion, se déclaraient «indignés par le retard mis par le gouvernement et le patronat à ouvrir des discussions immédiates» et saluaient «comme un premier résultat l'annonce des premières négociations (...) ». Le texte continuait ainsi : « (les travailleurs) indiquent dès à présent que les salariés ne se contenteront pas de vagues promesses, mais qu'ils exigent des garanties essentielles avant toute reprise du travail»(174).

Le lundi 27, au matin, les résultats des négociations sont connues, rapidement diffusées, discutées, analysées, le rejet des ouvriers de Renault-Billancourt également ; mais l'influence de ce dernier événement sur les autres grévistes ne peut être établie clairement. À Vedène, 500 personnes se rassemblent à l'appel du «comité de grévistes» dans le cinéma de la commune ; Léon Chatillon, secrétaire de l'U.L. C.G.T. Sorgues-Le Pontet y déclare que les travailleurs «ne sont pas prêts à avoir fait la grève pour de maigres résultats» (175). Le même jour (en réponse ?) les ouvriers de trois nouvelles entreprises de Sorgues et du Pontet entrent en grève (Philibert, Sopreco, SAFOR ).

La base rejette ces «propositions» qu'elle juge bien «maigres», et qui oublient des revendications telles que l'échelle mobile des salaires ou l'abrogation des ordonnances sur la sécurité sociale, demandes pourtant présentes chez tous les grévistes, dans toutes les professions. Ils ne semblent pas en tenir rigueur aux dirigeants syndicaux, pourtant acteurs de ces négociations; il est vrai que l'espoir est toujours grand.

La grève continue donc, se renforce, mais son issue reste toujours imprévisible. Paradoxalement, le Gouvernement sort, lui, renforcé de la négociation de Grenelle : «Alors que la rue clame sa démission, en s'asseyant en face de lui, à la table des négociations, les syndicats lui accordent une reconnaissance pleine et entière, de fait comme de droit» (176). Si, à la base, chez les grévistes, le rejet du gouvernement est évident, les directions syndicales ont reconnu et demandé son arbitrage, donc son autorité.

Le référendum, annoncé par le général de Gaulle, et prévu pour le 16 juin, reste, lui, toujours d'actualité. Les partis de gauche restent focalisés sur cette initiative malheureuse du Président ; localement, responsables et militants restent mobilisés. Le 29 mai, le P.C. organise un meeting au restaurant La Chaumière, face à la Poudrerie. Des centaines de grévistes sont présents, Fernand Marin y vante le «non» au référendum et la «nécessité d'un gouvernement d'union démocratique avec le P.C.F.» ; il ajoute notamment : «Il faut absolument que les forces productrices soient au service des travailleurs qui doivent bénéficier de la prospérité» » (177)

Mais le général de Gaulle et ses partisans n'entendent pas rester inactifs jusqu'au référendum qui semble s'annoncer fort mal. Un vaste plan est alors mis en oeuvre.

Le 29 mai, le Général disparaît (il est à Baden-Baden); cela se sait rapidement, l'incertitude est alors totale. Le lendemain, il est de retour, presque en sauveur... et, à 16 h 30, se trouve devant les micros de la radio, pour un discours bref mais d'une rare fermeté :

- Le Général reste en place et conserve son Premier ministre.

- L'Assemblée nationale est dissoute, et de nouvelles élections programmées.

- L'idée du référendum est abandonnée.

- La possibilité du recours à l'article 16 est évoquée (pleins pouvoirs au Président, utilisation de l'armée pour rétablir l'ordre...).

- Appel à la constitution de Comités d'Action Civique pour soutenir l'action de l'Etat

- Les revendications des travailleurs ne sont pas évoquées, le mouvement de grève générale l'est en ces termes : «intimidation (...) intoxication (...) tyrannie exercée par des groupes organisés de longue main (...) par un parti qui est une entreprise totalitaire» (!).

Par ce discours, le Général tente d'installer la peur au sein d'une population déjà angoissée. Peur d'une possible répression violente, mais aussi et surtout peur de l'ennemi principal, désigné comme un véritable danger : le Parti communiste, que de Gaulle amalgame avec les barricades, la violence, la «dictature», le «totalitarisme», et auquel il oppose le «progrès», la «paix» et la «liberté» qu'il pense incarner... (!). «L'anticommunisme français en est remué au tréfonds de l'âme »(178). Dénonciation (recours ?) à un adversaire traditionnel qui, durant le mois de mai, n'a eu de cesse d'attaquer les révolutionnaires d'extrême-gauche, de critiquer la violence, de rejeter toute idée d'insurrection, au profit de la légalité démocratique !

Lorsque s'achève le message du Général une gigantesque manifestation de soutien se met en place dans Paris. Là rien de spontané pourtant, tout étant organisé depuis le 25 mai : tracts, slogans, lieux de rendez-vous, mobilisation. Dans les derniers jours, les contacts se sont multipliés vers le monde gaulliste, l'ensemble de la droite, diverses associations d'anciens combattants ou de résistants, mais aussi vers l'extrême-droite, les pétainistes, les anciens de l'O.A.S. (dont les condamnés sont graciés quelques jours plus tard). Plusieurs centaines de milliers de personnes sont présentes (179).

Le défilé, abondamment retransmis par la radio et l'O.R.T.F.(180), va ébranler les conceptions des Français jusque dans les plus petits villages. Les militants et sympathisants gaullistes, à leur tour, se sont mobilisés et, même si rien n'est comparable à Paris, ils se montrent même dans les grandes villes, et on les voit (181).

L'influence et la répercussion des événements parisiens sur la Province sont indéniables, car combinées avec les médias audio-visuels qui, pour la première fois, révèlent leur puissance (182). La gauche tente de réagir. En fin d'après-midi, un défilé et un meeting ont lieu à Sorgues, prévus et organisés (depuis la veille) par l'U.L. C.G.T. , avec la participation de la F.E.N. et du P.C.F. ; la C.F.D.T. y apporte également son appui ; plus de 2 000 personnes se sont rassemblées. Une banderole de tête porte la mention «un gouvernement populaire et d'union démocratique», le cortège scande «De Gaulle, Pompidou, démission !». Maurice Reynet évoque «le refus d'écouter la volonté populaire, puisque pas un mot n'a été dit sur les revendications pourtant légitimes». Fernand Marin y appelle à nouveau à l'union : «il faut nous unir encore plus, pour porter la riposte à ces mots d'intimidation qui sont en fait des signes de faiblesse» (183), peut-être se trompe-t-il sur ce dernier point...

Les gaullistes se mobilisent également en Vaucluse ; dans la soirée du 30 mai, le Centre Inter-professionnel du Patronat fait coller des affiches appelant à la reprise du travail, dans l'agglomération avignonnaise ; quelques tracts d'un Comité de Défense des Libertés Républicaines et Régionales (jusque là inconnu) sont distribués. Un tract (184), qui appelle à manifester le 1er juin, dénonce le caractère autoritaire et anti-démocratique des grèves. Le 1er juin, à 14 h 30, les gaullistes se rassemblent en Avignon (ils sont environ 1 200) pour manifester leur attachement à la République, à l'ordre, au Général. On trouve, en tête de cortège, des responsables vauclusiens, dont M. Bérard (185), suivis d'anciens combattants, de quelques étudiants, de paysans soucieux d'écouler leurs récoltes, «mais aussi le petit peuple inquiet qui en a assez de la violence, des voitures brûlées, de la France arrêtée et des insultes au «Grand Charles» (186). Certains d'entre eux seraient toutefois venus des Bouches-du-Rhône, et peut-être même de Lyon et de Nice (187).

Quelques heures plus tard, ce sont 6 à 10 000 personnes qui se rassemblent au même endroit à l'appel de la C.G.T, de la C.F.D.T, de F.O., de la F.E.N., de l'U.N.E.F et du M.O.D.E.F. La manifestation gaulliste, si elle n' a pas été suivie ou observée, a été décrite aux participants, et les orateurs ironisent sur le rapport de force : «Voilà la minorité qui veut nous opprimer... »(188).

Le «match» entre les deux rassemblements semble donc, vers 18 h, sur la Place de l'Horloge, avoir tourné à l'avantage de la gauche et des grévistes. Pourtant, ce ne sont pas les chiffres qui comptent, au moins au niveau local ; les jeux sont déjà faits. Si, dans la rue, les grévistes l'emportent, dans l'esprit des Français tout a changé. Les «classes moyennes», les spectateurs de mai, ont été confrontés et impressionnés par le déroulement, fort organisé, des événements : la disparition du Général de Gaulle qui effraye; sa réapparition et son message ferme qui rassurent ; la dissolution de l'Assemblée qui offre une issue légale et rassurante (189); la manifestation gaulliste de Paris fortement médiatisée ; les manifestations locales de soutien (même de faible ampleur)... De plus, très rapidement les forces de l'ordre dispersent les piquets de grèves des raffineries et des dépôts de carburant, l'armée prend le contrôle des émetteurs de l'O.R.T.F. ; le lendemain du discours, l'essence est de retour dans les pompes, la vie quotidienne change également (190). Les acteurs de mai ont été également impressionnés.

Reprises en mains

Le 30 mai est donc un tournant dans la crise ; le choc psychologique est immense. À partir de cette date, et alors que des négociations branche par branche ont lieu, les usines vont rouvrir leurs portes les unes après les autres. Les directions syndicales n'ont, le plus souvent, pas donné de consignes précises pour la reprise ; par contre, elles participent aux diverses négociations, secteur par secteur, et en proposent les résultats à la base lors d'A.G., provoquant (au travers des comités élus), pour chaque gain nouveau, un nouveau vote sur la reprise, comme par exemple à l'Électro-Réfractaire ou chez les cheminots d'Avignon (191).

La base a peut-être encore de l'espoir mais ne peut que subir le déroulement des événements.

Les réactions des grévistes sont variables, et souvent confuses, liées aux discussions parisiennes pour le niveau national, et locales pour ce qui est des directions d'établissements. En fait, chaque reprise du travail est un cas particulier, ce qui montre bien «l'émiettement» du mouvement, conséquence des négociations par secteurs.

Quant au P.C.F. et à la F.G.D.S., ils sont favorables à un rapide retour des choses dans l'ordre, à l'arrêt du mouvement de grève, afin de se présenter sous leur meilleur jour pour les élections, celui de l'ordre, de la respectabilité.

Les étudiants, initiateurs du mouvement, sont quasiment les seuls à rejeter ouvertement les élections, à refuser la division, la fin de la grève, qui ne pourrait que les isoler et entraîner une victoire du pouvoir et ce, pour le plus grand revers du monde ouvrier. Le Comité de Grève Étudiant d'Avignon l'explique dans un tract intitulé «NOUS N'AVONS RIEN OBTENU D'ESSENTIEL » (192).

Le matin même de l'allocution du Président, les ouvriers des établissements Matériaux Éclair de Sorgues ont repris le travail, avec notamment une augmentation de salaire immédiate de 7 % et le paiement de la moitié des heures de grève (193). Le lendemain, à la Poudrerie, les militaires ouvrent les grilles d'entrée. Une A.G. du personnel, le 1er juin, décide de la reprise (depuis le 26 mai, des discussions avaient lieu entre le Ministère des Armées et les syndicats). Les ouvriers obtiennent de 10 à 22% d'augmentation de salaires (appliqués avec rappel depuis le ler février 1967), ainsi que les libertés syndicales : le travail doit reprendre le 4 juin. D'autres discussions doivent avoir lieu en ce qui concerne les congés, le treizième mois ou la réduction du temps de travail (194).

L'ambiance n'est alors pas au beau fixe entre les divers syndicats du site : C.G.T. et C.F.D.T. accusant F.O. de n'avoir pas été très actif durant la grève, du moins jusqu'à la reprise (195).

Le même jour, les ouvriers de la Rochette-Cempa, certains du respect des «accords cadres» nationaux de la papeterie-carton (qui datent du 31 mai), votent la reprise du travail. Ils obtiennent des augmentations de salaires de 1F à 50c. de l'heure, une diminution du temps de travail de 2 h pour les personnes postées, des jours de congés supplémentaires pour les mères de familles...(196)

Les établissements ERO de Sorgues, après l'interruption des discussions au plan national dans la métallurgie et des contacts négatifs avec la direction, poursuivent la grève (91 pour; 15 contre et 5 abstentions). Pourtant, le lendemain, le 5 juin, les portes de l'usine s'ouvrent normalement, et le travail reprend.

Le 6 juin, trois nouvelles entreprises rouvrent leurs portes à Sorgues ou au Pontet : Péchiney-St Gobain (augmentation de 50 à 70F des salaires, réduction d'une heure par semaine du temps de travail) ; Michel Frères et S.I.T.P.A.. Dans la soirée, ce sont les agents municipaux de Sorgues qui décident la reprise du travail «sur propositions de la C.G.T. et du comité de grève» ; ils obtiennent les avantages acquis par toute la fonction publique (13,77 % d'augmentations de salaires, un jour de congé supplémentaire...) et l'espoir de nouvelles discussions (197).

L'Électro-Réfractaire, l'un des piliers de la grève dans l'agglomération d'Avignon, ne rentre dans les rangs que difficilement. Des contacts sont pris pour l'instauration d'un protocole d'accord, répondant aux discussions nationales et aux revendications propres à l'usine, la direction peut alors pénétrer à nouveau dans l'établissement. Le 5, à 11 h, les agents de maîtrise votent la fin de la grève, mais à 15 h, 83 % des ouvriers se prononcent pour la poursuite du mouvement, malgré les propositions du patronat exposées par le comité de grève (légère baisse du temps de travail échelonnée jusqu'en 1970, augmentation uniforme de 51F, rémunération partielle des jours de grève) ; de plus, les salariés exigent comme préalable le départ d'un des chefs du personnel qui était venu les provoquer durant l'occupation (ceci retarde les négociations). Enfin, le vendredi 7, un deuxième vote est prévu, «la direction syndicale C.G.T. prenait position, en expliquant aux grévistes le danger d'isolement sur le plan régional», la direction fait, elle, de nouvelles concessions : les ouvriers décident alors la reprise pour le lundi 10 juin (198).

Les cheminots d'Avignon, avant-garde (traditionnelle) de la grève en Vaucluse décident le 6 juin de reprendre le travail, non sans avoir durant plusieurs jours transformé le dépôt des Rotondes en camp retranché (contre d'éventuelles actions offensives des forces de l'ordre). La reprise du travail dans le secondaire ne s'effectue que le 12, après une violente contestation des dirigeants syndicaux de la F.E.N. par la base qui souhaite plus de démocratie intérieure ; la grève s'achève alors véritablement. Seul le C.L.U. reste occupé par les étudiants et quelques enseignants en lutte ; mais ils ne représentent plus que quelques centaines de personnes, alors que le Vaucluse a pu compter jusqu'à 60 000 travailleurs en grève (199) et peut-être 15 000 manifestants en Avignon, 2 000 rien qu'à Sorgues.

Pourtant, quelques bastions grévistes subsistent dans le pays, mais «tombent» les uns après les autres, la régie Renault reprend le travail le 17 juin, Citroën Berliet et Peugeot le 20, l'O.R.T.F. le 24. Cette période de l'après-grèves ou de l'extrême fin des grèves est marquée, au niveau national, par une remise en ordre des choses de la part du Gouvernement, par la répression et la violence. La campagne électorale commence, elle, le 10 juin.

Violence en effet, 3 morts en 2 jours : le 10 juin, un lycéen, tentant de fuir devant des gendarmes, se noie dans la Seine sous leurs regards; le 11, deux ouvriers meurent lors d'affrontements avec les forces de l'ordre dans les usines Peugeot de Sochaux (l'un d'eux est tué d'une rafale de mitraillette). Le 13 mai, un mois auparavant, la classe ouvrière, unitairement, avait réalisé une journée de grève générale «pour mettre fin à la répression» (200) qui sévissait au Quartier Latin contre les étudiants. Le 12 juin, pour protester contre la violence policière qui a causé la mort d'un lycéen et de deux ouvriers, les syndicats décident d'un arrêt de travail d'une heure (201). La base suit, un peu, on signale notamment un débrayage aux établissement la Gauloise (202); le Comité de Grève cheminot d'Avignon se félicite lui de l'unité retrouvée en cette occasion, mais déjà «déplore (...) qu'une augmentation abusive des prix annule déjà une partie des avantages arrachés de haute lutte au gouvernement»(203).

Le monde ouvrier subit la violence de la réaction, perd déjà une partie de ses acquis de mai, et pourtant ne réagit pas, les militants sont fatigués, et les syndicats espèrent une victoire de la gauche aux élections; une page se tourne. Le pouvoir se retourne ensuite vers les étudiants et les groupes d'extrême-gauche alors isolés : le 12 juin, le Gouvernement dissout 11 organisations «gauchistes» et révolutionnaires puis reprend en main les divers établissements occupés de Paris, les lycées, l'Odéon le 14, la Sorbonne le 16, sans heurt, les étudiants sont fatigués. Alors que la campagne électorale bat son plein, les étudiants vauclusiens militants de mouvements dissous se cachent pour échapper à la répression et les ouvriers sont à nouveau devant leurs établis...

Le mouvement de mai 1968 est définitivement terminé ; les élections législatives du 23 et 30 juin le confirment bien.

Le 23, la gauche est majoritaire en voix, mais divisée ; les représentants gaullistes sont, eux, en tête. Au soir du 30 juin, la droite remporte les trois sièges de députés du Vaucluse : J.-P Roux (Avignon), G. Santoni (Carpentras) et J. Bérard (Orange) qui remplacent deux socialistes et un communiste. L'explication se trouve, bien sûr, dans le report des voix qui n'a été ni automatique, ni mathématique. Mai a fortement divisé les organisations de gauche, les «petites phrases» malsaines se sont multipliées durant la campagne, l'atmosphère s'est alourdie. De nombreuses voix manquent alors dans les urnes, il est difficile de voter pour quelqu'un que l'on méprise ou dont on a peur.

Le 27 mai avait été une victoire du gouvernement, le 30 mai celle du général de Gaulle, le 30 juin est celle de la droite. Par une campagne anticommuniste féroce, amalgamant P.C.F. et barricades étudiantes, le pouvoir a effrayé les petits possédants, les inquiets, les soucieux, les moins informés... «Marin, c'est les kolkhozes pour demain.» (204). Il a également effrayé les centristes et les socialistes. Bien que cause de cette peur, les communistes n'étaient pas plus rassurés et craignaient une répression (205). Ce sont bien «les élections de la peur» (206)...

Les grévistes ont laissé, avec espoir, la place aux hommes politiques, mais ils n'ont apporté que la défaite. Comme si rien ne s'était passé, les choses rentrent dans l'ordre.

Conclusion

Pas de charges de C.R.S. ou de barricades dans la région de Sorgues-Le Pontet en mai 68, mais une grève généralisée atteignant la majeure partie des usines et entreprises et contribuant à la paralysie totale du pays; grève exceptionnelle de par son ampleur et la rapidité de sa propagation. Les jeunes ouvriers et syndiqués sont à la pointe de ce mouvement, pour beaucoup c'est leur première grève. C'est aussi souvent le cas pour les employés de très nombreuses entreprises, de taille modeste, et où l'activité syndicale était jusqu'alors inexistante, la grève inconnue ou oubliée (parfois depuis 1936). Tous les secteurs d'activité sont touchés.

Une large part de la population (artisans, paysans, familles...) apporte son soutien (moral, physique, financier) aux grévistes ; la commune de Sorgues est exemplaire en ce qui concerne l'expression de cette solidarité. Par contre, la part de la population qui, elle, s'oppose au vaste mouvement social en cours reste invisible, ne s'exprime pas, sauf aux élections législatives, le secret de l'isoloir reste sa forme «d'expression».

Ce retour aux urnes signifie l'abandon de la libre parole qui caractérisait mai.

Le caractère peu «spectaculaire» des événements locaux tranche avec les images traditionnelles que l'on peut avoir des événements de cette période. «Mai 68» n'est pas fait que de barricades et de charges de C.R.S.. La grève a bien été générale, mais est restée cloisonnée ; l'unité, exception faite de quelques manifestations, n'a pu être réalisée, les relations entre les grévistes de différents établissements ou secteurs sont assez rares, chacun restant dans les locaux occupés ou sur les piquets de grève. De multiples mouvements ont donc cohabité, se sont juxtaposés ; les cahiers de revendications sont les témoins de ces différences, les mouvements, les objectifs, les contestations sont multiples. La diversité des secteurs touchés implique obligatoirement des formes de mobilisation, d'expression, et d'action différentes.

Pourtant, une telle mobilisation (d'un aussi grand nombre de personnes en si peu de temps) nécessite un lien fédérateur fort, ancré au plus profond de chacun des acteurs; les cahiers de revendications le révèlent : le rejet des dix ans de politique gaulliste, le besoin d'un changement véritable de la vie quotidienne.

L'aspiration à une vie meilleure, à la disparition de la misère, à la justice est unanime, bien que son expression reste peu harmonieuse, maladroite, incertaine, diverse. Le cloisonnement de la grève et des grévistes, peut l'expliquer. En effet, comment une volonté, aussi ferme soit-elle, peut-elle s'exprimer identiquement dans des milieux très divers, alors qu'aucune concertation n'existe ? Comment les étudiants avignonnais et les ouvriers de l'Électro-Réfractaire peuvent-ils s'entendre et affirmer de communes positions ou intentions, sans se rencontrer, sans dialoguer ? Bien que, finalement, leurs objectifs soient les mêmes, les contestations se croisent, sans être associées, fasciculées ; cette unanimité ne peut se révéler, ne peut apparaître consciemment.

Le cloisonnement reste de rigueur, C.G.T. et P.C.F. veillant tout particulièrement à ce qu'aucun comité intersyndical local ou départemental ne se crée.

Par habitude, tradition ? Pour éviter la communion des différentes contestations ? Cette communion est refusée, interrompue là où elle naît : le mouvement de grève exceptionnel (de par son ampleur) reste fermement conduit par les appareils, d'une manière traditionnelle. On assiste alors à un véritable refus, une peur de l'exceptionnel. Le mouvement de mai 68 reste malgré tout un souvenir majeur des ouvriers de Sorgues ou du Pontet et l'une des pages marquantes de l'Histoire contemporaine des deux communes.

ELDIN Frédéric
Maître en Histoire Contemporaine, Licence d'Archéologie.

Extrait de la 11ème édition des Etudes Sorguaises "Continuité et ruptures de 1820 à 1968" 1998


Bien évidement, cet article sur le mai 68 de Sorgues et du Pontet ne peut détenir la vérité sur les événements qui se sont alors déroulés ; personne ne le peut d'ailleurs. De plus, nombre d'informations sont tirées des quotidiens de l'époque, souvent peu explicites, parfois contradictoires (". Les souvenirs ne sont, eux non plus, pas toujours fiables, car pouvant être déformés par le temps (entre autres) ; personne n'a d'ailleurs vécu la même histoire, n'a eu la même vision des choses. L'Histoire contemporaine n'est donc en rien plus simple qu'une autre. En cas d'erreurs ou d'imprécision, toute correction ou contribution constructive sera bienvenue. 

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1. Cf Recensement de 1968, population du département de Vaucluse, arrondissements, cantons et communes, Paris, Direction des journaux officiels, 1968, 7p..

2. Le Vaucluse fournit alors 41 % de la production de tomates, 35% de celle des melons, 40% de celle du raisin de table et est en tête de la production nationale de fraises, d'asperges, d'épinards et de cerises. Cf Abbiateci A., Expansion démographique et problème de l'emploi dans l'agglomération avignonnaise, Aix en Provence, 1969, mémoire de Géographie, dactylographié, 76 p.

3. Exploitants agricoles et salariés agricoles réunis Cf INSEE, documents de la Chambre de Commerce et d'industrie de Vaucluse.

4. Cf Grosso René, «Les Industries vauclusiennes», Méditerranée, n°4, octobre-décembre 1970, p. 321, 322, et 329.

5. Cette concentration s'explique notamment par la proximité du Rhône (fleuve navigable), de la route et du rail (des embranchements traversant la R. N. 7 pénètrent jusque dans les usines).

6. Cf Recensement de population de 1975, documents de l'I.N.S.E.E., Chambre de Commerce et d'Industrie de Vaucluse.

7. Titre emprunté au livre de I'U.D./C.G.T. de Vaucluse, Sur les chemins du premier siècle, un passé retrouvé, un présent d'avenir, Paris, V.O. Édition, 1995, 216 p..

8. Cf Documents de l' I.N.S.E.E., Chambre de Commerce et d'industrie de Vaucluse. Mais que dire des conditions de vie des travailleurs immigrés (très souvent oubliés durant la grève générale de mai-juin 68) , parfois confinés dans des bidonvilles de tôles et de bois, comme par exemple à Nanterre (à côté de la célèbre université).

9. Cf Delale Alain, Ragache Gilles, La France de 68, Paris, Seuil, 1978, p.13. «Avant 1966, la main-d'oeuvre manquait et l'on faisait venir des manoeuvres d'Espagne, du Portugal, d'Algérie, voire de Grèce ou du Proche Orient.» ibid p.181.

10. «Sur 470 sièges en métropole, le gaullisme n'en conquiert que 233 ; il faudra le vote de l'outre-mer pour que les gaullistes s'assurent une étroite marge de sécurité, disposant finalement de 247 sièges sur 487. (...) la gauche battue d'une courte tête est la grande triomphatrice, les communistes passant de 41 à 73 élus et la gauche non communiste de 105 à 121.» Cf Berstein Serge, La France de l'expansion, t.1, La République gaullienne 1958-1969, Paris, Seuil, Nouvelle Histoire de la France Contemporaine n° 17,1989, p.295-296.

11. «L'offensive en règle déclenchée avec les ordonnances de 1968 (...) porte dès maintenant un coup sérieux au niveau de vie des travailleurs. Deux chiffres suffisent à illustrer le fait : les mesures envisagées aboutissent dans l'immédiat à une ponction de trois cents milliards d'anciens francs sur les ressources consacrées aux dépenses de santé, une famille de quatre personnes subit en moyenne, du fait des ordonnances, un préjudice annuel de 35 0000 à 40 0000 anciens francs.» Cf Andrieu René, Les Communistes et la révolution, Paris, Union Générale d'Édition - 10/18, 1968, p.112.

12. «Les syndicats accentuent leur opposition à la politique sociale du gaullisme, organisent grèves et manifestations qui connaissent un incontestable succès et traduisent comme les élections, le sourd malaise qui s'installe dans l'opinion. L'opposition de gauche, sentant le pouvoir ébranlé, accentue ses efforts pour le déstabiliser.», Cf Berstein Serge, La France de l'expansion, t.1, La République gaullienne 1958-1969, Paris, Seuil, Nouvelle Histoire de la France Contemporaine n°17, 1989, p.297.

13. Cf UD CGT Vaucluse, Sur les chemins du premier siècle, Avignon, VO éditions, 1995, pp. 182-183 et Cf La Marseillaise, 18 mai 1966.

14. Cf Le Vaucluse Syndicaliste, Nouvelle série, n°9, mai 1966, p.1 .

15. Cf Dreyfus Michel, Histoire de la CGT, Paris, éditions Complexe, 1995, pp. 265, 267.

16. Cf La Marseillaise, 2 février 1967.

17. Cf La Marseillaise, 2 mai 1967.

18. La Marseillaise, 18 mai 1967. Des rassemblements ont également lieu à Bollène, Carpentras, Sorgues et Cavaillon.

19. Cf Le Vaucluse Syndicaliste, n°16, Juin 1967, p.5 ; et Cf UD CGT Vaucluse, Sur les chemins du premier siècle, Avignon, VO éditions, 1995, pp. 188-187.

20. Cf Dreyfus Michel, Histoire de la CGT, Paris, éditions Complexe, 1995, pp. 266-267, Delale Alain, Ragache Gilles, La France de 68, Paris, Seuil, 1978, pp. 32-34, et Dansette Adrien, Mai 1968, Paris, Jules Tallandier, 1971, p. 182-183.

21. Cf Le Vaucluse Syndicaliste, n°15, mai 1967, pp. 2,4. Et Cf La Marseillaise, 20, 21, et 22 avril 1967. Le film de Chris Marker «Le Fond de l'air est rouge», 1977, permet de découvrir l'importance qu'ont pu avoir les grèves de 1967 ; un ouvrier y déclare ainsi : «on pourra dire, nous on était de 67 !».

22. Ce plan, portant le nom de son auteur, Ministre de l'Education, remanie l'organisation des études universitaires en la divisant en plusieurs cycles. L'UNEF y voit plutôt un moyen de se débarrasser du trop grand nombre d'étudiants.

23. L'exclusion ou le départ de divers courants non orthodoxes (italiens, maoïstes, trotskistes incontrôlables pour le PC) de l'U.E.C. est à l'origine de la création de plusieurs d'entre elles.

24. Du nom de Lambert, fondateur et dirigeant de l'O.C.I. (Organisation Communiste Internationaliste)

25. Cf La Marseillaise et Le Provençal, 2 mai 1968.

26. Le Mouvement du 22 mars (créé à cette date) regroupe des étudiants nanterrois de toutes tendances (JCR, UJCmI, anarchistes...).

27. Les leaders, dirigeants et principaux militants étant alors aux mains de la police.

28. Des Personnes interrogées, alors militants de l'OCI ou du groupe anarchiste de Vaucluse ne se souviennent pas de ce comité. Le ton employé, contre «la classe bourgeoise», les «staliniens» ou les organisations en général : «Les luttes étudiantes, comme les luttes de leurs frères ouvriers, devront se passer (...) de la tutelle des organisations qui essaient d'exploiter leurs luttes pour leurs propres fins, ou être vaincues.» permet de penser qu'il s'agit de l'oeuvre de libertaires ; Cf AD 2 DOC 190 grèves.

29. Entre 2 et 300 participants. Cf Le Provençal, 6 Mai 1968.

30. «On a décidé de flanquer la grève générale sur Avignon, on devait être huit !», entretien avec J-P. S. (alors étudiant et militant de l'OCI). «Il fallait aider à ce que les étudiants ne restent pas isolés.», entretien avec G. S. (alors enseignant et militant de l'OCI).

31. Cf Vaucluse Matin, 7 mai 1968.

32. C'est la première fois, depuis le régime de Vichy, que des forces de l'ordre pénètrent dans une enceinte universitaire.

33. Cf Vaucluse Matin, 7 mai 1968.

34. Tract de l'UNEF du 7 mai, AD, 2 DOC 190 Grèves .

35. Entretien avec J-L. R. ( alors étudiant et responsable des JC et de l'UEC), 20.05.97.

36. Entretien avec G. G. (alors étudiant et membre du groupe libertaire ), 24.04.97 et V. M. (alors ouvrier et membre du groupe libertaire), 12.01.97.

37. Cf Le Vaucluse Matin, 6 Mai 1968.

38. Plusieurs phrases de ce communiqué sont ainsi copiées sur l'article de Georges Marchais «De Faux révolutionnaires à démasquer» paru le 3 mai dans L'Humanité ! 

39. Cf La Marseillaise 13 mai 1968.

40. Cf Joffrin Laurent, Mai 68, histoire des événements, Paris, Seuil, 1988, P. 129.

41. Ibid p. 130

42. Cf Le Provençal, La Marseillaise, 12 mai 1968.

43. L'U.D.F.O. a probablement été contactée, mais son secrétaire général, Jean Bouvet, refuse tout contact
intersyndical ou politique.

44. AD 2 DOC 190.

45. Cf La Marseillaise et Le Provençal, 13 mai 1968.

46. Cf La Marseillaise, 15 mai 1968.

47. Cf La Marseillaise, 15 mai 1968 et entretien avec C. V., 11.05.97. 48. Cf Le Provençal, 15 mai 1968.

49. Cf La Marseillaise, 15 mai 1968.

50. Cf Joffrin Laurent, Mai 68, histoire des événements, Paris, Seuil, 1988, pp. 131-137.

51. ib. pp. 142-144.

52. Cf Séguy Georges, Le Mai de la C.G.T., Paris, Julliard, 1972, p. 34.

53. Cf Dreyfus-Armand Geneviève, Gervereau Laurent ( dir.), Mai 68, Les Mouvements étudiants en France et dans le monde, Paris, B.D.I.C., 1988, pp. 266-267 (entretien avec Daniel Moreau, alors secrétaire de la Fédération CGT des cheminots).

54. Archives de l'UD CGT de Vaucluse et du Club des cheminots.

55. Cf Le Provençal, 19 mai 1968. Aucun article des quotidiens régionaux n'évoque les cheminots de Sorgues et du Pontet, peu nombreux.

56. «Il semble que, dans nombre de cas, de jeunes ouvriers ont pris l'initiative du mouvement, débordant souvent les cadres syndicaux qui, suivant une tactique aussi vieille que le mouvement syndical, en présence de ces initiatives, s'associent aux grèves pour en reprendre le contrôle et en assurer la direction.» Cf Lefranc Georges, Le Mouvement Syndical de la Libération aux événements de Mai-juin 1968, Payot, Paris, 1969, p. 233.

57. Cf La Marseillaise, 21 mai 1968.

58. Cf Lefranc Georges, Le Mouvement Syndical de la Libération aux événements de Mai-juin 1968, Payot, Paris, 1969, p. 233.

59. Cf Le Provençal, 20 mai 1968.

60. Aujourd'hui la SEPR.

61. Tract CGT non daté, Archives de l'UD CGT de Vaucluse

62. Depuis le début de l'année 1965, l'usine avait embauché 5 ou 600 jeunes ouvriers, une grande partie du personnel avait entre 20 et 30 ans ; «avec la jeunesse, c'est parti un peu comme un coup de canon !». Entretien avec G. P., alors jeune ouvrier de l'Électro-Réfractaire (25 ans), et délégué CGT du personnel, le 04.06.97.

63. Le tract de la CGT parle de 12 h ; Le Provençal du 21 mai de 17 h (l'heure effective de la grève ?)

64. Tract de la CGT de juin 1968 retraçant l'historique du mouvement de l'Électro-Réfractaire, archives de l'UD CGT de Vaucluse.

65. Cf Le Provençal, 21 mai 1968.

66. Entretien avec G. P. , 04.06.97. Un article de La Marseillaise du 8 Mai 1968 évoque les avantages dont vont bénéficier les ouvriers de l'«Électro» ( baisse du temps de travail, primes...).

67. Cf Dreyfus Michel, Histoire de la CGT, Paris, Éditions Complexe, 1995, p. 268.

68. Cf La Marseillaise, 21 et 22 mai 1968.

69. Lors de la reprise, la direction est surprise de la qualité de l'entretien de l'usine. Entretien avec G. P., 04.06.97.

70. Les femmes représentent 80% des 160 ouvriers ; Cf La Marseillaise du 22 mai.

71. Cf La Marseillaise, 28 mai 1968.

72. Cf La Marseillaise, 25 mai 1968.

73. Cf Entretien avec Vincente Marti, alors ouvrier à l'Oseraie, le 12.01.97 et Marti Vincente, La Saveur des patates douces, Lyon, ACL, 1998, p. 102-103.

74. Cf La Marseillaise, 21 mai 1968.

75. Cf La Marseillaise, 25 mai 1968, qui ne donne pas plus de précision sur la journée du 22, ni sur l'arrêt de la grève le 23.

76. «ça a d'ailleurs été une des difficultés, faire comprendre aux camarades que, contrairement aux autres usines qu'ils occupaient, que nous on ne pouvait pas occuper, ça aurait pu mener très loin», Entretien avec Henri Bouilhaud-Duverney, secrétaire de l'UD CGT et ouvrier à la Poudrerie, 05.05.97.

77. Cf La Marseillaise, 22 et 23 mai 1968.

78. Cf Le Méridional, 5 juin 1968.

79. Cf La Marseillaise, 21 mai 1968.

80. Cf Moulinas René (dir.), Histoire d'Avignon, Aix-en-Provence, Edisud, 1979, p.647.

81. La C.G.T. notamment a décidé, au niveau national, qu'il n'y aurait pas de coupure, Cf Joffrin Laurent, Mai 68, Histoire des événements, Paris, Seuil, 1988, p.181.

82. Cf La Marseillaise, 23 mai 1968.

83. Entretien avec J. J. (alors instituteur au CEG Louis Pasteur du Pontet et responsable du S.N.I.), 20.06.97.

84. Ibid.

85. Entretien avec G. P., 04.06.97.

86. «Dès les premiers jours, l'Electro était assaillie de demandes d'aides de la part d'inorganisés et de nouveaux syndicats», tract de la CGT, Archives de l'UD CGT de Vaucluse.

87. Entretien avec V. M. , 12.01.97.

88. Cf Le Provençal, 23 mai 1968.

89. Archives de I'UD FO de Vaucluse.

90. Entretien avec Henri Bouilhaud-Duverney, 05.05.97.

91. Ibid.

92. Cf La Marseillaise, 23 mai 1968.

93. Cf La Marseillaise, 24 et 25 mai 1968.

94. Cf La Marseillaise, 28 mai 1968.

95. Cf La Marseillaise, 28-31 mai 1968.

96. Mais la date exacte du débrayage n'est pas connue.

97. Entretien avec Henri Bouilhaud-Duverney, 05.05.97.

98. Entretien avec J. K. (responsable de la CFDT), 12.06.97.

99. Cf Bouilhaud-Duverney Henri, "Notes sur «mai 68»", in Institut d'Histoire Sociale du Vaucluse, 1968-1988, 20 ans déjà, Avignon, UD CGT, 1988.

100. Communiqué de l'UD CGT, Cf La Marseillaise, 24 mai 1968.

101. Entretien avec G. P. , 04.06.97.

102. Cf La Marseillaise, 25 mai 1968.

103. Cf La Marseillaise, 29 mai 1968.

104. Cf La Marseillaise, 23 mai 1968. À Villeneuve-lez-Avignon, c'est une U.L. qui se crée, Cf La Marseillaise, 27 mai 1968.

105. Cf Le Provençal, 2 juin 1968.

106. Entretien avec Henri Bouilhaud-Duverney, 05.05.97.

107. Cf La Marseillaise, 25 mai 1968. Si les informations concernant les débrayages ne sont que partielles, celles concernant les usines où le travail continue sont inexistantes en ce qui concerne l'agglomération. Il est pourtant fort probable que des votes dont le résultat était opposé à la grève, ont eu lieu.

108. Des occupations d'usines ont également eu lieu dans d'autres villes du Vaucluse (Avignon, Valréas, Cf La Marseillaise, 21 mai), mais aussi dans des villages comme Althen-les-Paluds ou Saint-Saturnin-lès-Avignon, Cf La Marseillaise, 28 mai 1968.

109. Cf La Marseillaise, 28 mai 1968.

110. Cf La Marseillaise, 7 juin 1968.

111. Cf La Marseillaise, 30 mai 1968.

112. Peu ou pas d'information pour l'UD CFDT ; une section de cette confédération se créera à l'usine de l'Électro-Réfractaire après les grèves de mai-juin 1968, Cf Vaucluse Syndical, N° 23, Mars 1969, p.26. L'UD CGT revendiquera 2 500 adhésions nouvelles en mai-juin et la création de 35 à 40 syndicats. Cf Le Vaucluse Syndicaliste, supplément au n° 20, juin 1968, p.3.

113. Tract non daté de I' U.L. CGT d'Avignon, Archives de l'UD CGT de Vaucluse.

114. Entretien avec G. P., 04.06.97.

115. Tract CGT appelant à l'action, Archives de l'UD CGT de Vaucluse.

116. Qui ont pu faire penser «à l'élaboration des cahiers de doléances», Entretien avec René Grosso, 09.01.97.

117. «95 % des cadres supérieurs gagnent en France plus de 1800 F, et 35 % d'entre eux plus de 4 500 F par mois, pendant que 75 % des ouvriers touchent de 500 à 1200 F et 30 % des ouvrières moins de 500 F». Cf Delale Alain, Ragache Gilles, La France de 68, Paris, Seuil, 1978, p.18.

118. Cf Le Provençal, 26 mai et La Marseillaise, 27 mai 1968.

119. Cf Le Provençal, 29 mai.

120. Tract CGT/PTT daté du 19 mai, Archives de l'UD FO de Vaucluse.

121. Entretien avec F. C. (alors directeur d'école à Orange), 02.06.97.

122. Ibid.

123. Cf La Marseillaise, 22 mai 1968.

124. Entretien avec G. P., 04.06.97.

125. Entretien avec G. G., 24.04.97.

126. Entretien avec J.-L. R., 20.06.97.

127. Entretien avec V. M., 12.01.97.

128. Le secrétaire fédéral de F.O., Jean Bouvet, refuse que son U.D. participe au comité, mais le syndicat F.O. des «municipaux» d'Avignon passe outre les consignes et y est représenté.

129. Tract du Comité, Archives de l'UD FO de Vaucluse.

130. Cf Le Provençal, 31 mai 1968.

131. Cf Le Provençal, 31 mai 1968.

132. Cf La Marseillaise, 27 mai 1968.

133. Cf Le Provençal, 27 mai 1968. D'autres se créent dans plusieurs quartiers d'Avignon.

134. Le même jour, la ville d'Avignon décide d'une aide de 50 000 F au bureau d'aide sociale de la ville. Cf Le Provençal, 26 mai 1968 et La Marseillaise, 27 mai 1968. Le 27 mai, c'est le Conseil Général de Vaucluse qui vote une aide de 200 000 F pour ceux qui souffrent de la situation. Cf Le Provençal, 28 mai 1968.

135. Cf Le Provençal, 27 mai 1968.

136. Ceux-ci ont signé une pétition le 24 mai en soutien au mouvement de grève. Cf Le Provençal, 26 mai 1968.

137. Cf La Marseillaise, 27 mai 1968.

138. Cf Le Provençal, 28 mai 1968.

139. Cf La Marseillaise, 24 mai 1968.

140. Cf La Marseillaise, 28 mai 1968.

141. Cf La Marseillaise, 2 juin 1968.

142. Cf Le Provençal, 27 mai 1968.

143. "Dont Franck Aluzzi" Cf La Marseillaise, 2 juin 1968.

144. Tract du PCF distribué le 18 mai dans l'agglomération avignonnaise. Archives de MD FO de Vaucluse.

145. Cf Le Provençal, 21 mai 1968.

146. Les instituteurs ajoutent : «Nous exigeons que soit mis fin à toutes tentatives de compromission de quelque formation de gauche avec des formations réactionnaires qui se contenteraient d'un replâtrage du système actuel», il est probable que les auteurs évoquent les incertitudes d'une partie de la majorité, notamment les gaullistes de gauche, à la veille du débat sur la motion de censure. On peut remarquer l'emploi de l'expression «programme commun, au contenu social avancé» très proche du «programme social avancé» du communiqué du 16 mai du bureau politique du PCF. Cf Le Provençal, 22 mai 1968.

147. Cf La Marseillaise, 22 mai 1968.

148. Accord du 24 février 1968 entre le PCF et la FGDS.

149. Entretien avec Fernand Marin, 27.03.97.

150. Geste d'autant plus surprenant car mettant en scène un comité de grève majoritairement CGT et le secrétaire fédéral du PCF.

151. Cf Le Provençal, 24 mai 1968.

152. Cf Le Provençal, 24 mai 1968 et La Marseillaise, 24 et 25 mai 1968.

153. Ces derniers ont baissé leurs rideaux et se sont réunis quelques instants auparavant, exposant leurs propres revendications (contre «les trusts et les grosses sociétés commerciales», l'implantation de grands magasins, la baisse de la TVA...) et exprimant leur solidarité avec les travailleurs en grève. Cf La Marseillaise, 25 mai 1968

154. Cf Le Provençal, 26 mai 1968.

155. À ne pas confondre avec les «comités d'action» (tout court) qui fleurissent alors en France. «En 1968 ce terme désigne des organes différents les uns des autres ; Certains sont de simples groupes de réflexion, voire des commissions d'étude. (...) Certains s'organisent sur la base des quartiers ; d'autres sur celle des lieux d'étude ou de travail. Tous ont en principe quelque chose de commun : absence de hiérarchie, spontanéité dans la création et la dissolution, présidences tournantes. Si les «assemblées générales» ont été dans les facultés, les organes législatifs de la démocratie, les comités d'action ont été les centres d'initiatives. Nés de la grève, ils ont évité qu'elle ne reste passive.» Cf Schnapp Alain, Vidal-Naquet Pierre, Journal de la commune étudiante, textes et documents, Paris, Seuil, 1969, p.473. Un comité de ce type se crée alors en Vaucluse, Cf Marti Vincente, La Saveur des patates douces, Lyon, ACL, 1998, p. 106-107.

156. Cf La Marseillaise, 24 mai 1968.

157. Cf La Marseillaise, 26 mai 1968.

158. Cf La Marseillaise, 30 mai 1968.

159. Cf La Marseillaise, 31 mai 1968.

160. Cf Le Provençal, 29 mai 1968.

161. Cf Dreyfus Michel, Histoire de la CGT, Paris, Ed. Complexe, 1995, p. 272.

162. Tract intersyndical du 29 mai, AD 2 DOC 190 Grèves.

163. Cf La Marseillaise et Le Provençal, 30 mai 1968.

164. Cf Delale Nain, Ragache Gilles, La France de 68, Paris, Seuil, 1978, p.121.

165. Cf Joffrin Laurent, Mai 68, Histoire des événements, Paris, Seuil, 1988, p.223.

166. Ce déchaînement de violence (deux morts, un à Paris, un à Lyon, des barricades, un début d'incendie à la Bourse), semble-t-il facilité par le dispositif policier, contribue au retournement de l'opinion à l'encontre des étudiants. Cf Joffrin Laurent, Mai 68, Histoire des événements, Paris, Seuil, 1988, pp. 228-229.

167. Cf Le Provençal, 29 mai 1968.

168. Cf Berstein Serge, Milza Pierre, Histoire de la France au XXème siècle, T. IV, 1958-1974, Paris, Éditions Complexe, 1992, p.86.

169. Cf Dansette Adrien, Mai 1968, Paris, Jules Tallandier, 1971, p.266-269.

170. Personne ne s'entend sur le nom qu'il doit porter (le «protocole d'accord de Grenelle» étant la dénomination que lui donne le gouvernement).

171. Cf Delale Alain, Ragache Gilles, La France de 68, Paris, Seuil, 1978, pp.110-111, et Dreyfus Michel, Histoire de la CGT, Paris, Ed. Complexe, 1995, pp.270-271. Il est clair que ces deux dernières revendications ont été abandonnées par les dirigeants de la CGT qui ont, dans la nuit, accéléré l'issue des négociations, après avoir appris la tenue du meeting CFDT-UNEF de Charléty, le 27 au soir (afin de présenter un accord aux grévistes et d'éviter un débordement par la gauche). Cf Joffrin Laurent, Mai 68, Histoire des événements, Paris, Seuil, 1988, p. 240-241, et Dansette Adrien, Mai 1968, Paris, Jules Tallandier, 1971, p.271-272.

172. «Pour 13 000 caractères d'imprimerie et 14 articles plus une annexe, il est fait 18 fois référence à des négociations ultérieures, sans autre indication de contenu ; 10 fois, à des «déclarations d'intentions» gouvernementales ou patronales, et 5 fois seulement à des mesures sociales accompagnées de chiffres et de dates d'application». Cf Delale Alain, Ragache Gilles, La France de 68, Paris, Seuil, 1978, p.1 10.

173. Cf Berstein Serge, La France de l'expansion, T.1, La République gaullienne, 1958-1969, Paris, Seuil, 1989, p. 314.

174. Cf La Marseillaise, 25 mai 1968.

175. Cf La Marseillaise, 28 mai 1968. L'Histoire, n° 110, avril 1988, p.41.

176. Cf Antoine Prost, «Les Grèves de mai-juin 1968».

177. Cf Le Provençal, 30 mai 1968.

178. Cf Joffrin Laurent, Mai 68, Histoire des événements, Paris, Seuil, 1988, p. 297.

179. Quelques slogans entendus alors semblent pourtant spontanés, comme par exemple «la France aux Français» ou «Cohn-Bendit à Dachau». Cf Joffrin Laurent, Mai 68, Histoire des événements, Parts, Seuil,1988, p. 299, Dansette Adrien, Mai 1968, Paris, Jules Tallandier, 1971, p. 357 et Girard Patrick, «La Grande manifestation du 30 mai», L'événement du Jeudi, 9-15 avril 1998, p. 51-52.

180. Probablement 500 000 personnes.

181. «Le 30 mai est en effet le jour du retournement de la situation». Cf Berstein Serge, La France de l'expansion, T. 1, La République gaullienne, Paris, Seuil, 1989, p. 317.

182. Peu de témoins interrogés lors de ce travail se souviennent de l'existence de la manifestation gaulliste d'Avignon, mais pour la plupart ils se rappellent de celle de Paris.

183. Cf Le Provençal, 1 er juin 1968 et La Marseillaise 31 mai 1968. Le défilé emprunte le trajet suivant : rue de la République, rue des Remparts, avenue St-Marc, avenue des Griffons, route d'Entraigues, Cité Langevin.

184. A.D. 2 DOC 190, Grèves.

185. Le traditionnel adversaire de Fernand Marin dans la troisième circonscription du Vaucluse.

186. Cf Joffrin Laurent, Mai 68, Histoire des événements, Paris, Seuil, 1988, p.300.

187. Cf Le Méridional, 2 Juin 1968. Le Provençal, 2 Juin 1968 ; «on ne retrouvait que bien peu de visages vauclusiens», Cf La Marseillaise, 2 Juin 1968.

188. Cf Le Méridional, Le Provençal et La Marseillaise, 2 Juin 1968.

189. «On passe au terrain politique, mieux connu, identifié, où les enjeux s'expriment dans une langue codée, claire pour les protagonistes et où l'issue résulte d'une pratique simple, le bulletin de vote.» Cf Berstein Serge, La France de l'expansion, T. 1, La République gaullienne, Paris, Seuil, 1989, p. 318.

190. «Tout est dominé par le changement de perspectives politiques que traduit le brusque retour de l'essence. Alors que, depuis le 20 mai, les postes distributeurs s'asséchaient les uns après les autres, ou n'étaient réapprovisionnés que pour les prioritaires, brusquement, à partir du vendredi 31, les piquets de grève qui empêchaient le ravitaillement des centres distributeurs ayant été écartés, le ravitaillement redevient possible.» Cf Lefranc Georges, Le Mouvement syndical de la libération à mai-juin 1968, Paris, Payot, 1969, p. 242.

191. Voir ci-dessous. Il est clair qu'une telle pratique de succession de votes, qui ne peut être critiquée d'un point de vue démocratique, fragilise la position des grévistes et renforce celle de ceux qui s'impatientent, qui en ont assez, sont fatigués ou, prudents, qui choisissent «un tiens» plutôt que deux «tu l'auras». En tout cas ce n'est pas la voie de la radicalité.

192. AD 2 DOC 190, Grèves.

193. Ainsi que 3% d'augmentation en octobre, l'attribution d'un "bleu" de travail par an et à l'usure, et la construction de douches et d'un réfectoire. Cf La Marseillaise, 31 mai 1968. Mais, le même jour, les entreprises Jouve et Ridolfi de Sorgues entrent, elles, dans la grève.

194. Cf La Marseillaise, 1 er et 2 juin 1968, et Le Provençal, 5 juin 1968

195. «. . . nos camarades de FO qui ont suivi cette grève de loin et de derrière les platanes, sans lancer aucun mot d'ordre, aucun tract, eux qui en sont si friands, n'ont assuré aucun piquet de grève, sont accourus les premiers, vu qu'ils sont toujours avertis les premiers par la Direction des bonnes nouvelles, ont emporté le gâteau et sont venus à la réunion dans l'intention de le distribuer de leur part au personnel. Nous espérons que cette nouvelle fanfaronnade ouvrira bien les yeux sur le bla-bla-bla continu des dirigeants FO.» Tract CGT/CFDT de la Poudrerie, 4 juin 1968, archives de l'UD FO de Vaucluse.

196. Cf Le Provençal, 5 et 6 juin 1968

197. Cf La Marseillaise, 8 juin 1968.

198. Cf Le Provençal, 5 juin 1968, et tract de la CGT évoquant l'historique de la grève dans l'usine, archives de l'UD CGT de Vaucluse.

199. UD/CGT de Vaucluse , Sur les chemins du premier siècle, Avignon, VO éditions, 1995, p. 191.

200. AD 2 DOC Grèves, tract intersyndical.

201. Tract CGT du 12 juin 1968, Archives de l'UD CGT de Vaucluse.

202. Le Provençal, La Marseillaise, 13 juin 1968.

203. Cf La Marseillaise, 13 juin 1968.

204. Cf La Marseillaise, 29 juin 1968.

205. «La peur, un climat de fascisme qui nous menaçait, les arrestations envisagées les planquent également. (...) Même les militants politiques avaient peur de venir aux réunions» Entretien avec Fernand Marin, 27.03.97.

206. Cf Berstein Serge, La France de l'expansion, T. 1, La République gaullienne, 1958-1969, Paris, Seuil, 1989, p. 321.

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BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE

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