En contrebas des bâtiments de l’usine « SIRE », face à ceux qui longeaient la rivière, les atterrissements avaient formé une petite île, on l’appelait « l’îlon. ». Elle partageait l’Ouvèze en deux bras : l’un se dirigeait vers le barrage, l’autre baignait la berge droite de la rivière. Sur cette portion de terre, des arbres touffus croissaient.
L’été, c’était un endroit frais que seul le chant strident descigales troublait. L’après-midi, en période de basses eaux, après le repas et la sieste, les vieux Sorguais n’étaient pas fâchés d’y faire un bout de promenade, traversant à pied sec le bras droit de la rivière. Le lieu était beau : à gauche, l’usine Sire, ses canaux et la levée ; à droite, c’était l’enchevêtrement des saules et des peupliers ; derrière, le profil du pont de l’Ouvèze ; devant, les regards s’en allaient jusqu’à la courbe de la rivière dans l’entrelacement des arbres.
Le quartier du Grand Pont, c’était quand on venait d’Orange, par la route nationale 7, et que l’on passait le pont à tablier plat qui franchissait l’Ouvèze. En 1835, le vieux pont bossu, des armoiries de la ville, avait été remplacé par celui-là.
La maison « Santet » était la première construction qui s’offrait à la vue, à gauche en arrivant. Elle était bâtie sur un tertre isolé, inaccessible aux inondations, c’était une maison fastueuse, témoignant de la puissance financière de ses propriétaires. Devant elle, dans une déclivité du terrain, était massé tout le faubourg.
En 1853, Joseph Casimir PASCAL, un notable originaire de Carpentras, achetait à Sorgues un bâtiment de grange appelé le « Grand Gigognan » et trois hectares de terre autour, avec « tous les droits du vendeur sur la fontaine qui longe le chemin de Sorgues et dont les eaux dérivent d’une source qui existe dans une propriété supèrieure appartenant aux vendeurs qui transmettent... à l’acquéreur... tous leurs droits à cette source et aux eaux qui en découlent ainsi qu’à toutes dépendances y attachées ». C’est sous cette forme particulière que le tabellion précisait la propriété de la source, dans un acte du 6 décembre 1843.
Aujourd'hui englobée dans la banlieue industrielle d'Avignon, Sorgues est une ville du Vaucluse au patrimoine méconnu. Point stratégique et lieu de passage, Sorgues devient au XIIIe s. Une cité importante du Comtat Venaissin pontifical avec l'établissement des ateliers monétaires de la papauté puis, au début du XIVe s., avec la construction du palais de Jean XXII. De nos jours, le coeur ancien de Sorgues, circonscrit par le tracé des remparts médiévaux, est totalement excentré au nord d'une agglomération groupée autour du centre administratif et commercial (figure 1).
En 17581, le roi de France Louis XV « le Bien aimé », par l’intermédiaire de ses ministres et notamment Daniel de TRUDAINE2, chargeait le Comtat Venaissin de construire une route à partir de la principauté d’Orange jusqu’à Avignon par Pont-de-Sorgues. Cette voie, à percer, devait être créée pour faciliter le charroi et le déplacement des troupes entre Lyon à Marseille. Cette construction était devenue un besoin impérieux. Le chemin, emprunté alors pour se rendre de Pierrelatte à Aix, passait par Le Saint Esprit (Pont-Saint-Esprit), Uzès, Tarascon, Saint-Rémy, Orgon, Lambesc et Aix, cela représentait sept jours de marche. Mais, à cause de l’irrésolution des décideurs, il fallut plus de deux décennies pour voir ce projet aboutir.