Au début du siècle dernier, une ferme du quartier Tout-Vent était la résidence secondaire d’Octave V., qui était le dernier rejeton d’une famille de tabellions. Son père avait été très longtemps notaire à l’Isle-sur-Sorgue. Après avoir obtenu une licence de droit, il s’était inscrit au barreau d’Avignon et, lorsqu’il était las de la chicane, il aimait se retrouver dans sa grange.
En exil volontaire, au milieu de la garrigue sorguaise, il quittait son air d’avocat. Il abandonnait ce pas lourd, la tête inclinée, les mains derrière le dos que ses confrères observaient dans la salle des pas perdus du palais de justice. Il devenait un promeneur hardi, effectuant de longues courses par les buissons et la rocaille, traversant les ronces, se frayant un passage dans les halliers. Son plus grand bonheur était de mettre en fuite les lapins qui croyaient subodorer le civet.
Lorsqu’on remonte un peu dans le temps à la recherche de nos ancêtres, nous avons la surprise de trouver un ou plusieurs patronymes que nous partageons avec quelques-unes de nos connaissances.
Pour les Sorguais de souche un peu ancienne, il en est un commun à bon nombre d’entre nous : PERRIN.
1 - De Sorgues à la Cluse en Dévoluy : 1945/1955
Louis Lacanau est venu au monde le 6 novembre 1919, au nord de la bourgade, quartier « Lacanau » (près de l’actuel garage Pitot). Son père, Emile, chaufournier, conduisait un four à chaux dont il était le propriétaire.
En 1942, malgré la guerre et ses exactions, les prisonniers en Allemagne et les privations, Sorgues formait encore un groupe homogène. Le malheur qui frappait un de ses membres affectait toute la communauté. C’est ainsi que la disparition des époux Alzina dans le naufrage du paquebot Lamoricière jeta la consternation dans le village qui mit, pour un temps, au second plan, les préoccupations de la vie quotidienne.
Souvent, en ce début de vingtième siècle, les élections se passaient dans les cafés. Le café du Commerce, vous savez bien qu’à présent il a fait place à une agence de la Banque Populaire, était le siège du parti Radical. C’était également celui d’une compagnie de joyeux drilles : les « Mirlitons ».
Je vais vous raconter une vieille histoire et les conséquences très fâcheuses qui en résultèrent pour maître Maucuer, notaire à Sorgues, et la renommée de son étude. Ces faits survivent dans quelques cerveaux, colportés de génération en génération.1
André LEGIER de MONTFORT
Le 16 juillet 1743[1], Jean LEGIER, originaire de Brignoles en Provence, marchand papetier résidant depuis quinze ans environ à Châteauneuf-de-Gadagne, acheta, en concours avec madame Marie Anna Cappeau demeurant également à Chateauneuf de Gadagne, de François Hiacinte de Bassinet, docteur en droit, demeurant à Avignon, un moulin à farine et un bâtiment très ancien. Le tout était situé à Sorgues, en dehors des murailles (hors remparts), au quartier du Ronquet.
Jean Légier transmit ce bien à son fils André, né à Châteauneuf-de-Gadagne le 30 octobre 1736. Pour sa fabrique, ce dernier ambitionnait d’obtenir le titre honorifique de « manufacture royale ». Au début de l’année 1773, il adressa une requête au roi en ce sens. Il soutenait que l’existence de son établissement industriel remontait à l’année 1404 et que le produit fabriqué fut « porté au plus haut degré de perfection qu’il soit possible »[2]. Une enquête était ordonnée afin de vérifier les faits articulés. Elle fut diligentée par un nommé Martin, « roturier » avignonnais. Le 11 avril 1773, sa réponse fut claire : «M. Légier, Président trésorier de France au bureau des finances de Provence, fait valoir..dans le territoire de Pont-de-Sorgues une fabrique de papier très considérable… » Or « ..cette papeterie.. n’est supérieure aux autres. .papeteries… ny dans la qualité , ny dans la quantité…la qualité du papier n’est que de plus commun, c’est tout papier bleu ou de pliage… » Si la distinction était accordée, il serait à craindre que des plaintes s’élevassent des autres fabriques du Comtat. Cette demande fut rejetée.[3]